lundi 20 août 1990

La crise des otages vue des Etats-Unis.
George Bush prévient qu'il tiendra l'Irak pour seul responsable de tout ce qui pourrait arriver aux ressortissants étrangers bloqués dans le Golfe. "Relâchez tous les étrangers immédiatement !" s'énerve-t-il lors de la convention des Anciens Combattants à Baltimore. Bush rappelle que les USA "étaient engagés dans le maintien de l’ordre mondial", ajoutant que s’il "était mis en péril", Washington "aiderait ses amis et protégerait ses propres intérêts ainsi que la paix et la stabilité des nations du monde". Un nouveau pas semble franchi dans la crise du Golfe : les USA semblent prêts à mener diverses actions, y compris militairement, pour libérer leurs ressortissants. Washington a par ailleurs conseillé aux Américains de quitter la Jordanie en raison de la tension dans la région. En Irak, plus de 200 étrangers auraient déjà été transférés vers des installations stratégiques. Ceux que l'Irak avait qualifié de "boucliers humains" disposent, selon Bagdad, de tout le confort et sont en bonne santé.

L'Irak adresse un ultimatum aux ambassades occidentales du Koweït.
Le gouvernement irakien ordonne aux ambassades étrangères établies au Koweït de fermer leurs portes avant le 24 août. La plupart des pays obtempèrent, mais pas les USA, la Grande-Bretagne, la Belgique, l’Espagne, la Pologne, l'Italie et la France qui "déterminera sa position dans le cadre communautaire" . L'URSS fait partir son personnel diplomatique mais annonce que "l'ambassade n'est pas fermée".

Accord trouvé entre l'Irak et l'URSS.
Saadoun Hammadi, vice-Premier ministre irakien, qui est arrivé à Moscou "à sa demande", s’entretient pendant près de 3h avec Edouard Chevardnadzé, ministre soviétique des Affaires étrangères. A l’issue des entretiens qui ont porté sur la situation dans le Golfe, Chevardnadzé indique qu’il ne s’agissait pas de pourparlers mais de "conversations" avec le représentant de la direction irakienne. Suite à cet "échange d’informations, d’opinions" portant sur la "coordination des points de vue" sur la situation dans la région, Chevardnadzé ajoute que les 2 parties sont tombées d’accord pour poursuivre leurs consultations. Par ailleurs, le gouvernement soviétique annonce l’envoi d’émissaires dans plusieurs capitales arabes.

Patrick Poivre d'Arvor revient d'Irak avec un bébé et une interview.
Patrick Poivre d'Arvor, journaliste vedette de TF1, revient du Golfe avec, dans ses bagages, le plus jeune otage occidental retenu en Irak : Florian, 18 mois. Dans une interview accordée à l'équipe de journalistes de la chaîne française, Latif Nassif el-Jassem, ministre irakien de l'Information et de la Culture, affirme que les pilotes américains ou d'autres nationalités qui tomberaient sur le territoire irakien, pourraient être "mangés" par la population ! Pour obtenir cette interview, le groupe de BTP Bouygues, principal actionnaire de TF1, a dû jouer de son influence à Bagdad, où plusieurs contrats de construction ont été signés ces dernières années. Cette exclusivité n'est pas du goût du Premier ministre français, qui reproche aux télévisions d'être "le relais des dictatures". Michel Rocard "croit de son devoir d’inviter les journalistes, particulièrement dans l’audiovisuel, à s’interroger sur leur rôle et notamment à éviter de prendre le risque de servir les intérêts de la propagande d’une puissance étrangère sans autre nécessité que celle de prestations plus spectaculaires ou émotives que réellement informatives". Gérard Carreyrou, directeur de la rédaction de TF1, a annoncé que l’équipe de sa chaîne envoyée à Bagdad avait reçu l’ordre de rentrer "au plus vite".

Conférence de presse du ministre israélien de l'Agriculture : un nouveau front en Israël.
Raphaël Eitan, ministre israélien de l’Agriculture, estime que l’aggravation de la situation en Jordanie entraînera la création d’un 2ème front en Israël. "Les Jordaniens vont tôt ou tard chercher refuge auprès de Saddam Hussein, qu’ils soutiennent massivement, contre une prétendue agression israélienne, créant ainsi pour les Américains un 2ème front, cette fois-ci en Israël même, allié de Washington", déclare-t-il à la presse à Tel Aviv. Raphaël Eitan dirige une formation d’extrême-droite, Tsomet. Eytan, qui a occupé les fonctions de chef d’état-major de l’armée israélienne, explique son pronostic par la situation en Jordanie, qui est, dit-il, "au bord du gouffre", "le pouvoir central risquant à tout instant d’en perdre le contrôle".

Scandale en France : l'Irak fait la guerre avec des armes "made in France".
Les critiques vont bon train en France, concernant les ventes d'armes à l'Irak survenues depuis 1975. "Depuis plus de 15 ans, quels que soient ses gouvernements, critique Patrick Devedjian, député RPR des hauts-de-Seine, la France a vendu à l'Irak de quoi aligner l'armée la plus puissante du monde arabe (...). Elle s'étonne aujourd'hui que Saddam Hussein se serve de cette armée". La principale cible de ces critiques, Jacques Chirac, reste muette. Chirakien (dixit Le Canard enchaîné) était en effet Premier ministre de 1974 à 1976 lorsqu'il décidât d'engager une amitié forte avec son homologue irakien Saddam Hussein, alors Premier ministre d'Irak.

Interview de l'ambassadeur d'Irak en France sur La Cinq : des Français boucliers humains en Irak.
L’ambassadeur d’Irak en France confirme que 33 Français et 85 Britanniques emmenés de leurs hôtels par les militaires irakiens ont été "répartis dans des installations militaires et stratégiques en Irak". "Ce ne sont pas des otages, a ajouté Abdel Razzak Al-Hashimi, interwiewé par la télévision française La Cinq. Ils remplissent une tâche noble en empêchant un désastre. Car si une guerre éclate, des milliers d’Irakiens, d’Américains, de Britanniques et d’autres étrangers mourront. Si les Américains et les Britanniques n’attaquent pas l’Irak, il n’y aura aucun danger pour leurs ressortissants." Il a, en outre, estimé "très importante" la réunion des ministres des Affaires étrangères de la CEE qui a lieu aujourd’hui à Paris : "L’Europe peut jouer un rôle en se montrant raisonnable, en empêchant les Américains d’aller trop loin. Mais si elle se range aux côtés des Etats-Unis, cela contribuera à l’explosion dans la région."

En bref :
   

Le secrétaire américain à la Défense, Dick Cheney, annonce que des troupes américaines ont été déployées dans les Emirats Arabes Unis.

Des files de centaines de voitures se forment dans plusieurs stations-services de Corse, à la suite de rumeurs infondées de pénurie. Cette psychose met néanmoins à sec les postes à essence concernés, pris d’assaut par les automobilistes souhaitant faire le plein des véhicules et des jerrycans.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Amiral Lacoste, de l'armée française : "J’espère que nous n’allons pas aller à des opérations militaires de grande envergure", précise-t-il avant de se prononcer pour la négociation par l’intermédiaire des pays arabes (Télévision française La Cinq).
Youri Gremitskikh, chef adjoint de la direction de l’information du ministère soviétique des Affaires étrangères : L'URSS se propose "d’examiner la situation actuelle, fort dangereuse, dans la région du Golfe persique et d’exposer (son) ferme point de vue sur la situation extrêmement critique engendrée par l’intervention des troupes irakiennes au Koweït et par l’annexion de ce pays indépendant et souverain"
Alain Juppé, homme politique français : "Il faut que le président de la République sache que s’il est ferme et courageux, il aura notre soutien" (Télévision française FR3).
Muhammar Kadhafi, président de la Libye : "Je suis contre l’utilisation de civils et de travailleurs comme otages. C’est une question de principes."
Général Coppel, de l'armée française : "Un raid contre le territoire irakien ne me parait pas une bonne solution militaire compte tenu de la puissance de l’armée de ce pays" (Télévision française FR3).

 

Quotidien économique français Tribune de l’Expansion : "L’histoire nous a appris qu’il n’y avait que 3 grands types de société. Celle du prêtre... Celle du soldat... Et celle du marchand, qui ne manque pas de défauts mais qui a fini, par comprendre que le vaincu d’aujourd’hui doit être préservé si l’on veut qu’il devienne le client de demain". A l’heure actuelle, en précisant que cela n’a pas toujours été le cas, "l’Amérique, l’Europe, (depuis peu toute l’Europe) et l’Asie du Sud-Est appartiennent toutes 3 à la société du marchand. En défendant nos intérêts, nous protégeons ce type de société, le seul qui à ce jour a su cultiver des plantes aussi fragiles que le droit et les libertés".
Quotidien soviétique La Pravda:"Face aux événements du Golfe, les médias ne parlent que des réactions des bourses de Paris, de Londres ou de New York, et l’on pourrait donc penser que la crise ne touche pas l’Europe de l’Est. Rien n’est plus faux. Les pays est-européens sont aussi les grands perdants de ce conflit. Ils ont ces 30 dernières années beaucoup construit au Proche-Orient, en Irak notamment (...). On comprend dans ces conditions qu’il n’ait pas été simple pour ces pays de condamner l’agression irakienne ni d’approuver l’embargo de l’Onu".

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

Gallerie de photos
  • image 1
  • image 2
  • image 3
  • image 4
  • image 5
  • image 6
  • image 7
  • image 8
En vidéo


La crise des otages (25 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 20 août 1990


La crise du Golfe (15 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 20 août 1990