lundi 24 septembre 1990

 

Les excuses de l'Irak pour la violation des locaux diplomatiques français.
L'Irak présente officieusement ses excuses à la France pour le saccage de son ambassade en parlant de "malentendu". Le gouvernement français "ne saurait se satisfaire" des excuses irakiennes sur la violation de la résidence de l’ambassadeur de France au Koweït et exige la libération "immédiate" de tous les otages français et étrangers. Telle est la réaction officielle du Quai d’Orsay aux "excuses" présentées par Bagdad pour la violation de ses locaux diplomatiques le 14 septembre et l’arrestation de 4 Français, dont 3 sont toujours détenus. Les "excuses" de Bagdad étaient contenues dans un communiqué de l’agence officielle irakienne INA, publié hier à Bagdad. Le gouvernement irakien y revient sur la version qu’il avait d’abord donnée des faits. Alors qu’il avait affirmé qu’il s’agissait d’une "maison privée appartenant à la famille de l’émir", il reconnaît que la maison un peu trop brutalement visitée par ses soldats était bien un local diplomatique. Selon l’enquête faite après l’incident, "les soldats de garde se sont trompés de bâtiment". "Il s’agit d’un malentendu", affirme Bagdad, qui ajoute que les personnes arrêtées sont bien traitées et présente "ses excuses" à Paris. Le ministère français des Affaires étrangères affirme n’avoir reçu "aucune confirmation par la voie officielle des excuses annoncées". "En tout état de cause, ajoute-t-il, la France ne saurait s’en satisfaire et attend de l’Irak la libération immédiate des 3 personnes enlevées à cette occasion ainsi que la libération de tous les otages, français et étrangers, injustement retenus". Réagissant pour sa part sur France-Inter aux excuses irakiennes, Pierre Joxe, ministre français de l’Intérieur, déclare : "Des excuses, c’est bien, mais la France attend surtout que l’Irak laisse sortir les Français détenus de façon irrégulière."

La France prêche la paix au sein de l'Assemblée générale de l'ONU.
Il faut éviter la guerre sans rien céder sur le principe du droit international. Pas d'amalgame entre les conflits du Proche-Orient, mais un plan pour régler la crise du Golfe : devant l'Assemblée générale de l'ONU (qui accueille 40 chefs d'État ou de gouvernement qui se sont déplacés pour l'occasion), Mitterrand a défini hier le plan en 4 points de la France : le retrait des troupes irakiennes du Koweït et la libération des otages ; le retrait de la force internationale ; le rétablissement de la souveraineté du Koweït ; et enfin l'organisation d'une conférence internationale sur les problèmes de la région. "La politique de la France est uniquement celle des Nations Unies et notre action est défensive et non pas offensive. Que l'Irak affirme son intention de retirer ses troupes, qu'il libère les otages, et tout sera possible" a tenu à préciser Mitterrand avant d'ajouter que Paris avait averti Bagdad qu’il ne tolérerait pas d’agression contre d’autres Etats de la région. La France, a encore déclaré Mitterrand, n’acceptera aucun "compromis" tant que "l’Irak ne se ralliera pas aux conditions posées par le Conseil de sécurité de l’ONU". Le président a affirmé : "Notre logique est celle de la paix contre la logique de la guerre qui semble malheureusement prévaloir." Il a regretté que, à ce jour, "pas un geste, pas un mot (de Saddam Hussein) n’ont laissé la moindre place à la moindre esquisse de conciliation". "Il ignore l’ONU", a-t-il constaté. Ayant noté que "plusieurs projets" de solution politique ouvraient "d’utiles perspectives", Mitterrand a souligné : "Les conditions sont posées. Elles ne peuvent être révoquées". Il a ensuite envisagé, une fois le conflit actuel réglé, que "dans une seconde étape, la communauté internationale (...) serait à même de garantir la mise en oeuvre du retrait militaire, la restauration de la souveraineté du Koweït et l’expression démocratique des choix du peuple koweïtien". Leur mission accomplie, les forces françaises "quitteront la zone et rentreront dans leur pays", a-t-il affirmé en rappelant que la France était "au service du droit". Se plaçant dans une perspective où la crise du Golfe aurait été résolue, Mitterrand a estimé que, ce point acquis, l’ONU devrait "s’interroger" sur "tant de résolutions passées qui sont restées lettre-morte". La 3ème étape ("celle que tout le monde attend sans trop l’espérer") permettrait selon lui de "substituer aux affrontements meurtriers" du Proche-Orient "une dynamique de bon voisinage dans la sécurité et la paix pour chacun". L’orateur a évoqué le problème du Liban, celui des Palestiniens, "en proie à la désespérance" et "tentés par toutes les aventures pour satisfaire une légitime aspiration à la possession d’une terre qui serait leur patrie", et Israël "qui vit dans une insécurité permanente". "Au-delà même, on peut imaginer une 4ème étape, celle qui s’attacherait à la réduction mutuelle et consentie des armements", a ajouté Mitterrand, souhaitant que s’établisse "l’amorce d’une coopération de l’Iran au Maroc (...) qui ouvrirait la voie à la stabilité et la prospérité", dans une région appelée "à exercer l’influence qui lui revient dans les affaires du monde". "Il ne s’agit pas d’un amalgame entre des conflits qui ne sont pas de même nature", a-t-il expliqué. Selon lui, "toute démarche globale est irréaliste". Se prononçant pour "un dialogue direct" entre les parties concernées, Mitterrand a estimé qu’une conférence internationale viendrait "au bout du chemin". "Une ère d’espoir s’ouvre à l’humanité si les peuples acceptent de vaincre la fatalité de l’Histoire", a-t-il conclu en souhaitant que "le droit, la solidarité et la paix régissent les temps nouveaux". Plusieurs pays arabes reconnaissent dans cette ouverture, la prise en compte de leurs propres positions et l'esprit du texte que la Jordanie, le Maroc et l'Algérie avaient préparé au début du mois de septembre.

Record historique pour le prix du baril de pétrole : 41 dollars !
Un vent de panique souffle sur les places boursières internationales : pour la première fois depuis décembre 1980, le prix du baril de brut a crevé le plafond symbolique des 40 $ pour atteindre 40,20 $. Il a même atteint 41 $ à Tokyo. Une hausse vertigineuse puisque le prix de ce même baril se situait aux environs de 16 $ à la fin du mois de juillet, à la veille de l'invasion du Koweït. Les effets de cette flambée des prix ont été immédiats : à New York, Wall Street perdait 2.63% alors que Francfort chutait de 4.40% et que Paris reculait de 1.16%. La montée du prix du baril de pétrole est d'autant plus surprenante qu'il n'y a pas pénurie de matière première. La spéculation et la peur vont de pair.

Israël menace l'Irak.
Yitzhak Shamir, Premier ministre israélien, met en garde Saddam Hussein contre toute attaque visant Israël, affirmant que si le dirigeant irakien "attaque, nous répondrons". S’exprimant devant la Commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset (Parlement), Shamir déclare : "Israël prend au sérieux les menaces du dirigeant irakien". Il estime que Saddam Hussein "tente d’impliquer Israël dans le conflit du Golfe afin de provoquer l’émiettement de la coalition des pays arabes qui s’est formée contre lui autour des Etats-Unis". Il ajoute que "chaque coup porté contre Israël visera en fait la coalition américaine, et aura donc des implications sur l’ensemble des peuples du Proche-Orient".

Conférence de presse d'Alexandre Yakovlev : il faut régler la crise pacifiquement.
Le membre du Conseil présidentiel de l’URSS tient une conférence de presse à Paris en compagnie de Valentin Faline, secrétaire du Comité central du PCUS. A propos de la crise du Golfe, le responsable soviétique évoque les risques de "catastrophe humaine et économique que court cette région bourrée de pétrole". "Il faut tout faire, a-t-il dit, pour régler la crise de façon pacifique et mettre fin à l’agression". L’URSS pourrait-elle faire pression sur l'Irak ? Yakovlev estime qu’il faut "faire preuve de patience, ne pas acculer les gens à des impasses". "Seul le front uni de la communauté internationale peut imposer des solutions pacifiques, estime le responsable soviétique, ajoutant qu’il faut "tout faire pour éviter une confrontation armée".

Des sénateurs français en visite aux E.A.U.
Jean Lecanuet, président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, rend compte d’une mission d’information effectuée par une délégation de la Haute Assemblée dans les Emirats Arabes Unis. Soulignant la parfaite cohésion de la délégation et les convergences de vue sur l’essentiel des questions, Lecanuet a abordé les problèmes relatifs au commandement des forces stationnées dans le Golfe, dans le cadre de l’opération Daguet. Le sénateur UDF a indiqué que "pour le moment" l’ensemble des troupes américaines, françaises, britanniques et koweïtiennes travaillaient harmonieusement sous les ordres du chef militaire saoudien Khaled Ben Sultan, mais a-t-il précisé : "Si une opération militaire devait être engagée - les troupes aujourd’hui en juxtaposition devraient avoir un commandement unique". Une affirmation reprise par le sénateur socialiste Claude Estier qui a toutefois précisé que l’engagement de la France dans une action militaire "se ferait sur ordre de François Mitterrand, président de la République et donc chef des armées". Ni l’un ni l’autre n’a donné de précision sur la nationalité du futur chef de guerre des soldats occidentaux dans le Golfe, mais le sénateur d’Ornano a été très clair : "Le potentiel militaire US est tel, a-t-il déclaré, que la direction revient de fait à Washington." Interrogé sur le lieu de stationnement des 4.000 militaires français prochainement à pied d’oeuvre en Arabie saoudite, Lecanuet a confirmé qu’ils seraient déployés à Hafr Al Batin, soit à 60 km de la frontière avec l’Irak. Une distance qui correspond, précisait-il plus tard, à la portée des missiles à tête chimique irakiens... Estier a, de son côté, confirmé que le port de Yanbu n’était "qu’un centre de passage avant le départ pour Al Batin". Le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat rendant compte ensuite des discussions avec ses interlocuteurs saoudiens, a estimé qu’ils attendaient beaucoup plus de l’URSS qui, selon lui, "a jusqu’alors adopté un rôle intéressant dans cette grave crise du Golfe". Les pays arabes, a-t-il précisé, attendent une pression plus directe de l’URSS sur Saddam Hussein. A un journaliste qui lui demandait s’il ne convenait pas de résoudre l’ensemble des problèmes du Proche-Orient et notamment le problème palestinien, Lecanuet a répondu : "Il faut régler les problèmes un par un. L’amalgame n’est pas à mon avis une simplification." Prenant la parole à son tour, comme pour conclure, Estier a exprimé sa satisfaction du compte-rendu de Lecanuet.

L'Irak affirme ne pas menacer l'Arabie Saoudite.
Recevant à Bagdad une délégation de mouvements islamiques venue de divers pays arabes, Saddam Hussein répète une nouvelle fois que l’Irak "n’a jamais menacé l’Arabie et n’a pas l’intention de menacer les lieux saints musulmans". S’interrogeant sur les "appréhensions" qui ont amené le roi Fadh à faire appel à l’armée des USA, il se déclare "prêt à accorder toutes les garantie que l’Arabie réclamerait pour la tranquilliser, mais en contre-partie les forces américaines, qui menacent tous les Arabes et les musulmans doivent se retirer".

En bref :
   

Lionel Jospin, ministre français de l'Education, ordonne l’expulsion des universités françaises des étudiants irakiens nouvellement inscrits ou en cours d’étude. Cette décision est prise au nom de la CEE.

Le président syrien Hafez el Assad, en visite officielle en Iran depuis hier, prolonge sans explications son séjour dans ce pays. Les dirigeants syriens et iraniens sont tombés d’accord pour considérer Israël comme "le principal ennemi des Arabes et principal danger au Proche-Orient".

Le cargo indien Vishwa Siddhi, le premier navire humanitaire autorisé par l'ONU à se rendre en Irak malgré l'embargo, est arrivé dans le port irakien d'Oum Qasr. Il apporte 10 tonnes de vivres et de médicaments destinés aux milliers de ressortissants indiens bloqués au Koweït.

En Jordanie, le nombre des réfugiés venus du Koweït et en attente d’évacuation continue de diminuer. Il n’est plus que de 32.161 personnes, en majorité des Indiens.

Le Conseil de Paris vote à l’unanimité un crédit de 200.000 F (30.000 €) qui sera versé au "Comité d’entraide à nos concitoyens victimes de la crise du Golfe" qui vient d’être constitué par la municipalité.

Ils ont dit :
   

Albin Chalandon, ancien ministre français de la Justice : "Dès le départ on s’est installé dans une logique qui ne pouvait déboucher que sur la guerre et que cela créerait une situation des plus graves" (Quotidien français Quotidien de Paris).
David Levy, ministre israélien des Affaires étrangères : "L'action des Etats-Unis et de leurs partenaires dans le Golfe est susceptible de pousser l’Irak à attaquer Israël".

 

 

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


Mitterrand à l'ONU, Clemenceau à Yanbu (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 24 septembre 1990


Mitterrand à l'ONU, Clemenceau à Yanbu (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 24 septembre 1990