jeudi 13 septembre 1990

 

James Baker en visite officielle en Syrie.
Cela faisait plus de 2 ans qu'un secrétaire d'Etat américain ne s'était pas rendu en visite officielle à Damas. La visite de James Baker montre bien l'importance que les USA accordent à l'engagement syrien aux côtés de l'Arabie Saoudite. Le secrétaire d'Etat américain a affirmé qu'il avait longuement évoqué avec le président syrien Hafez al-Assad la question du terrorisme "qui constitue un réel problème entre les deux pays". La Syrie figure officiellement sur la liste officielle américaine des Etats soutenant le terrorisme international. Mais cette ombre semble s'estomper devant l'alliance de circonstance qui se dessine.

Le Japon quadruple sa contribution financière dans le Golfe.
Au milliard de dollars déjà promis fin août vont s'ajouter un milliard destiné à payer le déploiement des forces américaines et multinationales, et 2 autres milliards de prêt aux pays directement touchés par la crise, comme l'Egypte ou la Jordanie.

Margaret Thatcher soutient les Etats-Unis.
Margaret Thatcher réaffirme son soutien à la politique de George Bush dans le Golfe et estime, sans les nommer, que certains pays "devraient faire preuve d’un peu plus de courage". Le Premier ministre britannique se déclare favorable à un accord régional de sécurité garantissant le respect des Droits de l’homme. Elle affirme que le maintien de troupes étrangères pourrait difficilement être évité si des pays de la région le réclamaient. Une manière de préparer le terrain à une installation à long terme des Américains dans le Golfe.

L'Iran soutient l'Irak ? 
"Quiconque combat l’agression de l’Amérique, sa cupidité et son projet d’empiéter sur la région du Golfe livre le Djihad au service d’Allah et quiconque est tué pour cette cause est un martyr". Cette déclaration de l’ayatollah Ali Khamenei, successeur de Khomeiny, faites à Téheran et relayée par les responsables politiques irakiens annonce-t-elle un engagement prochain de l’Iran au côté de son ennemi d’hier, dans la partie de bras de fer engager au Moyen-Orient entre Washington et Bagdad ? Cette déclaration intervient après la visite de Tarek Aziz, ministre irakien des Affaires étrangères, à Téhéran dimanche dernier. Le déploiement de la force US soulève dans certains pays arabes colère et indignation. Ils y voient une volonté de domination de la Maison Blanche dans une région du monde qu’elle avait jusqu’alors du mal à contrôler. Enfin, l’occupation US de territoires considérés par les religieux comme des lieux saints pourrait servir de ciment pour lancer les masses arabes dans la lutte contre les infidèles. Autant d’éléments qui viennent s’ajouter à une situation déjà explosive du fait même de la démonstration de force des USA en territoire arabe. Certes, Ali Akbar Velayati, chef de la diplomatie iranienne, a réaffirmé la participation de son pays aux sanctions décrétée contre l’Irak par l’ONU, mais le Tehran Times, quotidien proche du gouvernement iranien, indiquait mardi que l’Iran envisageait de fournir vivres et médicaments à son voisin, agresseur du Koweït. Selon des sources diplomatiques sur place, lors de sa visite dans la capitale iranienne, Tarek Aziz aurait également demandé de faire transiter le pétrole irakien par l’Iran. Toutes ces informations n’ont pas été démenties. La radio de Téhéran estime aujourd'hui que les déclarations faites hier par le Guide de la République islamique, assimilant à une "guerre sainte" la lutte contre les GI's, étaient "les plus importantes" depuis la crise du Golfe. Radio Téhéran dénonce "un complot des USA visant à contrôler les ressources des musulmans et à faire face à l’Islam et aux soulèvements islamiques dans la région". Un discours dont l’objectif consisterait peut-être à une meilleure mise en condition des masses arabes en cas de ralliement de l’Iran à Saddam Hussein. A Washington, Bush a fait enregistré la cassette de son message au peuple irakien. Il a demandé à Bagdad de le diffuser par le canal de la télévision dans les 5 jours.

Réactions irakiennes après le dernier discours de George Bush.
Après le discours de Bush devant le Congrès américain, Bagdad réagit vivement par la voix de son ministre des Affaires étrangères. Tarek Aziz déclare que l’Irak ne cédera jamais aux "menaces" et au "chantage" qu’exercent les USA à travers le Conseil de sécurité de l’ONU. L’ambassadeur irakien à l'ONU a, au même moment, refusé tout contrôle de la distribution de la nourriture sur le territoire de l’Irak par des organisations internationales, estimant que ces mesures étaient "humiliantes et démoralisantes" pour la population de son pays. Comme pour réaffirmer l’annexion du Koweït, le ministre irakien des Finances annonce que tous les biens de la famille régnante et des membres du gouvernement koweitien sont devenus propriété du gouvernement de Bagdad.

La vie quotidienne des otages français en Irak et au Koweït.
C'est le 40ème jour d’attente. Pour les otages français, énième réunion hier à midi à l’ambassade. "Rien de nouveau, comme vous pouvez le penser", annonce le chargé d’affaires. Tous se tiennent debout dans le grand bureau, sans illusions, sans fébrilité. André Janier rend compte de son entretien avec le secrétaire général adjoint de l’ONU venu pour tenter de faire évacuer les 516.000 réfugiés de l’Inde, du Sri-Lanka, du Pakistan, du Bangladesh et des Philippines qui ont tout perdu dans ce conflit. Leur emploi au Koweït pour cause d’invasion ou leur emploi en Irak pour cause de cessation d’activités. Ils ont des visas pour sortir mais pas un sou pour le voyage de retour. L’envoyé spécial de Perez de Cuellar est intervenu également en faveur des otages retenus ici, mais il n’a reçu aucune réponse. Il reviendra. Côté français, rien de changé. C’est presque la routine après 40 jours. Les médicaments sont arrivés. Un médecin, retenu lui aussi en Irak, va les mettre à la disposition de tout le monde. Le courrier égaré en route va arriver dans la soirée. On en sourit. On attendra bien encore un jour. On vérifie la liste de ceux qui sont dans les hôtels. Au cas où. Car toute l’ambassade est sur pied 24h/24. Enfin, le responsable improvisé se plaint du retard à former des équipes de volley-ball. La réunion s’achève. En redescendant dans le hall sous les 2 grands ventilateurs du plafond, on jette un oeil sur les programmes de cinéma du centre culturel. On repart alors vers son hôtel ou chez soi. La situation est différente, en effet, selon que l’on est résident en Irak, parfois depuis plusieurs années, ou simplement de passage. Un jeune représentant d’une grande entreprise métallurgique était arrivé le 1er août pour 3 jours, laissant sa femme et son fils de 18 mois en Turquie explique : "Maintenant il a le double, et je ne l’ai pas vu grandir." Un jeune technicien, lui aussi de passage, n’était parti qu’avec 3 chemises, 3 caleçons, 3 paires de chaussettes. Il a dû aller s’acheter des tee-shirts locaux et un short du Bangladesh pour ce séjour sans fin. Ennuyés plutôt qu’excédés, ils disent souriants : "Nous tiendrons, pas de problème." Ils se sont joints à d’autres jeunes "retenus" pour un "jooging britannique", une sorte de jeu de piste dans les rues de leur quartier sur 3 ou 8 km selon les semaines, "un truc convivial où on reste ensemble. Sans foncer. Et jamais nous n’avons rencontré d’hostilité chez les Irakiens qui nous regardent passer." Il y a ceux qui travaillent encore sur tel chantier du bâtiment et qui voient le ciment ou le plâtre arriver en fin de stock. Ceux dont l’usine a fermé ou dont l’entreprise ne peut plus continuer à assurer ses services faute de participer au déploiement militaire irakien. Ils sont là pour Matra, Thomson, Aérospatiale... de gros contrats de fournitures d’armements sophistiqués et de maintenance. Tout a été stoppé, brutalement, au lendemain du 2 août avec l’embargo. Certains chantiers sont fermés par les Irakiens eux-mêmes, parce que la main-d’oeuvre a disparu, comme c’est le cas pour ce groupe de techniciens chefs de chantier et ingénieurs de Technip qui réanimaient une raffinerie à Bassorah après avoir rétabli le "strategic pipe-line" au sud de la ville. De vieux routiers comme Jean-Pierre Laplace, avec l’accent d’Arcachon, qui se promène "depuis 25 ans, dans les chantiers de la région", ou Daniel Essartine, de Normandie, qui énumère : "81,82,83, 89, 90", ses années de service en Irak. Ou encore Michel Drenou, du Finistère, jeune ingénieur de l’équipe Technip, qui relit les livres d’histoire qu’il a pu trouver, fait du footing, de la natation et laisse tomber : "Ça va un moment mais on va vers une situation pourrie. Et rien ne change. Tout le monde espère ou plutôt on a des moments d’espoir car on n’a que cela à penser : rentrer". Essartine plus tendu, ajoute : "Nous sommes dans une jolie prison à l’hôtel Rachid, mais c’est une prison". A l’autre bout de Bagdad, l’hôtel offre ses larges couloirs de marbre et de granit, sa piscine, ses bars somptueux, ses restaurants à toutes sortes de réfugiés. On y croise des Koweïtiens en robe blanche errant autour du guichet de la banque et des Indiens en partance vers des cortèges de bus. Pour le groupe de Technip, l’impatience monte. "La vie ici est très chère. Les chambres, les taxis, les téléphones. Il faut au moins 80 dinars (230 €) par jour. Certains sautent maintenant un repas pour pouvoir téléphoner chez eux". Ils voudraient obtenir des garanties pour leur salaires, pour les traites à payer et attendent un signe du gouvernement. L’inquiétude monte aussi chez les salariés des sous-traitants de petites entreprises qui parfois ont tout joué sur un seul marché ou qui accompagnent les énormes chantiers avec une main- d’oeuvre meilleur marché. Une de celles-ci vient d’indiquer froidement et généreusement aux femmes de ses ouvriers qu’elle ne leur verserait plus que 4.800 F (750 €) par mois. Des rêves s’effondrent. Les familles sont touchées. L’attente devient insupportable. La majorité des "retenus" gardent le moral. Mais, c’est un signe, tout le monde ne participe pas aux bouillonnantes activités du responsable des loisirs. Certains s’enferment après avoir fait 10 fois, 20 fois, le tour des souks et des avenues du centre pour revenir "tourner en rond" dans leur prison dorée. Bien sûr, on s’encourage, on se tape dans le dos à grands coups de "On tiendra". Mais sous la peau, la tension monte. On s’énerve pour rien. Bien sûr, on pense à ceux qui sont restés au Koweït et n’ont pour point d’attache que l’ambassade où les diplomates achèvent de boire l’eau de la piscine et de manger leurs dernières conserves. Au point qu’ils ont tous attrapé des maladies de peau. "C’est la guerre des boutons", ironisent-ils au téléphone. Mais qu’en est -il des Français qui se cachent pour échapper aux rafles irakiennes, qui n’allument jamais une bougie la nuit de peur d’être repérés pour être envoyés sans ménagement au centre de tri de l’hôtel Menial Mansour à Bagdad avant d’être expédiés sur les cibles de l’US Air Force ? Pour eux, depuis 40 jours, c’est l’enfer. Et tous se demandent, au Koweït comme en Irak, si, à Paris, on fait bien tout ce qu’il faut pour les tirer de ce gouffre...

Les USA ont du mal à affréter les navires civils.
Pour accélérer le déploiement de leurs troupes dans le Golfe, les USA doivent recourir à la réquisition de navires de commerce civils. Mais malgré les appels d'offre alléchantes (les tarifs ont augmenté de 50 à 100%) et les primes proposées (couverture risques de guerre, bonus à l'équipage, risques de blocage dans le canal de Suez à la charge de l'affréteur...), le Pentagone a beaucoup de mal à trouver des armateurs volontaires, qui préfèrent préserver à long terme leurs lignes régulières que de faire de gros bénéfices à très courts termes...

En bref :
   

Selon le département d'Etat américain, l'armée irakienne a commencé une fouille à Koweït-City, maison par maison, afin d'en débusquer les ressortissants américains qui s'y cachent encore et étouffer toute résistance.

Le ministère de la Défense nationale canadien étudie la possibilité de mettre en oeuvre des moyens supplémentaires pour renforcer son engagement dans le Golfe. Il répond ainsi a l’appel lancé il y a quelques jours par le secrétaire d’Etat américain aux forces de l’OTAN, pour qu’ils accroissent leur aide à la Maison Blanche.

Sous la pression des Irakiens, la Roumanie et l'Egypte décident d'évacuer leur ambassade de Koweït-City.

La Croix-Rouge annonce "un accord de principe" avec Bagdad pour l'envoi de médicaments "aux groupes civils les plus menacés".

Dans une note adressée au chargé d'affaires américain à Bagdad, l'Irak menace les USA d'attaques terroristes en représailles à l'occupation américaine des Lieux Saints.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Général Norman Schwarzkopf, commandant en chef des troupes américaine en Arabie Saoudite : Il faut encore 2 mois pour peaufiner le déploiement de ses forces et pour être en mesure de "prévenir toute attaque irakienne contre l’Arabie Saoudite"(Quotidien américain Washington Post).
René Piquet, député français au Parlement européen : "Si nous ne devons pas laisser le dictateur de Bagdad fouler aux pieds le droit international en toute impunité, nul ne peut non plus se prévaloir de ce droit pour légitimer sa présence pour une longue période dans cette région"

 

Hebdomadaire français Nous Deux: La DGA (Délégation Générale pour l'Armement) lance une publicité originale à la gloire du dernier-né des chars français : le Leclerc. Dans un roman-photo, une espionne ressemblant à la soeur de Saddam Hussein est chargée de séduire l'employé de la DGA pour obtenir, au nom d'une puissance étrangère (l'Irak ?), les secrets du char Leclerc.

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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Le siège des ambassades occidentales au Koweït (24 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 13 septembre 1990