vendredi 21 septembre 1990

 

L'Irak prêt à une guerre totale contre l'Occident.
"Guerre, guerre, jusqu’à la victoire !", ce slogan, qui fut celui de l’Iran de Khomeiny pendant la guerre contre l’Irak va-t-il être repris à son compte par Saddam Hussein ? Le Conseil de commandement de la révolution irakien s’est réuni avec la direction dite "régionale" du parti Baas. Le texte adopté par les plus hautes instances politiques irakiennes ainsi réunies ne semble pas de nature à calmer les esprits, ni à faire cesser l’escalade. C’est au contraire un appel à la guerre, adressé, au beau milieu du film de la soirée à la télévision, "au peuple irakien, à la Nation arabe et à tous les musulmans". "Nous avons décidé de façon irrévocable de mener les masses de fidèles en Irak jusqu’à une issue honorable et jusqu’à la victoire, déclare le communiqué lu par un speaker. Il n’y a aucune chance pour que nous battions en retraite. Nous n’avons aucune raison d’hésiter à mener cette bataille. Ce sera la mère des batailles, celle des croyants et des pauvres contre les non-croyants et les usurpateurs. Ce sera la bataille de libération de l’ensemble de l’humanité de la libération de Jérusalem. Ce sera un honneur pour tous les Irakiens". Seul passage, dans tout ce texte, qui laisse une lueur d’espoir de négociation : l’allusion à une "issue honorable". Mais rien ne vient l’expliciter et les décisions prises hier par l’Irak vont dans le sens de l’escalade.

La CEE se prépare au blocus total contre l'Irak.
Le blocus contre l'Irak risque de devenir plus sévère encore : le Conseil de sécurité pourrait en effet décider rapidement de l’étendre au trafic aérien en direction de l’Irak. La commission de Bruxelles a récemment proposé aux pays de la CEE de "prendre des mesures pour renforcer l’embargo contre l’Irak". Elle suggère notamment un contrôle accru des exportations de produits alimentaires et médicaux, seules autorisées par la résolution de l’ONU. Toute aide d’urgence envoyée vers l’Irak devrait faire l’objet d’une autorisation préalable et l’embargo devrait être étendu aux prestations de service (transports, construction etc...).

Interview de Mahmoud Othman dans L'Humanité : les Kurdes ne sont pas les Alliés des Américains.
Le chef du parti socialiste du Kurdistan d’Irak, fait partie de la délégation kurde en visite en France où elle a reçu un accueil du bout des lèvres du gouvernement. Il explique au quotidien français pour expliquer la délicate position des Kurdes d’Irak : "il ne faut pas que le problème kurde, qui existe depuis trente ans, soit oublié". Se déclarant "contre la logique de guerre", il estime que "La meilleure solution, ce serait un changement à l’intérieur même de l’Irak. C’est possible si le blocus dure et s’il est efficace." Interrogé sur un éventuel retrait irakien, Othman reste confiant : "Il l’a déjà fait à 2 reprises face à l’Iran. En 1975 avec le Shah en signant les accords d’Alger et de nouveau il y a quelques semaines en retirant ses troupes d’Iran après huit ans de guerre. (...) S’il sent que l’essentiel est menacé, tout est possible." En cas de guerre dans le Golfe, il souhaite "ne pas bouger sur le plan militaire." Et de préciser de façon prémonitoire : "Nous ne voulons pas être les alliés des Américains. (...) Ils ne doivent pas compter sur nous pour prendre les armes contre Saddam en échange d’une vague promesse de reconnaissance qui sera oubliée dès qu’ils auront atteint leurs objectifs."

L'Irak expulse des diplomates occidentaux.
Toute une série de diplomates occidentaux sont priés de quitter le pays, à commencer par les Français : 11 membres de l’ambassade de France à Bagdad sont concernés. Daniel Bernard, porte-parole du Quai d’Orsay, indique : "Compte tenu du nombre des personnes à l’ambassade, c’est l’essentiel du personnel qui est expulsé. Nous prenons note de cette décision et nous étudions les suites à y donner". Parmi les personnes expulsées figurent notamment l’attaché militaire. Il restera moins de 10 personnes, dont le chargé d’affaires. "Cela permettra à l’ambassade de poursuivre ses activités, parmi lesquelles, notamment, les contacts avec nos ressortissants." ajoute Daniel Bernard. L’annonce de cette mesure a été faite le jour même où 11 diplomates irakiens de France quittent Paris : ils ont été déclarés "personae non gratae" à la suite de l’intrusion de soldats irakiens dans la résidence de l’ambassadeur de France au Koweït, il y a une semaine. L’exemple français a été aussitôt suivi par les pays de la CEE : plusieurs d’entre eux ont expulsé les attachés militaires irakiens. Bagdad a donné une semaine pour quitter le pays à tous les attachés militaires de la CEE (et leurs adjoints) et restreint la liberté de mouvement des diplomates européens. Egalement expulsés l’attaché militaire de l’ambassade d’Egypte, 2 membres de son bureau et 2 conseillers de l’ambassade. L’Egypte a en effet pris la tête des pays arabes qui se sont rangés aux côtés des USA dans le déploiement militaire anti-Irak qui se met en place en Arabie saoudite. Dans le message lu à la télévision, le Conseil de la révolution irakien s’en prend aux USA, au roi Fadh et au président Moubarak accusés d’être les principaux responsables du blocus que subit la population irakienne.

En bref :
   

Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la Défense, annonce que plusieurs contrats d'armement sont en cours de négociations entre la France, l'Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.

Estimant la Jordanie et le Yemen trop complaisants envers l'Irak, l'Arabie Saoudite a décidé d'expulser plusieurs diplomates de ces pays. De plus, le gouvernement saoudien accuse des diplomates jordaniens et yéménites de se livrer à des activités d’espionnage. Les Saoudiens ont également arrêté leurs livraisons de pétrole à Amman.

Tarek Aziz, ministre irakien des Affaires étrangères, menace de détruire tous les puits de pétrole saoudiens si son pays est attaqué.

George Bush met en garde Saddam Hussein contre toute action terroriste prenant pour cible les intérêts américains. De plus, on ignore toujours le contenu du message du Raïs irakiens adressé au peuple américain : l’administration Bush a fait savoir que l’ambassadeur d’Irak devait se débrouiller avec les chaînes de télévision américaines pour le diffuser.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Jacques Toubon, député français : L'escalade de l’Irak "justifie complètement, du côté des Occidentaux et du côté de la France, un renforcement, un durcissement de nos réactions et de notre dispositif, cela justifie que l’on n’en reste pas aux paroles mais que l’on passe aux actes en ce qui concerne le blocus" (Radio française France-Inter).
Ali Akbar Rafsandjani, président de l'Iran : "Mon pays n'acceptera rien de moins qu'un retrait total de l'Irak du Koweït."
Franck Borotra, député français : "Les Américains ne sont intervenus dans le Golfe que parce qu’ils ont trouvé quelqu’un pour les payer".
Saddam Hussein, président de l'Irak : L’Irak est "prêt à faire face à la guerre 5 ou 6 ans" et il sera "loin d’être isolé dans le monde arabe". Il ajoute que "l’Irak est prêt à des concessions pour la paix" (Quotidien turc Milliyet).
Jacques Berque, professeur au Collège de France : "Tout est étrange dans cette affaire. Le changement en son contraire d’une politique arabe de 2 décennies ; la dramatisation immédiate qui nous a fait négliger de précieuses possibilités de médiation ; cette disproportion qui coalise les plus grandes puissances du monde contre un pays à peine sorti du sous développement..." (Quotidien français Libération).
George Bush, président des USA, à propos du discours de 90 minutes de Saddam Hussein avant sa diffusion sur les TV américaines : "Personne ne peut rester réveillé pendant un discours aussi long, ce sera la fin d’Hussein dans l’opinion américaine".
Bernard Lacombe, secrétaire de la CGT : "Le gouvernement a réquisitionné les marins de l’Estérel. La loi Française ne permet une telle procédure qu’en temps de guerre".

 

Quotidien français L'Humanité: "Condamnant l’agression de l’Irak contre le Koweït, (la France) doit exiger le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de tous les Etats, elle doit exiger l’arrêt de l’intervention américaine et prendre des initiatives pour contribuer activement à un règlement politique négocié des différends et des conflits dans le golfe Arabo-persique dans le cadre arabe et dans celui des Nations-unies."

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


L'Irak expulse des diplomates européens (24 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 21 septembre 1990