lundi 3 septembre 1990

 

George Bush souhaiterait renverser Saddam Hussein.
La presse occidentale, notamment l'hebdomadaire américain Newsweek, révèle que le président américain George Bush a donné son feu vert à une opération secrète visant à renverser Saddam Hussein. L’un des volets de l’entreprise mise sur pied par la CIA, consisterait à fournir argent et matériel à la rébellion kurde combattant depuis des années contre la dictature de Bagdad. Le tout serait acheminé par la Turquie. Ce qui ne va pas sans chagriner Ankara. Le gouvernement turc, comme celui de Bagdad, recourt sans état d’âme à la répression contre les populations kurdes. L’ "aide" américaine pourrait se révéler à double tranchant, laisse-t-on entendre du côté du Bosphore. Selon le journal britannique The Guardian, citant des officiels américains, la CIA est en train d’organiser et d’entraîner dans des bases saoudiennes, des groupes de Koweïtiens, à des actions de guérilla contre les troupes irakiennes stationnées au Koweït. La coopération américano-saoudienne dans le domaine des opérations de déstabilisation a une longue histoire, rappelle Newsweek. Riyad a versé quelque 32 millions de dollars à l’administration Reagan dans le cadre de l’aide à la Contra nicaraguayenne. Dans les années 60, la dynastie des Seoud participait à "une étrange coalition", aux côtés de la Jordanie et d’Israël, qui finançait et aidait en matériel une tentative de subversion au Yémen, organisée par les Forces spéciales britanniques. Les Saoudiens espéraient alors écarter l’influence de l’Egypte nassérienne à leurs frontières.

Discours de Yasser Arafat : la duplicité des Américains.
Yasser Arafat lance dans un discours prononcé à l’occasion du millième jour de l’Intifada, un avertissement solennel à l’opinion internationale. "Nous vivons un moment historique crucial car le devenir de la nation arabe est en danger. (...) A aucun moment de l’histoire ancienne ou contemporaine, on n’a vu une telle croisade sur le sol arabe et on n’a autant entendu de cliquetis d’armes étrangères", déclare-t-il en mettant en garde contre les conséquences de "ce déploiement considérable de forces étrangères, de flottes et d’armement de destruction". "Ceci augure d’un grand danger et peut engendrer des catastrophes dans le monde arabe et islamique et dans les pays du tiers-monde car il risque de dégénérer en guerre totale dont les conséquences n’épargneront personne", dit-il. La crise du Golfe, ajoute-t-il, a démontré "la duplicité et la tromperie" de l’attitude des USA et des pays occidentaux. "Alors que Washington a recours à l’étendard de la légalité internationale pour imposer l’embargo à l’Irak afin de servir ses intérêts et ceux d’Israël, il n’était pas si enthousiaste à appliquer cette légalité internationale quand il s’agissait de la question palestinienne. Bien au contraire, il usait de son droit de veto pour empêcher l’adoption de toute résolution condamnant d’une manière ou d’une autre Israël". "A ceux qui s’interrogent sur la position palestinienne, nous demandons où se place Israël dans cette guerre (...). Nous ne pouvons être que dans le camp hostile à Israël et à ses alliés impérialistes, qui a mobilisé toute sa machine de guerre sophistiquée non pour venir au secours de telle ou telle autre partie, mais pour protéger ses intérêts", ajoute-t-il.

Interview de Roland Dumas sur Antenne 2 : le risque de guerre.
Interrogé dans l'émission L'Heure de vérité sur la télévision française, le ministre français des Affaires étrangères déclare que "la crise du Golfe va entrer dans une 3ème phase. La 1ère phase a été celle de la réaction. La 2ème a été celle de la diplomatie (...), je n’ai pas vu d’écho en revenir. Je pense que les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui pour que des négociations puissent être menées utilement jusqu’à leur terme". Une analyse lourde de menaces qu’est venue pondérer (mais à peine) l’affirmation "qu’il faut laisser toutes les chances à la paix" et l’assurance que de nouvelles mesures militaires n’interviendraient que "si le Conseil de sécurité le veut".
Dans cette longue interview, Dumas se félicite du "grand déploiement diplomatique" qui se déroule depuis quelques jours dans le Golfe ainsi que de "l'attitude commune" et de "la solidarité" des pays de la CEE. Même s'il reconnaît que Perez de Cuellar a quitté Amman avec un constat d'échec (le secrétaire général de l'ONU se serait "trouvé devant un mur"), Dumas estime que "toutes les chances de paix doivent être sauvegardées et explorées". Et pour éviter la guerre, Dumas "espère" que l'embargo fera fléchir Saddam Hussein. Pour cela, il mise sur l'efficacité du blocus international : "Si l'embargo est de plus en plus étanche, explique-t-il, on a toutes les raisons de penser que son efficacité jouera". Etendre le blocus maritime au transport aérien peut être une solution, selon le ministre, qui précise toutefois que "l'embargo ne jouera pas sur le transport des médicaments et sur l'aide humanitaire d'urgence".Le ministre précise que, depuis la mise en place de l'embargo, la France a procédé à 170 contrôles de navires et à un arraisonnement. Par conséquent, il ne faut pas "sous-estimer le rôle de la France" dans la coalition anti-irakienne. Dumas insiste également sur un point : la France n'a "pas demandé une participation [financière] aux autres [pays], les Etats-Unis le font, ça les regarde".
Questionné sur le ballet diplomatique qui a lieu à Bagdad en vue de libérer les otages, Dumas regrette que les "tentatives" de Jesse Jackson et de Kurt Waldheim "visent à créer des failles" dans la solidarité internationale. Il s'agirait pour l'Irak de diviser les Occidentaux et de "gagner du temps". Réagissant aux propos de Margaret Thatcher tenus hier, Dumas rappelle que le 21 août dernier, tous les ministres des Affaires étrangères de la CEE ont accepté l'idée que "les dirigeants irakiens, à quelque niveau que ce soit", et pas seulement Saddam Hussein, doivent répondre "devant une juridiction internationale de leurs comportements personnels qui ont porté atteinte" aux otages. Pour l'heure, tout est fait pour apaiser les souffrances des ressortissants français retenus dans le Golfe. "Notre cellule de crise fonctionne 24h/24. (...) Nous avons mis en place tout un système de communications difficile", comme l'envoi de "télégrames chiffrés" ou encore l'utilisation de valises diplomatiques, "ce qui est à la limite des règles habituelles". Pour ce qui concerne les ressortissants irakiens vivant en France, aucune mesure de représailles n'est envisagée. Bien que certains soient soumis à "une attention particulière", aucun ne sera renvoyé "par charter" dans son pays d'origine.
Avouant ensuite que "le déclenchement [de la crise] a été soudain et [que] tout le monde a été surpris" par l'invasion, le ministre est interrogé sur différentes évolutions de la crise du Golfe dans la mesure où "toutes les hypothèses ont été examinées". Ainsi, si l'Irak attaque l'Arabie Saoudite, la France ripostera "sous sa propre responsabilité". "Ca fait partie de ses missions, (...) la France est là pour ça". Si les USA attaquent l'Irak, le gouvernement français ne serait pas surpris. Si les USA attaquent le Koweït, la France interviendrait "si on est dans le cadre" de l'ONU. Si l'Irak attaque Israël, "la France serait solidaire de la communauté internationale" car "l'embrasement serait tel (...) qu'il serait difficile de rester à l'écart". Enfin, si l'Irak évacue le Koweït et libère les otages, ce serait "une défaite" pour Saddam Hussein, dont le régime ne résisterait plus longtemps. En effet, "la population irakienne serait solidaire de Saddam Hussein, mais dans le fond des choses, il y a du mécontentement et beaucoup d'inquiétudes".
Rappelant que la France a toujours souhaité la tenue d'une conférence internationale sur les Territoires occupés, Dumas justifie le fait qu'il y ait 2 poids et 2 mesures. Mais "ce n'est pas parce qu'un crime est commis par l'un qu'il doit être commis par un autre" tente-t-il d'expliquer tout en confiant que "la France a une politique arabe" traditionnelle "mais aujourd'hui, la difficulté ne vient pas du côté français mais du côté du monde arabe qui est divisé".
Roland Dumas a clos cette longue discussion en excusant la forte amitié franco-irakienne et "le commerce d'armes" qui est "mondial, tout le monde en vend, tout le monde en achète".
Les derniers espoirs de la diplomatie française reposent désormais sur la rencontre USA-URSS prévue à Helsinki, lors de laquelle les 2 Grands pourraient "s'entendre sur une solution (...) de paix (...), ou de fermeté (...), le renforcement de l'embargo (...) ou des actions de force"...

En bref :
   

 L'ordre des avocats irakiens veut intenter un procès à George Bush pour "crimes contre les peuples qui aspirent à la liberté".

Les conditions de vie sont de plus en plus difficiles dans les ambassades occidentales assiégées à Koweït-City. Ainsi, à l'ambassade des USA, les diplomates sont contraints de brûler les meubles de la chancellerie pour se chauffer et de faire bouillir l'eau de la piscine pour la boire...

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Bettino Craxi, secrétaire général du Parti socialiste italien : Il n’y a pas de risque immédiat de conflit armé dans le Golfe et il reste "beaucoup de choses à faire" dans le domaine diplomatique.
Edward Luttwak, historien et ancien conseiller du président Reagan : "Les Irakiens ont trop l'expérience de la bataille pour s'enfuir sous le feu et ils sont trop lourdement armés pour ne pas infliger avant leur éventuelle défaite de lourdes pertes à leurs adversaires, même dans des combats isolés que leur commandement ne parviendrait plus à coordonner" (Quotidien français Libération).
Georges Sarre, secrétaire d’Etat français aux Transports : Les baisses des limitations de vitesse des automobilistes sont "au stade des études", au sein d’un plan général d’économies d’énergie pour contrer la hausse des prix des carburants (Radio française Europe 1).
Guennadi Guerassimov, porte-parole du ministère soviétique des Affaires étrangères : La présence militaire US dans le Golfe "est en train d’aider Saddam Hussein à former un bloc anti-américain de tous les Arabes, et certains tendent à oublier que tout a commencé par la prise du Koweït et la violation de tous les principes du droit international". Une "intervention chirurgicale" en Irak n’est pas une bonne solution parce que "le scalpel risque de se transformer en massue et d’avoir un effet boomerang".
Roland Dumas, ministre français des Affaires étrangères : "A plusieurs reprises, nous avons fait comprendre à nos alliés américains qu'ils allaient un peu vite en besogne" (Télévision française Antenne 2).

 

Hebdomadaire américain US News and World Report : Ce conflit ferait au moins 30.000 victimes dans les rangs américains.
Quotidien français Libération : Saddam Hussein, "bien qu’il ait payé de sa personne, n’est toujours pas parvenu à hystériser les opinions occidentales".

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


La crise des otages (24 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 3 septembre 1990