jeudi 6 septembre 1990

 

Renforcement de la flotte occidentale dans le Golfe.
La marine occidentale se renforce dans le Golfe pour faire respecter l'embargo contre l'Irak. Le commandement de la marine américaine a autorisé hier le cuirassé Wiconsin, fleuron de l’US Navy, à utiliser ses énormes canons de 16 pouces (400 mm). Ils ont une portée de 37 km et tirent des obus pesant 1.215 kg. Le cuirassé Missouri devrait recevoir sous peu une autorisation similaire. Ses ordres parviennent alors que parallèlement, le renforcement de l’armada se poursuit. Les autorités égyptiennes du canal de Suez indiquent que 3 bâtiments de guerre espagnols (2 corvettes, 1 frégate), ayant à leur bord 500 hommes, se dirigent vers la Mer Rouge et le Golfe. Ils sont suivis par le Nassau, navire américain amphibie qui peut transporter des avions à décollage vertical, des hélicoptères et des véhicules. L’accompagnent également le Pensacola et le Saginaw, spécialisés dans le transbordement de troupes et de chars. De plus, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères indique que la France n’a pas "d’objection de principe" à la requête des USA, qui ont demandé à leurs alliés de mettre à leur disposition des navires civils pour transporter troupes et matériels vers le Golfe.

Les USA veulent partager la facture du Golfe.
Après Nicholas Brady, secrétaire américain au Trésor, qui effectue une tournée des pays engagés au côté de George Bush pour mettre au pas Saddam Hussein, c’est maintenant au tour du secrétaire d'Etat James Baker d’ "aller chercher un soutien accru à la campagne contre le maître de Bagdad". Il s’est envolé hier pour plusieurs capitales arabes et européennes. "Un des buts de ce voyage est de parler à un nombre de pays de ce qu’ils pourraient faire en plus de ce qu’ils ont déjà accepté..." a-t-il déclaré, avant de décoller pour Riyad.

La Chine s'oppose à la coalition.
Taha Yassin Ramadan, vice-Premier ministre irakien, arrive à Pékin pour évoquer la crise du Golfe avec les dirigeants chinois. "Cette visite résulte d’une requête faite par la partie irakienne et à laquelle la partie chinoise a accédé", déclare Li Jinhu, porte-parole de la diplomatie de Pékin. Li réaffirme que la Chine était "contre l’implication militaire des grandes puissances dans la région" (du Golfe), ajoutant : "Nous avons toujours été opposés à la présence de troupes de tout pays dans un autre".

Bilan de la rencontre Aziz - Gorbatchev : une entente de façade.
Le ministre irakien, qui tient une conférence de presse avant de quitter Moscou où il a rencontré Gorbatchev, affirme que les Soviétiques travaillant en Irak sont "libres de leur mouvement" et qu’il appartient à l'URSS de décider de retirer ou non ses spécialistes. Il confirme que les militaires soviétiques n’ont pris part ni à la préparation de l’expédition au Koweït ni à son déroulement. Ils sont "dans l’ombre", dit-il. Tarek Aziz rappelle qu’il s’est rendu à Moscou à la demande de Saddam Hussein "qui a tenu à informer le président soviétique de la position de l’Irak" avant le sommet USA-URSS d’Helsinki. Le ministre irakien des Affaires étrangères reconnaît qu’il existe des divergences entre Bagdad et Moscou portant sur l’appréciation de la situation dans le Golfe, mais il estime que les entretiens ont été "constructifs" et "sincères". Il se déclare prêt à les poursuivre après la rencontre Bush-Gorbatchev. Interrogé sur l’éventualité d’une médiation soviétique, Aziz déclare que "si l’URSS était disposée à jouer un rôle plus actif, l’Irak s’en féliciterait". Il rappelle cependant que son gouvernement ne ferait un pas vers l’élaboration d’un règlement qu’à condition que les occidentaux acceptent le principe d’un règlement global au Moyen-Orient, y compris celui du problème palestinien. En fin d’après midi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de l’URSS, Guennadi Guerassimov, sans entrer dans le détail des conversations affirme qu’elles ne sauraient être caractérisées comme "un pas en arrière", les contacts diplomatiques étant toujours utiles, mais qu’il faut attendre avant de parler de "pas en avant". Guerassimov indique que la partie irakienne a exposé son point de vue et Moscou le sien. Moscou, affirme-t-il, n’est pas disposé à adopter un ultimatum conjoint à l’Irak lors de la rencontre Bush-Gorbatchev de dimanche. C’est la 1ère fois que l’hypothèse d’un ultimatum commun est évoqué à propos d’une rencontre, dont la Maison-Blanche souhaiterait qu’elle donne le feu vert à une intervention américaine, ce qui ouvrirait la voie à de redoutables aventures. Tout en excluant donc l’idée d’un ultimatum, le porte-parole soviétique indique que les USA et l’URSS ont cependant "des responsabilités particulières" et il avance l’idée de la constitution d’un état-major auprès de l’ONU comme la charte de l’organisation internationale le prévoit.

Interview de Jacques Chirac dans Paris Match : le gendarme du monde, c'est l'ONU.
Dans une interview accordée à l'hebdomadaire français Paris-Match, le maire de Paris se prononce pour une issue pacifique à la crise du Golfe : "Il faut soutenir les efforts du secrétaire général de l’ONU. (...) Ses efforts ont été vains jusqu’ici. Mais rien ne doit nous faire désespérer". Jacques Chirac insiste par ailleurs sur la nécessité pour la France de ne pas emboîter le pas des USA dans la voie d’une escalade militaire : "Il ne faut pas que la France soit "à la traîne" de quiconque. Nous devons participer, avec nos moyens, à une action internationale qui ne peut être que décidée et coordonnée par l’ONU (...). C’est à l’ONU de jouer le rôle de gendarme du monde et de prendre les initiatives et les décisions qui s’imposent. (...) La France, sous l’impulsion du général de Gaulle, a élaboré une politique arabe qui est conforme à ses intérêts et à ceux des pays arabes. (...) La fermeté exigée par la situation ne doit en aucun cas mettre en cause ces relations." "Je souhaite dans cette crise, ajoute Chirac, que nos responsables n’oublient jamais que la France a une position et des intérêts propres dans le monde arabe et qu’elle doit conserver son indépendance de jugement et d’action".

Conférence de presse du représentant de l'OLP en France : l'ONU doit agir contre Israël.
L’OLP souhaite que l'ONU témoigne "envers le respect des droits du peuple palestinien et de la légalité internationale" de "la même vitalité exceptionnelle exprimée par les Nations Unies à propos de la crise du Golfe", déclare à Paris le délégué général de Palestine en France, Ibrahim Souss. Dans sa conférence de presse, ill invite "la communauté internationale, qui a réaffirmé au cours des dernières semaines son refus de l’acquisition de territoires par la force", à "exprimer de manière plus ferme et plus urgente sa détermination à faire respecter ce principe et à exiger d’Israël l’application des résolutions de l’ONU relatives à la question palestinienne".

Conférence de presse de François Mitterrand : il faut un embargo sans faille.
François Mitterrand réaffirme que la France s’en tient aux résolutions de l’ONU. "Je crois à l’efficacité de l’embargo", déclare-t-il. Et d’ajouter immédiatement que "la sagesse (en la matière) c’est d’être implacable dans son exécution". Le Président n’écarte pas la possibilité d’une action militaire de la France dans le Golfe. Il fait valoir la capacité d’intervention des forces françaises "qui se situent au 2ème rang aujourd’hui, dans le dispositif, après les Etats-Unis, et nettement devant tout autre". Dans le même temps, il réemploie sa regrettable expression de "logique de guerre". Ce ne serait "pas servir le droit (international) que de prétendre aller vers la paix par le mauvais chemin". Le chef de l’Etat avoue enregistrer les démarches, qualifiées d’"irréelles", de Yasser Arafat, du roi Hussein de Jordanie, "d’un certain nombre de pays, de chancelleries, et même du secrétaire général des Nations- Unies". Il s’empresse d’ajouter que rien n’indique plus aujourd’hui "qu’on puisse appliquer les résolutions des Nations-Unies sans aggravation du conflit". Cette position ne va pas dans le sens de l’intérêt - actuel et à venir - de la France. Notre pays a des intérêts économiques, politiques, spécifiques dans cette région du globe. Des devoirs moraux aussi. Paris peut et doit prendre des initiatives en faveur de la détente. Le président se félicite de la rencontre qui doit se tenir à la fin de cette semaine entre Bush et Gorbatchev à Helsinki. L’objectif de ce sommet serait, selon Mitterrand, de faire la démonstration que "ces 2 grands pays" sont bien "en harmonie". Il fait état d’une conversation téléphonique avec Gorby, où celui-ci se serait montré "très déterminé" à faire tout ce qui peut être fait pour que la cohésion de ceux qui ont adopté les résolutions de l’ONU "soit préservée et si possible renforcée". Pour finir, le président français confirme qu’il prend la pleine paternité des mesures d’austérité décidées par le gouvernement : "Ce sont des mesures de rectification, d’adaptation, que j’ai déclarées moi-même nécessaires".

Hussein de Jordanie en visite à Bagdad.
Le roi Hussein de Jordanie est arrivé hier à Bagdad. Il poursuit aujourd'hui ses entretiens avec Saddam Hussein. Selon des sources diplomatiques, ces discussions commencées aussitôt après l’arrivée du souverain jordanien à Bagdad, portent essentiellement sur les efforts déployés en vue "de trouver une solution à la crise au sein de la famille arabe en dehors de toute ingérence étrangère". Le roi Hussein a informé Bagdad des résultats de sa tournée au Maghreb et dans plusieurs capitales européennes.

La Libye s'engage dans le ballet diplomatique.
A Tripoli, le président Kadhafi décide d’envoyer des émissaires dans plusieurs capitales, parmi lesquelles Paris, Rome et Moscou, pour les informer de son projet de règlement de la crise du Golfe. Le dirigeant libyen a lancé le 1er septembre un plan de solution de la crise du Golfe, prévoyant le retrait des forces irakiennes du Koweït et leur remplacement par des forces de l’ONU, l’évacuation de l’Arabie Saoudite par les forces multinationales au profit de forces musulmanes et arabes. Le projet prévoit également la levée de l’embargo imposé à l’Irak, la mise à disposition de Bagdad de l’île koweitienne de Bubiyan (nord-ouest du Golfe) et du champ pétrolifère de Rumaylah (à la frontière des 2pays) et la liberté pour le peuple koweitien de choisir son régime politique et ses dirigeants.

En bref :
   

Les autorités de Bagdad reconnaissent avoir "accidentellement" blessé par balles l'otage américain au Koweït, alors qu'il tentait d'éviter une capture.

La presse d’Ankara et l’opposition turque expriment leur vive inquiétude suite au vote du Parlement turc autorisant le gouvernement à envoyer des troupes à l’étranger. L’ancien Premier ministre Souleiman Demirel déclare : "Je ne peux rien imaginer de pire que de voir nos fils tués dans le désert et d’en tirer de l’argent."

Le ministère irakien de la Défense fait savoir aux sous-officiers démobilisés âgés de 37 ans (ils sont plusieurs milliers) qu’ils ont 3 jours pour rejoindre leurs unités.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Margaret Thatcher, Premier ministre de Grande-Bretagne : "Hussein prétend être le leader du monde arabe et il se cache derrière des femmes et des enfants" otages.
David Lévy, ministre israélien des Affaires étrangères : Tel-Aviv "est aux côtés de l’Amérique dans le combat pour des valeurs que nous partageons" (Radio-Israël).
George Bush, président des Etats-Unis, accepte "l’offre de diffuser un message au peuple irakien" (Communiqué de la Maison Blanche).
Tarek Aziz, ministre irakien des Affaires étrangères, regrette que des "divergences considérables" opposent l'URSS à l'Irak.

Lu dans la presse :
Sondage Louis-Harris-L’Express : Grâce au Golfe, la cote de popularité de François Mitterrand progresse de 7 points (61% d’opinions positives) et celle de Michel Rocard de 4 points (57%).

 

 

Agence de presse américaine Associated Press : Selon de hauts responsables de l’administration Bush, Washington désire que ses alliés assument la totalité du coût de l’opération Bouclier du désert, soit en argent, soit en contributions matérielles. Celui-ci est actuellement estimé à 6 milliards de dollars jusqu’à la fin de l’année.
Quotidien iranien Tehran Times : "Puisque les résolutions de l’ONU ne font pas tomber les vivres et les médicaments sous les sanctions imposées à l’Irak, l’Iran en choisissant de venir en aide au peuple irakien (par l’envoi de ces produits à Bagdad), l'Irak ne violera aucune loi internationale".
Quotidien économique américain Financial Times, citant le ministre italien des Affaires étrangères : L’URSS a proposé à la CEE d’étudier la possibilité d’une déclaration commune sur la crise du Golfe. L’initiative de Moscou viserait à contrebalancer la déclaration américano-soviétique prévue dans 3 jours.

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

Galerie de photos
  • image 1
  • image 2
  • image 3
  • image 4
  • image 5
  • image 6
  • image 7
  • image 8
En vidéo


La fermeté de la France face à l'Irak (25 minutes)
Interview de l'ambassadeur d'Arabie Saoudite en France
FR3 - Journal de 19h30 - 6 septembre 1990