jeudi 16 août 1990

George Bush souhaite partager la facture de son Bouclier du Désert.
Le gouvernement des USA se refuse à préciser le coût de son Bouclier du désert mais George Bush admet que le déploiement de 60.000 GI's en Arabie Saoudite déjà réalisé alourdit un déficit budgétaire, évalué à 168,8 milliards de dollars, qui "menace la santé économique" du pays. Qu’en sera-t-il lorsque le corps expéditionnaire sera porté à 200.000 ou 250.000 hommes ? Selon les estimations concordantes du Centre d’information sur la Défense, une institution privée de Washington qui emploie d’anciens officiers, et du Financial Times britannique, 7.000 à 10.000 dollars à la minute partiraient actuellement dans les sables, soit 10 à 15 millions par jour et 3,6 à 5,4 milliards par an. Mais le robinet s’ouvre régulièrement et, à plein régime. Le Pentagone devra, pour sa propre opération du Golfe, débourser 56,2 millions de dollars par jour, soit 20,5 milliards par an. Autrement dit, une augmentation de 12% du déficit budgétaire est programmé, alors qu’aux termes de l’accord passé à la fin du mois de juillet entre le Congrès et la Maison-Blanche, il devait être réduit de 50 milliards durant l’année fiscale 1991 qui s’ouvre le 1er octobre prochain. Bush souhaite que d’autres pays partagent le fardeau. "Je suis convaincu, après un bon entretien (...) avec le Premier ministre Kaïfu, que les Japonais sont plus que disposés à prendre en considération des propositions en ce sens », a-t-il indiqué. Tokyo n’a pas encore pris d’engagement ferme mais on souligne à Washington que 70% de son pétrole provient du Golfe. Une façon d’indiquer que le bouclier américain n’est pas gratuit. On rappelle que durant la guerre entre l’Iran et l’Irak, lorsque l’US-Navy "protégeait" les pétroliers, et accessoirement abattait un avion de ligne, le Japon apportait sa contribution financière au système de navigation, accordait dons et crédits à la Jordanie et augmentait sa participation à l’entretien des bases américaines dans l’archipel nippon. L’Allemagne est, elle aussi, directement sollicitée. Les conseillers de Bush font remarquer que son économie florissante dépend largement du pétrole arabe. L’insistance est moins forte à l’égard de la Grande-Bretagne, de la France, du Canada et de l’Australie qui, souligne Washington, ont envoyé navires et avions dans le Golfe. Les USA attendent pourtant un versement de ces 4 pays, sans omettre celui de l’Arabie. N’est-ce pas Riyad qui a lancé un appel à l’aide ?

Interview de Jean-Pierre Chevènement sur FR3 : l'armement irakien "made in France" est secret.
Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la Défense, dément que la France ait fourni aux USA des détails secrets sur les armes et les équipements électroniques qu’elle a vendus à l’Irak. "Entre ce qui se dit et ce qui se fait, il y a une grande différence. Je déments que toute instruction ait été donnée en ce sens. Pour le reste, il s’agit d’une question couverte par le secret militaire et vous comprendrez que je n’en ajoute pas davantage", a-t-il dit sur la télévision française FR3. Mardi, le Herald Tribune, citant des sources françaises et américaines à Paris, avait fait état de cette fourniture ajoutant qu’ainsi la France a aidé considérablement Washington à neutraliser la puissance militaire irakienne dans le Golfe.

Discours de Saddam Hussein sur Radio-Bagdad : l'Irak va renvoyer "les Américains dans des cercueils".
Radio-Bagdad diffuse cet après-midi une déclaration de Saddam Hussein dans lequel il menace les USA. "Nous prions Dieu pour éviter toute confrontation entre l’Irak et les Etats-Unis. Sinon des milliers d’Américains vous seront remis dans des cercueils après que vous les eussiez poussé dans un tunnel ténébreux", ajoute-t-il. Saddam Hussein traite à plusieurs reprises George Bush de "menteur" et l'accuse d’avoir "leurré l’opinion publique américaine". "Vous avez menti, affirme le dirigeant de Bagdad, une première fois en affirmant à votre peuple que vous avez dépêché vos forces en Arabie Saoudite pour y protéger les intérêts américains et une second fois vous leur avez dit que les troupes américaines avaient pour mission d’obliger les troupes irakiennes à se retirer du Koweit. Pouvez-vous nous permettre de vous demander de retirer vos forces des Etats du sud de l’Amérique ?", lance Saddam Hussein. Et il ajoute : "Les Arabes ne sont pas comme ces dirigeants qui vous servent, capitulent devant vos ordres et participent avec vous au pillage de la richesse de la nation arabe", affirmant qu’"il n’y a pas lieu de voir revenir (au Koweit) les émirs débiles du pétrole qui ont défiguré l’image des Arabes".

Hussein de Jordanie rencontre George Bush.
Le discours de Saddam Hussein a été diffusé peu avant que le roi Hussein de Jordanie rencontre le président Bush, à qui il doit remettre un message du président irakien. Pour Mohamed al-Mashat, ambassadeur irakien à Washington, ce message constituerait une "ouverture" en direction des USA, "un moyen d’avoir un dialogue". Selon plusieurs médias américains, le message proposerait une conférence internationale pour discuter d’un retrait irakien du Koweit en échange d’un gel de l’impressionnant déploiement militaire américain dans la région. Arrivé hier aux USA, le roi Hussein a ce soir un entretien de 90 minutes avec le chef de l’Etat américain. Dès avant la réunion, la Maison Blanche indiquait ne pas attendre de percée spectaculaire en direction d’une solution négociée du conflit du Golfe. Le roi Hussein explique la situation délicate du fragile royaume jordanien et sa difficulté à participer pleinement à l’embargo économique international contre Bagdad. En revanche, Bush reste inflexible et exerc "une ferme pression", selon les termes du département d’Etat, sur le roi Hussein pour que la Jordanie se plie à cet embargo, en coupant la dernière artère commerciale vers l’Irak, le port jordanien d’Aqaba, sur la mer Rouge. Le roi Hussein fait observer au président Bush que la Jordanie risque d’être asphyxiée économiquement par l’embargo contre l’Irak, mais Marlin Fitzwater, porte-parole de la Maison-Blanche, explique que Bush entend bien convaincre son hôte que la solution de la crise passe par le succès total de l’embargo et donc par la coopération d’Amman, à qui il promet une aide économique pour compenser ses pertes.

L'Irak libère ses premiers prisoniers iraniens.
Les mille premiers prisonniers iraniens en Irak seront rapatriés par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), après l’accord des autorités iraniennes qui ont informé le CICR qu’elles les accueilleront à la frontière. Bagdad entame ainsi la mise en oeuvre de la décision de Saddam Hussein de mettre fin à l’état de guerre avec l’Iran, conformément aux décisions de l’ONU. L’accord des autorités iraniennes a été notifié à la représentation du CICR à Téhéran. A Bagdad, le Commandement général des forces armées irakiennes annonce d’autre part que le retrait des troupes irakiennes se trouvant encore sur le sol iranien se fera en 5 jours, à partir de demain. A Téhéran, où "des dispositifs nécessaires" ont été mis en place pour le retour des prisonniers, le président iranien Ali Akbar Hachémi Rafsandjani déclare que "le problème de la paix entre Téhéran et Bagdad est totalement indépendant de l’occupation irakienne du Koweït", ajoutant que l’Irak "doit retirer ses forces du Koweït". A Alger, le ministère des Affaires étrangères a exprimé sa "grande satisfaction" après l’offre de paix du président irakien. A Moscou, Alexandre Belonogov, vice-ministre des Affaires étrangères, déclare à l’ambassadeur d’Iran, venu lui rendre visite, que "l’application de la résolution 598 du Conseil de sécurité de l’ONU et la solution des questions en litige entre l’Iran et l’Irak représenteraient un pas important dans le sens d’un renforcement de la stabilité dans la région du Golfe".

Les banques françaises inquiètes pour leurs créances en Irak et au Koweït.
Les établissements financiers français détiennent près de 15 milliards de francs (2,1 milliards d' €) de créances sur le Koweït et l’Irak. Ce sont les banques qui ont prêté le plus à ces 2 pays. Leurs engagements sur le pays de Saddam Hussein atteindraient 8,8 milliards de francs (1,4 milliard d' €) et la dette koweïtienne 6,2 milliards (1 milliard d' €). Cette dernière est celle qui inquiète le plus les milieux bancaires car concernant paradoxalement le créancier le plus sûr du monde, elles n’étaient pas garanties. Quant à l’Etat français, un des 2 principaux fournisseurs d’armes de l’Irak, il est aujourd’hui en situation de perdre plusieurs milliards de francs. Les banques anglaises, relativement peu concernées par des prêts à l’Irak sont en revanche les premiers prêteurs du Koweït, alors que les USA et le Japon ont un très faible volume de créances auprès de ces 2 pays.

En bref :
   

Le grand rabbin d'Israël, Mordechai Aliyahu, autorise les Juifs orthodoxes à se raser la barbe pour porter des masques à gaz en cas de guerre chimique. Il leur conseille également d'avoir toujours sur eux une paire de ciseaux pour tailler leur barbe. Au cas où...

Un premier groupe de 260 personnes, des femmes et des enfants pour la plupart, a quitté le Koweït pour Bagdad d’où ils gagneront Moscou par vol spécial. De son côté, Tarek Aziz, ministre irakien des Affaires étrangères, indique que les 3.000 citoyens des USA demeurant dans le pays vont bientôt être fixés sur leur sort. Il ne leur sera fait aucun mal, a ajouté l'Irakien.

 Saddam Hussein ordonne la libération immédiate des détenus condamnés pour délits mineurs. La mesure ne s’applique pas aux "trafiquants de drogue, meurtriers avec préméditation, faux-monnayeurs, contrefacteurs, espions, agents à la solde de l’étranger ou personnes ayant comploté contre le régime".

En Algérie, 3 manifestations approuvant l’action de l’Irak et protestant contre l’intervention étrangère dans la région du Golfe sont organisées, à Oran par le FLN, à Annaba par le Mouvement pour la démocratie de l’ancien président Ben Bella, à Sour-El-Ghozlane par le FIS.

Le roi Fahd d'Arabie envoie son vice-ministre des Affaires étrangères à Djakarta (Indonésie), capitale du pays musulman le plus peuplé du monde, pour demander l’envoi d’un contingent de défense des lieux saints de l’islam. Mais le gouvernement du général Suharto n’a pas condamné l’invasion du Koweït et applique l’embargo contre l’Irak avec réticence.

Les douanes américaines arrêtent en Floride un Allemand et un Espagnol qui auraient cherché à acheter des missiles susceptibles d’être équipés de têtes chimiques et d’autres armes destinées à des pays du Moyen-Orient.

Le gouvernement Bush a mis au point un programme pour réduire la consommation de 550.000 barils par jour. Les automobilistes sont invités à gonfler correctement leurs pneus afin d’économiser 90.000 barils par jour et à respecter les limitations de vitesse pour en soustraire 50.000 autres. Pour le reste, ils risquent surtout de payer plus cher.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Saddam Hussein menace les USA de renvoyer "des milliers d'Américains dans des cercueils". Il demande également à tous les Américains et les Britanniques retenus au Koweït à se rassembler dans un grand hôtel.
Hassan II, roi du Maroc : " Bagdad devrait mandater plusieurs pays arabes pour désamorcer la bombe du Golfe."
George Bush, président des Etats-Unis : "Que Saddam Hussein commence tout de suite l'évacuation du Koweït".
Roger Fauroux, ministre français de l’Industrie : "En 1985, la tonne de pétrole coûtait près de 1.900 francs. Ces jours-ci, après l’entrée de l’Irak au Koweït, elle ne vaut qu’environ 1.000 francs". Il concède même que la hausse du prix du pétrole est "spéculative", et qu’aucune pénurie ne menace tandis que la France dispose d’une marge de sécurité de 170 jours de consommation (Hebdomadaire français Paris Match).

 

L’agence de presse iranienne IRNA rapporte les propos de Haydar Haydari qui, avec un groupe de ses 100.000 compatriotes résidant au Koweït, a gagné l’Arabie Saoudite puis Chiraz, via le Qatar. Selon lui, "tout le monde circule librement dans les rues à l’exception des femmes et des Koweïtiens". Les quelques poches de résistance ont été éliminées en raison de l’omniprésence des troupes irakiennes.

 

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

Gallerie de photos
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En vidéo


Interview de Saddam Hussein (extrait 1 - 7 minutes)
ABC - Télévision américaine (en anglais) - 16 août 1990


Interview de Saddam Hussein (extrait 2 - 5 minutes)
ABC - Télévision américaine (en anglais) - 16 août 1990


Edition spéciale : La crise du Golfe (extrait 1 - 15 minutes)
CBS - Télévision américaine (en anglais) - 16 août 1990


Edition spéciale : La crise du Golfe (extrait 2 - 12 minutes)
CBS - Télévision américaine (en anglais) - 16 août 1990


L'Irak menace les Etats-Unis (57 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 16 août 1990


La crise du Golfe (14 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 16 août 1990