mercredi 19 septembre 1990

 

L'inactivité des soldats occidentaux déployés dans le Golfe.
Dans le désert saoudien, les hommes de toutes nationalités attendent dans la chaleur et le sable, restant dans l'incertitude de leur mission. Malgré la multiplication des exercices d'entraînement, des cours pour apprendre à se mouvoir dans les combinaisons étanches et à ajuster les masques qui protégent des armes biologiques et chimiques, en dépit des manœuvres et des heures passées à l'entretien d'un matériel très sophistiqué, mais qui résiste mal aux rigueurs du désert, les soldats s'ennuient...

La cérémonie d'ouverture des Jeux Asiatiques troublée par la crise du Golfe.
Dans le Stade des Ouvriers de Pékin, 20.000 soldats, ouvriers et enfants des écoles ont joué hier les figurants lors de la cérémonie d'ouverture des XIèmes Jeux Asiatiques. Lors du défilé des différentes délégations venant de 37 pays, les sportifs koweïtiens (75 personnes dont 51 athlètes, au lieu des 330 initialement prévues) étaient les plus applaudis. "Al Watan Al Koweit", ("La patrie du Koweit"), l’hymne national de l’émirat occupé, était repris en choeur par les athlètes tandis qu’était hissé le drapeau koweïtien. Une minute de silence a ensuite été faite à la mémoire du frère de l'émir Jaber du Koweït, mort le jour de l'invasion. L’invasion irakienne et la déclaration d’annexion de l’émirat par Bagdad, aura jeté le trouble jusque sur les stades. Certains pays arabes ont en effet menacé de boycotter les Jeux si les sportifs irakiens y participaient. L’Irak qui, par ailleurs, rechignait à voir une équipe koweitienne indépendante s’aligner dans les épreuves, a déclaré qu’il n’était pas question de renoncer et considérait sa présence comme légitime. L'Irak, qui est la seule nation d'Asie et du Moyen-Orient à ne pas être invitée, a accusé l'Arabie Saoudite d'avoir acheté les participants... Le Comité International Olympique a soutenu l’existence du Koweit dans le domaine sportif, mais a laissé au Comité Olympique Asiatique (OCA) le soin de trancher la question de l’exclusion de l’Irak. Le débat est d’autant plus brûlant que le président de l’OCA n’était autre que le prince Sabah Cheikh Fahd, tué lors de la prise de Koweit-City par l’armée de Saddam Hussein. Il était revenu quelques jours auparavant de Pékin où il avait discuté des derniers détails de l’organisation des Jeux. Quant aux sportifs koweitiens, ils s’affirment prêts à se mesurer sur les stades avec les équipes irakiennes. "Nous n’avons rien contre les Irakiens, notre ennemi est Saddam Hussein", ont-ils déclaré à la presse, ajoutant que leur délégation était loin d’être au complet : "Nous avons eu des morts et une dizaine d’athlètes sont restés au Koweit. C’est pour notre pays que nous participons aux Jeux et pour aucun autre".

L'OTAN souhaite la participation de l'URSS dans l'embargo contre l'Irak.
L’OTAN annonce que le drapeau soviétique pourrait prochainement flotter dans le Golfe au côté des navires de guerre américains, français et autres alliés de George Bush. Selon l’Alliance Atlantique, Moscou aurait répondu favorablement à la demande de mettre à la disposition des USA un navire de grande capacité pour transporter du matériel militaire américain. La Maison Blanche informe aussitôt les membres de l’Otan qu’elle accepterait "cette offre sans précédent", lors d’une réunion spéciale des ambassadeurs des 16 pays de l’Alliance. Cette information est cependant démentie par Guénadi Guérassimov, porte-parole du ministère soviétique des Affaires étrangères, qui précise : "L’URSS s’en tient strictement aux décisions du Conseil de sécurité de l’ONU". L’annonce de l’OTAN survient au lendemain d’une déclaration du chef de la diplomatie saoudienne, le prince Saoud al-Fayçal, qui avait souhaité à Moscou une présence militaire soviétique dans son pays.

Départ de renforts français pour le Golfe.
Les pilotes de la 5ème escadre de chasse basée à Orange sont mis en état d’alerte. 12 Mirage 2000 sont prêts à s’envoler pour l’Arabie Saoudite et à participer au blocus aérien contre l’Irak. Dans le même temps, une source militaire annonce l’embarquement des troupes de l’armée de terre destinées à renforcer le potentiel militaire français dans le Golfe, dans le cadre des représailles décidées par François Mitterrand, après l’enlèvement de l’attaché militaire français au Koweït.

L'Argentine envoie des navires de guerre dans le Golfe.
L’Argentine se joint aux nations engagées derrière la Maison Blanche. Le ministre des Affaires étrangères de Carlos Menem annonce l’envoi dans le Golfe arabo-persique de 2 navires de guerre (un destroyer et une corvette) équipés de missiles ainsi que des troupes pour participer à l’embargo contre l’Irak. "Notre pays ne peut rester de côté dans ce conflit, surtout qu’une nouvelle alliance internationale est née entre les nations", déclare Luis Martinez, devant la Chambre du Congrès argentin. Les bâtiments de guerre argentins sont équipés de missiles Exocet qui ont fait la démonstration de leur efficacité en 1982 durant la guerre des Malouines qui opposa les troupes britanniques aux soldats argentins. Une participation militaire qui, selon le chef de la diplomatie de Buenos-Aires, sera financée par le Koweït.

Unité affichée de la CEE dans la crise du Golfe.
A Paris, après la réunion hier après-midi des 9 pays membres de l’UEO (Union de l’Europe Occidentale), le chef de la diplomatie française Roland Dumas, visiblement satisfait de la cohésion entre les membres de la CEE, a déclaré que l’Europe "était capable de décider d’une orientation commune et, qui plus est, de traduire en action sur le terrain la volonté politique ainsi exprimée". Il a rappelé que les 9 s’étaient engagés à prendre des mesures pour étendre l’embargo contre l’Irak au trafic aérien, en appelant le Conseil de sécurité à voter le plus rapidement possible cette extension. Ils ont également décidé d’étendre aux forces terrestres et aériennes la coordination déjà mise en place dans le domaine maritime. De son côté, Willem Van Eekelen, secrétaire général de l’UEO, estime que "jamais depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale l’Europe n’avait agi avec une telle solidarité". Tout indique qu’en dépit de la crise du Golfe, des manoeuvres en tout en genre vont bon train pour mettre sur pied une nouvelle communauté européenne de Défense. Au sortir de cette réunion, Dumas déclare : "L’UEO a fait un grand pas dans la recherche d’une sécurité et d’une défense commune européenne".

La crise du Golfe coûte cher aux pays arabes.
La pression financière des USA sur ses alliés pour qu’ils participent au financement des opérations en cours et les effets de l’embargo provoquent des difficultés économiques dans certains pays arabes. Dans une interview publiée par le quotidien égyptien al-Ahram, le ministre du plan égyptien estime les dépenses de son pays à quelques 7,5 milliards de livres égyptiennes (2 milliards d'€).

L'ONU envisage un embargo aérien contre l'Irak.
Javier Perez de Cuellar, secrétaire général de l’ONU, exprime son sentiment sur la crise du Golfe. "A l’âge de 70 ans et après 50 ans dans la diplomatie, je suis découragé parce que je n’entends rien qui signifie, dialogue, paix, justice", déclare-t-il lors d’un déjeuner offert par une organisation dépendant de l’association des journalistes de l’ONU, juste avant l’ouverture de la 45ème session de l’Assemblée générale. "Je me sens frustré parce que j’aimerais pouvoir faire quelque chose pour résoudre cette crise. Nous devons rechercher une solution pacifique et ne jamais oublier que cela doit se faire dans la justice pour les pays qui souffrent. Je suis vieux. J’ai été le témoin d’une guerre mondiale. Et c’est l’horrible menace qui pèse maintenant sur nous", poursuit le secrétaire général. Les 5 membres permanents du Conseil de sécurité sont proches d’un accord sur une extension au trafic aérien de l’embargo contre l’Irak et sur la prise de sanctions contre les pays qui ne le respecteraient pas, indiquent des sources diplomatiques. Les représentants de ces 5 pays se sont une nouvelle fois réunis à la mission française auprès de l’ONU pour discuter de ces mesures qui pourraient être soumises à l’ensemble du Conseil avant la fin de la semaine. Dans un projet de résolution, toujours à l’étude, le conseil pourrait adopter d’autres mesures, dont la nature n’a pas été précisée. Dans une résolution, adoptée il y a 3 jours, condamnant la violation de l’immunité des résidences diplomatiques au Koweit, le conseil de sécurité avait décidé d’étudier en urgence l’adoption de nouvelles mesures "eu égard à la violation persistante par l’Irak de la Charte, des résolutions du Conseil et du droit international". L’extension de l’embargo visera tout le trafic aérien à destination ou en provenance de l’Irak et du Koweit. Il renforcera les mesures au sol, par l’intermédiaire des contrôles douaniers. Les mesures militaires sont plus difficiles à décider, tout tir contre un avion civil étant interdit par une convention de l’ONU. Mais, font remarquer plusieurs diplomates, la marine américaine a abattu un avion de ligne iranien en 1988 et la chasse soviétique un appareil des Korean Airlines en 1983...

Interview d'un communiste koweïtien dans L'Humanité : il faut lutter contre Saddam Hussein et les Américains.
A l'occasion de la fête de l’Humanité, le quotidien communiste français publie un entretien qu'il a eu avec des exilés koweïtiens communistes au stand du stand du PC irakien. Ils sont là pour témoigner de leur solidarité mutuelle dans la lutte qu’ils ont actuellement à mener ensemble sur 2 fronts : contre Saddam Hussein et son aventurisme guerrier, et contre l’intervention américaine dans la région. L'un d'eux, membre de l’opposition patriotique démocratique koweitienne, souhaite garder l’anonymat : sa famille est toujours au Koweit, à la merci des troupes irakiennes, et il ne souhaite pas mettre en danger la vie des siens, déjà menacés par les dernières mesures de répression irakiennes. "Jeudi dernier, raconte-t-il, les soldats se sont mis à fouiller un bloc de maisons du quartier, à la recherche de résistants et de déserteurs qui leur avaient été signalés. Finalement, ils ont bombardé plusieurs maisons...". Qu’en est-il exactement de la résistance koweitienne ? "Elle existe et elle grandit de jour en jour, mais les conditions sont très difficiles et il nous faut du temps pour nous organiser efficacement". Il est superflu de demander à ce militant koweitien ce qu’il pense de l’annexion du Koweit par l’Irak. "Inacceptable ! Nous sommes contre le régime de Saddam Hussein depuis très longtemps. Nous avons suffisamment souffert pour l’avoir dit, dans notre pays, à l’époque où notre gouvernement le soutenait ouvertement sous prétexte qu’il combattait l’Iran. Ce n’est pas aujourd’hui que nous allons changer d’avis et nous mettre à l’applaudir. Nous pensons que c’est un dictateur qui mène le monde arabe à la catastrophe". Pourtant, nombre d’Arabes soutiennent Saddam Hussein et voient en lui un espoir de libération. "Ils se trompent lourdement, estime-t-il. Ils ne gagneront rien à le soutenir, si ce n’est une guerre qui sera terrible pour tout le monde. Ils doivent au contraire faire pression sur lui pour le convaincre de négocier. C’est la seule solution. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : compte tenu de la situation, de la position des uns et des autres, ce sera un processus long et compliqué". Que pense-t-il de l’intervention américaine ? "Nous sommes contre, bien sûr. Cela fait des années que nous luttons contre toute intervention étrangère dans la région. Nous pensons que Saddam Hussein, en envahissant notre pays, à servi l’ennemi qu’il prétendait combattre : tout le monde savait pertinemment, lui le 1er, que mettre les pieds au Koweit, c’était faire venir les Américains. Ils rêvaient de cela depuis longtemps et avaient préparé leur intervention. Notre gouvernement a été imprévoyant dans cette affaire. Il s’est fait berner par les Américains et par Moubarak, le président égyptien. Ce dernier porte une lourde responsabilité car il avait rencontré à plusieurs reprises Saddam Hussein et il nous a trompé : il a affirmé que Saddam n’envahirait pas le Koweit, que tout au plus il allait prendre quelques kilomètres pour négocier le contentieux en position de force. Les Américains étaient au courant, mais ils ont laissé faire : ça leur donnait un prétexte pour intervenir". S’il juge sévèrement la politique de la famille régnante, ce Koweïtien estime qu’il s’agit là d’une question qui regarde les Koweitiens et eux seuls : "Nous avons une Constitution et nous tenons à ce qu’elle soit respectée. Si quelque chose ne va pas, c’est à nous, Koweitiens, de lutter pour des changements et pour l’amélioration de la vie démocratique dans notre pays".

En bref :
   

Les autorités irakiennes annoncent la confiscation des intérêts des pays ayant eux-même gelé les avoirs irakiens, suite à l'invasion de l'émirat le 2 août. Cela concerne plus de 500 entreprises internationales, dont 51 françaises.

Selon l’agence de presse américaine Associated Press, des soldats irakiens ont interpelé il y a 2 jours 2 ressortissants français au Koweït et les ont conduit vers une destination inconnue. Cette information est confirmée aujourd'hui, sans autres commentaires, par le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

Pour jeter les bases d'une tentative de médiation arabe, les rois Hassan II et Hussein de Jordanie ainsi que le président algérien Chadli Bendjedid se réunissent à Rabat (Maroc).

Le président George Bush menace Saddam Hussein de le tenir pour responsable en cas d'actions terroristes.

Il a dit :
   

George Bush, président des Etats-Unis : "Si l'Irak ne se retire pas du Koweït, son isolement n'aura pas de fin".

 

 

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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L'ONU envisage un embargo aérien contre l'Irak (23 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 19 septembre 1990