C'est à l'aube que les premiers des 350 chars irakiens ont franchi la frontière de l'émirat du Koweït. Derrière eux, Saddam Hussein a lancé 100.000 hommes fortement armés et aguerris par 10 ans de conflit avec l'Iran. L'attaque a été foudroyante : les forces irakiennes sont parvenues dans le centre de Koweït-City, la capitale, 4 heures seulement après le début de l'opération. Les divisions ont alors rapidement encerclé l'aéroport, le palais de l'émir, cheikh Jaber al-Ahmad al-Sabah, et les principaux ministères. Des blindés ont également pris position sur les grandes artères. Devant cette attaque éclair, l'armée koweïtienne, qui ne compte que 20.000 hommes, n'a pratiquement rien pu faire pour stopper l'ennemi. Un premier bilan fait état de 200 morts. Des troupes koweïtiennes ont tenté en vain de déloger les forces irakiennes du palais de l'Emir peu après la fuite du chef de l'Etat vers l'Arabie Saoudite. C'est au cours de ces affrontements qu'est tombé le frère de l'Emir, cheikh Fahd al-Ahmad al-Sabah, un passionné de football, ami de Michel Platini.
Dès 9 heures, la radio nationale irakienne a annoncé la fermeture des frontières et la mise en place d'un "gouvernement provisoire du Koweït libre", ajoutant que l'invasion avait été décidée pour venir en aide à de " jeunes révolutionnaires" qui voulaient renverser "un régime traître impliqué dans des complots sionistes et étrangers". Vers midi, le speaker officiel précisait que les forces irakiennes contrôlaient le Koweït. Depuis 2 semaines, Bagdad multipliait les menaces contre cet émirat, baptisé la Tirelire du Golfe en raison de ses richesses pétrolières. Protectorat britannique de 1899 à son indépendance en 1961, le Koweït n'existe plus désormais en tant qu'Etat souverain.
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23h
Les premiers chars irakiens passent la frontière irako-koweïtienne.
0h
Une dépêche de l'Agence France Presse fait le tour du monde : "Des forces irakiennes viennent de franchir la frontière et ont pénétré au Koweït. On en ignore encore le nombre".
2h
L'émir du Koweït évacue son palais de Koweït-City, et se réfugie à l'ambassade des USA. De là, un hélicoptère de l'armée américaine l'emmène à Riyad, en Arabie Saoudite.
3h
Le roi Hussein de Jordanie appelle Saddam Hussein au téléphone : il se rendra à Bagdad pour essayer de trouver une solution à la crise.
4h
Lors de l'assaut du palais de l'émir, le plus jeune frère de ce dernier est tué. Le cheikh Fahd était connu du public, plus particulièrement des Français, pour avoir provoqué l'interruption du match France-Koweït (4 buts à 1) et contesté une décision de l'arbitre, lors de la Coupe du Monde de Football en Espagne en 1982.
7h
L
e Conseil de sécurité des Nations Unies, réuni d'urgence à la demande des USA et du Koweït, vote la résolution 660 qui demande le retrait des troupes irakiennes du Koweït et le rétablissement du statu quo. Seul le Yémen a refusé de voter la résolution. Mais pour une fois, la Chine, l'URSS et Cuba se sont rangés du côté des Américains...
8h
La Syrie met ses troupes en état d'alerte.
9h
La radio nationale koweïtienne annonce le renversement de l'émir du Koweït. L'agence de presse officielle irakienne INA annonce la fermeture des frontières de l'émirat et la proclamation d'un couvre-feu.
10h
Le gouvernement irakien annonce avoir pris le contrôle du Koweït. Mais de nombreux combats éclatent autour des différents ministères de Koweït-City.
11h
Le roi Hussein arrive en Egypte pour y rencontrer le président Moubarak.
12h
Un discours appelant à la résistance anti-irakienne est capté sur les fréquences de la radio koweïtienne. Le prince héritier Saad appelle à "résister à l'agression".
14h
Les autorités américaines annoncent l'arrêt de toute transaction avec l'Irak.
16h
Début de la réunion des ministres des Etats membres de la Ligue arabe, à la demande expresse de la Syrie. La délégation irakienne est critiquée.
17h
Le roi Hussein de Jordanie rencontre Saddam Hussein pour essayer de désamorcer la crise.
18h
L'état-major américain met en alerte certaines unités, en particulier celles de l'armée de l'air.
Interview d'une Koweïtienne sur France-Info : les Irakiens sont calmes.
La radio française diffuse dans l'après-midi l'interview d'une habitante de Koweït-City qui commente l'arrivée des soldats irakiens. La Koweïtienne explique que "les chars sont partout (...), ils dans tous les quartiers résidentiels (...). Tous les 3 m, vous trouvez un char". "Il n'y a plus de résistance koweïtienne, ajoute-t-elle . Ils ont tout détruit". Tous les bâtiments importants (ministères, banque centrale, raffineries...) seraient occupés. Interrogée sur la diffusion d'appels à la résistance par les ondes koweïtiennes, la jeune femme répond que les Koweïtiens préfèrent écouter la BBC ou RFI pour s'informer. Une chose paraît sûre : les Irakiens, très calmes, sont là pour longtemps. "Les soldatsoccupent tous les grands hôtels, comme le Sheraton. Ils vivent la vie de stars. Au Sheraton, ils ont cassé toutes les vitres, ils n'ont pas voulu entrer par les portes..."

British Airways
Vol 149 : Londres - Kuala Lumpur
Escale à Koweït-City
Lors de l'approche de l'aéroport de Koweït-City et de l'amorce de la descente, le commandant de bord reçoit un message de la tour de contrôle lui informant que des pirates se sont emparés de l'aéroport et ont envahi les pistes. Mais il est trop tard pour agir et le Boeing 747 se pose. Il est aussitôt encerclé par les troupes irakiennes qui forcent les 295 passagers et membres d'équipage, pour la plupart occidentaux, à descendre. Ils sont emmenés de force dans un hôtel de la capitale koweïtienne. British Airways et Kuwait Airways ont rapidement annulé tous leurs vols au départ de Londres à destination du Koweit.

Iraqi Airways
Vol Tokyo - Paris
Escale
à Bagdad
Avec 200 Japonais et 7 Français à son bord, il atterrit sur l'aéroport de Bagdad où l'armée de Saddam Hussein a pris position. Aussitôt après leur descente d'avion, les passagers sont emmenés de force dans un hôtel de la banlieue de Bagdad.
Sur tous les marchés (pétroliers, changes et actions), les volumes de transaction atteignent des niveaux impressionnants.
A New York, le 1er août au soir, une rumeur d'invasion avait déclenché une petite panique. Le lendemain matin, l'information s'étant confirmée, le prix du brut flambait.
A Londres, le cours du brent, le pétrole de référence de la mer du Nord, atteint son plus haut niveau depuis quatre ans et demi : 23,5 $ contre 20,45 $ la veille au soir. Le pétrole, l'or et le dollar sont en hausse.
A Paris, la séance s'achève sur un recul de 2,12% alors que l'indice CAC 40 baisse de 3% durant l'après-midi.
Les autorités marocaines condamnent " l'occupation militaire du pays frère".
Le gouvernement japonais demande le retrait des troupes de Bagdad, en qualifiant "d'extrêmement regrettable" l'invasion de l'Emirat.
La CEE "condamne fermement" l'invasion et estime qu'elle constitue une "menace dangereuse vis-à-vis de la paix et de la stabilité de la région". L'Algérie réclame le "retrait immédiat" des forces irakiennes après leur "invasion inadmissible".
Les autorités de Pékin se disent "extrêmement préoccupées" par l'invasion du Koweït et considèrent qu'il ne doit pas y avoir de "conflit d'intérêt entre pays en voie de développement".
L'OTAN déclare qu'elle "condamne énergiquement l'agression militaire commise par l'Irak" et engage instamment Bagdad à "régler ses différends par des moyens pacifiques".
L'URSS appelle au "retrait immédiat" des forces irakiennes du Koweït et à la "restitution de la souveraineté koweïtienne". Le Kremlin annonce également la suspension de ses livraisons d'armes à l'Irak.
L'Iran annonce qu'elle condamne "fermement" l'invasion du Koweït par l'Irak qui est de plus en plus isolée.
Réactions aux Etats-Unis
Washington "condamne fermement" l'invasion, annonce le gel des avoirs irakiens et koweïtiens sur son territoire, et décide d'arrêter toute transaction commerciale avec l'Irak. Les USA expriment le souhait que leurs alliés de l'OTAN fassent de même. Pour le président George Bush, "il n'y a pas de place, dans le monde d'aujourd'hui, pour ce genre d'agression caractérisée". Et de poursuivre : "Il est inutile de dire que nous considérons cette situation comme étant très grave. Nous sommes engagés à prendre les mesures nécessaires pour défendre nos intérêts vitaux dans le Golfe". Interrogé sur l'éventualité d'une action militaire américaine, il a répondu ne pas l'envisager, mais que, si c'était le cas, il n'hésiterait pas... D'ailleurs, au même moment, le porte-avions Independence fait route pour le Golfe...
Réactions en Israël
Eliahou ben Elissar, président de la commission parlementaire pour les Affaires étrangères et la Défense, menace Saddam Hussein : "Israël n'est pas le Koweït". Le Premier ministre, Yitzhak Shamir, constitue un cabinet de crise composé des Ministres de la Défense, des Affaires étrangères, le chef d'état-major et le responsable du renseignement militaire. Lors de la réunion extraordinaire de la Knesset, un député compare l'agression irakienne à l'Anschluss de l'Autriche par Adolf Hitler...
Réactions en France
La France met en place 2 bâtiments de la Marine nationale dans le détroit d'Ormuz. De son côté, Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, annonce, dans une interview accordée à FR3, la suspension des livraisons d'armes à l'Irak et l'intention de la France de "revoir sa position dans la région". "La France dénonce l’agression et condamne l’agresseur", a poursuivi le ministre des Affaires étrangères 12h après l’entrée des troupes irakiennes en territoire koweitien. Et de poursuivre: "Il faut continuer cette pression diplomatique de façon à ce que l'Irak sente qu'il est mis au ban de la société internationale". "L’Irak doit à la France grosso modo 24 milliards de francs (3,6 milliards € ), 14 milliards (2 milliards € ) sur la partie militaire et 10 milliards (1,5 milliard € ) sur la partie civile", a rappelé le ministre après avoir indiqué que "les circonstances de cette agression (...) nous amèneront certainement à revoir notre position dans cette région du monde", mais "il faut pour le moment, sur le plan diplomatique, s’en tenir à l’action de la communauté internationale" face à Saddam Hussein, que Roland Dumas a présenté comme un "homme déterminé, qui dispose de grands moyens militaires".
Par ailleurs, les autorités françaises annoncent le gel des avoirs irakiens et koweïtiens sur l'ensemble de son territoire. Selon une estimation du Ministère des Finances, ces avoirs portent sur 10 milliards de francs (1,5 milliard €). Cette décision vise à empêcher que les troupes irakiennes ne s'emparent du patrimoine des ressortissants koweïtiens.
Réactions en Grande-Bretagne
D'après un homme d'affaires britannique, "l'Irak vient de prendre le contrôle de la plus grande banque du monde". L'énorme poids financier du Koweït à travers le monde oblige les grandes capitales à prendre des mesures d'urgence. Après Washington et Londres, c'est au tour de Paris de geler les avoirs irakiens et koweïtiens sur son territoire national. Ces avoirs porteraient sur 10 milliards de francs (1,5 milliard d'€). Une somme dérisoire comparée aux 135 milliards de francs (20 milliards d'€) que totalisent les avoirs koweïtiens en Grande-Bretagne...
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