dimanche 2 septembre 1990

 

Echec de la rencontre Aziz - de Cuellar à Amman.
"J’aurais aimé informer le Conseil (de sécurité) que de réels progrès avaient été faits. En toute honnêteté, je ne suis pas en mesure de le faire, pas plus que je ne peux anticiper les réactions du Conseil" explique ce matin de Cuellar. Les traits tirés et le regard amer du Secrétaire général de l'ONU, Javier Perez de Cuellar, en disent long sur la difficulté de la tâche que lui avait confié le Conseil de sécurité. La mission du Péruvien, qui consistait à trouver un moyen d'entente avec l'Irak, pour éviter une guerre dans le Golfe, était une gageure. A l'issue des 2 jours d'entretien qui se sont déroulés à Amman, la capitale de la Jordanie, Cuellar est sorti de sa réserve habituelle pour déclarer : "Je ne vais pas jouer au diplomate. Je le déclare franchement, je suis déçu !" Le représentant de l'ONU n'a pu arracher le moindre espoir de concession à Tarek Aziz, le chef de la diplomatie irakienne. "Je n’ai jamais dit être venu ici pour régler le problème. Je n’étais pas venu ici avec un objectif très précis mais pour échanger des vues", a précisé Javier Perez de Cuellar, tout en se refusant de qualifier sa mission d’"échec". Les 2 hommes se sont réunis au palais Ragadan, pour tenter de trouver une issue négociée au conflit déclenché par l'invasion irakienne du Koweït. "La situation est trop explosive pour pouvoir rester en l'état", a souligné le Secrétaire général. Il a indiqué que le ministre irakien avait "particulièrement souligné les vues de son gouvernement et notamment la nécessité d’une solution arabe" à la crise. "Je lui ai répondu, a affirmé de Cuellar, que la dimension internationale du conflit devait être reconnue. La dimension des intérêts impliqués, l’importante concentration de forces dans la région et la présence en Irak et au Koweït de ressortissants de pays tiers montrent clairement que l'ONU, tout autant que les gouvernements arabes, doivent être associés dans la résolution des différentes questions", a-t-il fait remarquer. "Dans l’intérêt de tous ceux qui sont concernés, a encore dit Javier Perez de Cuellar, j’espère que les efforts pour explorer les moyens d’avancer dans la recherche d’une solution pacifique à la crise continueront." Estimant qu’il "ne fallait pas se faire d’illusions sur la gravité et les dangers" de cette crise, il a souligné : "Nous devons tous oeuvrer avec détermination et de manière urgente" à une solution pacifique. Le secrétaire général a rappelé que "le problème principal était celui de l’occupation et de l’annexion du Koweït par l’Irak". "La situation est très explosive et non seulement pour le Koweït et l’Irak" a-t-il dit, en ajoutant qu’il "était disposé à continuer ses efforts pour trouver une solution pacifique et durable". Ce dernier s'est heurté à l'intransigeance d'un des plus fidèles conseillers de Saddam Hussein. Tarek Aziz est pourtant un homme que Cuellar connaît bien, pour avoir négocié avec lui 5 ans durant, au moment où l'Irak était en guerre avec l'Iran. Pour le ministre irakien, en revanche, "ces entretiens ont été très fructueux". "Cette situation est compliquée et dramatique. (...) Elle suppose de la patience. Elle a besoin de temps pour que les gens comprennent exactement les positions en présence", a-t-il ajouté. Vendredi soir, à l’issue de son premier entretien avec le secrétaire général de l’ONU, Aziz avait affirmé que l’Irak ne sera pas le premier à déclencher des hostilités généralisées dans la région et que tous les étrangers pourraient quitter son pays si l’Occident s’engageait à ne pas lancer une attaque militaire contre l’Irak. A Amman, on faisait état samedi, de l’existence d’un plan jordanien qui aurait été longuement évoqué au cours des entretiens. Ce projet qui aurait l’aval de Bagdad, permettrait notamment la libération de tous les otages et la définition d’un "statut" pour le Koweït. Des forces arabes de maintien de la paix pourraient s’interposer entre les troupes occidentales et irakiennes. L’URSS pourrait servir de médiateur dans le retrait simultané des soldats irakiens du Koweït et des forces qui leur font face en Arabie Saoudite. Cuellar est arrivé à Paris en milieu d’après-midi. Il a rencontré Roland Dumas dans la soirée et pourrait s’entretenir demain avec le roi Hussein de Jordanie également présent dans la capitale française.

Interview de Boutros Boutros-Ghali dans le Journal du Dimanche : tout dépend de l'Irak.
Une solution arabe de la crise du Golfe demeure possible, affirme le ministre égyptien des Affaires étrangères, Boutros Boutros-Ghali, dans une interview à l'hebdomadaire français Journal du dimanche. "Tout dépend de l’Irak", souligne-t-il, en exprimant l’espoir que Bagdad tiendra compte des dangers de la crise actuelle pour l’avenir de l’Irak. "Si oui, il y a des chances pour que nous puissions commencer une négociation. Nous sommes prêts. Ce qui compte c’est d’éviter la confrontation militaire", ajoute-t-il.

Libération des premiers otages occidentaux.
Les premiers otages français libérés arrivent sur l'aéroport d'Orly à bord d'un vol spécial d'Iraqi Airways. Il s'agit de 27 personnes, parmi lesquelles 17 femmes, dont des hôtesses d'Air France, et 5 enfants. Excepté Jacques Attali, PDG de la compagnie française, les officiels ont préféré ne pas les accueillir, et empêcher les journalistes d'approcher du Terminal, pour laisser seules les familles enfin réunies. Le premier ministre Michel Rocard précise que "rien n'est changé" tant que les quelque 530 Français retenus en Irak et au Koweït ne seront pas libérés. Ce vol spécial fait ensuite escale à Londres où il ramène de Bagdad 232 Britanniques ainsi que le pasteur et ancien candidat à la Maison Blanche Jesse Jackson qui affirme : "Il s'agit d'un tout petit pas". Jackson est accompagné de 44 otages américains et de 2 députés allemands. A Amman (Jordanie), un autre appareil ramène d'Irak les derniers des 700 otages libérés, parmi lesquels 4 Français, une quinzaine d'Italiennes et leurs enfants, des Britanniques et des Américains. En Belgique aussi c'est le soulagement. Les premiers otages belges libérés arrivent dans la journée sur l'aéroport de Melsbroeck. Il s'agit de 4 femmes et de 3 enfants. Mais pour l'Irak, la libération de 700 otages est largement suffisante : Bagdad annule en effet les vols de Virgin Atlantic en provenance de Londres et d'Air France en provenance de Paris. Ces vols devaient rappatrier de nouveaux otages...

Nouvelle agression contre des otages occidentaux.
Au Koweït, un otage britannique et son épouse philippine ont été battus avant leur arrestation par des soldats irakiens. C'est ce que raconte une Britannique à Amnesty International, et qui a assisté à la scène : "Les Irakiens ont pénétré dans leur appartement alors qu'ils se cachaient dans une pièce de derrière (...). La femme a reçu des coups de pied à la poitrine et le mari a reçu des coups violents sur la tête".

En bref :
   

Pour faire face à la chute de la fréquentationde leurs vols, les 57 principales compagnies aériennes mondiales ont décidé d'augmenter de 5 à 8% leurs tarifs passagers. Pour le fret, la hausse sera de 7%.

Ils ont dit :
   

Yitzhak Shamir, Premier ministre d'Israël : "La fourniture d’armes à des pays n’entretenant pas de relations pacifiques avec nous peut modifier l’équilibre des forces et mettre parfois notre sécurité en danger", faisant allusion au projet de nouvelles ventes d’armes américaines à l’Arabie Saoudite.
Cheikh Mohamed Ben Rached Al-Maktoum, ministre de la Défense des Emirats Arabes Unis : Il faut garder "l’espoir que les efforts arabes et internationaux puissent parvenir à un règlement pacifique".
Margaret Thatcher, Premier ministre britannique : "Saddam Hussein doit être poursuivi" pour avoir pris des Occidentaux en otages (Télévision britannique BBC).

 

 

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


Conséquences de la crise du Golfe en France (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 2 septembre 1990