mercredi 8 août 1990

Opération Bouclier du Désert.
Les USA lancent l'opération Desert Shield (Bouclier du Désert) pour protéger l'Arabie Saoudite, vulnérable face à l'armée irakienne. George Bush informe la presse que des troupes seront envoyées rapidement dans le Golfe pour "prendre des positions défensives" et "assister les Saoudiens dans la défense de leur patrie". George Bush définit par la même occasion 4 principes qui guident cette décision :
* le retrait total et sans conditions des troupes irakiennes du Koweït,
* la restauration du gouvernement légitime de l'émirat,
* la sécurité et la stabilité dans le Golfe, essentiellement pour l'approvisionnement pétrolier,
* la protection de la vie des ressortissants américains à l'étranger.
Le Président américain est clair, c'est le problème "du monde entier". Il se dit d'ailleurs convaincu que d'autres pays, en particulier les Alliés habituels des USA se joindront à la défense commune de l'Arabie Saoudite. Tout en insistant sur sa nature défensive, Bush prévient que "l'opération pourra être longue et son prix élevé". Le plus grand déploiement de forces depuis la guerre du Viêt-Nam débute...

La Grande-Bretagne soutient les Etats-Unis.
Alors qu'à Bagdad des milliers d'Irakiens célébraient la "fusion totale et irréversible" de leur pays avec le Koweït, Londres, fidèle alliée de Washington, acceptait de se joindre à la force multinationale souhaitée par le président américain. Le croiseur York, qui patrouille déjà dans les eaux du Golfe, sera bientôt rejoint par 2 frégates de la Royal Navy, le Jupiter et le Battle axe. Margaret Thatcher, Premier ministre britannique, annonce également la constitution d'une force aérienne, composée entre autres d'intercepteurs Tornado F-3. Les bataillons d'élite SAS (Special Air Service) pourraient également être sollicités.

Discours de Sid-Ahmed Ghozali : l'Algérie souffle le chaud et le froid.
Dans un discours, le ministre algérien des Affaires étrangères explique : "Nous avons déjà perdu 4 jours et chaque jour qui passe voit se réduire la possibilité d’une solution arabe". Il estime que l’invasion du Koweït a "pulvérisé l’idée de nation arabe", et "éliminé la possibilité d’une solution arabe au Proche-Orient", avec des conséquences "désastreuses" sur la question palestinienne. La confiance inter-arabe s’étant évanouie, "les pays du Golfe vont définitivement se placer sous la protection directe des Etats-Unis". L’agression de Bagdad permet, ajoute le chef de la diplomatie algérienne, de "sortir Israël de son isolement croissant du fait de l’Intifada" et, dans le même temps, les USA ont un prétexte pour "intervenir militairement". Economiquement, l’affaire met dans la "cagnotte des banques occidentales" près de 200 milliards de dollars, ce qui constitue "le hold up du millénaire". En contrepartie de "tout ce gâchis", poursuit Sid-Ahmed Ghozali, l’Irak et la nation arabe gagnent "une hausse des prix du pétrole qui équivaut tout juste à ce qu’ils étaient en octobre 1975", et des sanctions économiques qui "risquent de mettre à genoux le peuple irakien".

L'annexion du Koweït.
"Le Conseil du Commandement de la Révolution a décidé de rattacher la branche Koweit au tronc Irak, en une fusion totale et éternelle. Telle est notre décision, elle est destinée à tous les Irakiens, de l’intérieur à la mer, et à tous les bons Arabes, de l’océan au Golfe". Telle est la déclaration publiée à Bagdad par laquelle l’Irak annonce l’annexion pure et simple du Koweit. Une annexion que Saddam Hussein tente de justifier par l’histoire en affirmant que le Koweit faisait partie de l’Irak et en avait été détaché arbitrairement par les puissances coloniales. Dès hier, le président irakien avait avancé cette thèse en déclarant à la télévision que l’intervention de ses forces armées avait mis fin au "partage colonial du monde arabe".

Interview de Roland Dumas sur RTL : la France croit en l'embargo.
Sur la radio française RTL, Roland Dumas, ministre français des Affaires étrangères, appelle à "garder le sang-froid", émettant le voeu que "si l’embargo est bien appliqué, l’Irak réfléchira". Mais, ajoute-t-il : "S’il le faut, le dispositif français sera renforcé et sa mission éventuellement élargie". D’ailleurs, souligne le ministre des Affaires étrangères, la France assure "une parfaite coordination aux plans politique et militaire avec ses alliés occidentaux". De plus, "la France participera à une action internationale si la demande lui en est faite par les Nations Unies"."La France n’a pas été sollicitée" pour participer à une action internationale, déclare un porte-parole du Quai d’Orsay. Ces affirmations sont largement tempérées par la présence de 2 navires français, le Protet et le Commandant Ducuing, en mer d’Oman à l’est du détroit d’Ormuz qui commande l’entrée du Golfe. Ces 2 bâtiments doivent être rejoints le 15 août par la frégate Dupleix, avec ses 220 hommes et armée notamment de missiles Exocet.

En bref :
   

Les Irakiens bloquent à la frontière irako-jordanienne plusieurs voitures transportant des diplomates américains qui se dirigeaient vers la capitale jordanienne.

Le soi-disant gouvernement provisoire du Koweït demande officiellement "à l'Irak et à son président d'accepter le retour des enfants du Koweït à leur grande famille". Saddam Hussein a dit oui à son gendre. Désormais, le Koweït, annexé par l'Irak, n'existe plus en tant qu'Etat, mais en tant que simple province irakienne.

Plusieurs pays européens, parmi lesquels la RFA, l'Espagne et l'Italie, accordent au gouvernement américain des facilités pour l'utilisation de bases militaires sur leur territoire.

Le Raïs irakien, qui règne en souverain absolu sur son peuple depuis 1979, a réussi son coup de force. Surnommé en Occident le "Boucher de Bagdad" pour avoir liquidé ses opposants et pour avoir tué avec des armes chimiques des milliers de Kurdes d'Irak, le dictateur est loin d'avoir obtenu son objectif le plus ambitieux : faire main basse sur les richesses pétrolières du Koweït, un Etat grand comme 2 fois la Corse. En effet, les émirs, qui gèrent de vastes gisements, ont placé depuis le début des années 60 quelque 100 milliards de dollars en titres et en biens, aux USA et en Europe.

Des soldats irakiens tirent sur un groupe d'environ 35 femmes qui manifestaient à Koweït-City contre l'annexion irakienne de leur pays. 2 femmes de 25 ans sont tuées ainsi que 2 adolescents de 13 et 16 ans, qui ont reçu respectivement une balle dans la tête et dans le coeur.

Ils ont dit :
 
Ils ont dit :

Moudar Badrane, Premier ministre jordanien : La Jordanie, après la proclamation mardi d’une "République du Koweït", à l’initiative de Bagdad, "ne reconnaîtra pas le régime républicain proclamé par ce gouvernement".
Hosni Moubarak, président de l'Egypte : "L’Irak subira un assaut massif. Une agression s’annonce. Elle risque d’être horrible et destructrice".
Bassam Abou-Charif, conseiller politique de Yasser Arafat, souligne la nécessité d’une "solution politique, car nous ne voulons pas de catastrophe", précisant qu’en ce qui concerne l’OLP, "si l’on veut être médiateur, il faut rester neutre". Il a réaffirmé que l’Irak a "certains droits qu’il faut respecter", mais qu’en même temps Bagdad devait "se retirer complètement du Koweït", ce dernier devant verser une indemnisation à l’Irak et lui louer les îles stratégiques de Warba et Bubiyan.
George Bush, président des Etats-Unis : "Comme ce fut le cas dans les années 30, nous voyons en Saddam Hussein un dictateur agressif qui menace ses voisins".
Abdallah al-Ahmar, secrétaire général-adjoint du parti Baas au pouvoir en Syrie réclame un retrait "immédiat et inconditionnel" des troupes irakiennes du Koweït, l’invasion étant "inadmissible comme moyen de régler les différends inter-arabes".

 

Le représentant libyen auprès de la Ligue arabe a, lors d’un entretien avec Chedli Klibi, son secrétaire général, déclaré que la présence américaine et occidentale dans le Golfe menace "non seulement la région, mais toute la nation arabe".
Boutros Boutros-Ghali, ministre égyptien des Affaires étrangères : Le conflit doit se règler "par des moyens pacifiques".
Jeannou Lacaze, ancien chef d’état-major de l'armée française : "La France ne peut pas, sauf à participer avec quelques coups de canon sur des objectifs marins (...), jouer un grand rôle militaire" dans la région (Quotidien français Le Figa- ro).

Lu dans la presse :

Quotidien soviétique La Krasnaia Zvezda : "La déclaration commune soviéto-américaine est un témoignage visible de la prise de conscience par les 2 pays de leur responsabilité particulière pour le destin de la paix". Mais "aucune question litigieuse, aussi compliquée soit-elle, ne justifie l’emploi de la force".
Radio officielle iranienne : "Une intervention militaire étrangère dans la crise du Golfe persique ne servira pas les intérêts des peuples de la région".
Bagdad
met en garde les pays arabes du Golfe contre toute facilité accordée "aux forces du mal".

 

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

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En vidéo


La crise du Golfe  (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 8 août 1990


Opération Bouclier du Désert (3 minutes)
TVNZ - Télévision néo-zélandaise (extrait en anglais) - 8 août 1990


Opération Bouclier du Désert (8 minutes)
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 8 août 1990


La crise du Golfe (7 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 8 août 1990


Allocution de George Bush en direct sur les télévisions
américaines (5 minutes - extrait 1)
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 8 août 1990


Allocution de George Bush en direct sur les télévisions
américaines (7 minutes - extrait 2)
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 8 août 1990


Editions spéciales sur les télévisions américaines (2 h 30 min)
NBC - ABC - CBS - Télévisions américaines (extrait en anglais) - 8 août 1990