vendredi 31 août 1990

Les soldats américains stationnés en Arabie Saoudite sont au nombre de 80.000, alors que la Grande-Bretagne annonce l'arrivée de sa 7ème brigade blindée en provenance d'Allemagne.

Rencontre Javier Perez de Cuellar - Tarek Aziz à Amman.
Javier Perez de Cuellar, secrétaire général de l'ONU, débute une mission de bons offices dans la crise du Golfe. Il rencontre Tarek Aziz, ministre irakien des Affaires étrangères, aujourd'hui à Amman. Cuellar répéte que son initiative entre dans le cadre des résolutions de l’ONU, ajoutant que sur ce point il ne peut "pas faire de concessions", mais, note-t-il, "je peux procéder à un échange de vues car je veux croire que le gouvernement irakien est aussi soucieux que nous d’arriver à une solution juste et définitive du problème". Rappelant qu’il est un homme "patient", le secrétaire général a déclare : "Si une volonté politique existe, on peut arriver à quelque chose". Il se dit prêt à revenir s’il le faut, "pourvu que je note au début qu’il y a suffisamment de bonne foi". Javier Perez de Cuellar envisage de poursuivre les discussions autant que nécessaire, précisant : "Je suis disponible". Il définit le chef de la diplomatie irakienne comme un "interlocuteur extrêmement valable". Tarek Aziz, à l’issue de la rencontre de la matinée, exprime "sa joie de rencontrer le secrétaire général de l'ONU", qu’il qualifie d’"ami de longue date" en qui "nous avons confiance". Selon lui, il reste "beaucoup de choses à discuter". Notamment de la crise des otages. "Si nous avons la garantie que les pays occidentaux n’attaqueront pas l’Irak, dit-il, alors, la situation des étrangers sera résolue." A son arrivée, le matin-même, à Amman, le ministre irakien s’était déclaré "optimiste" et naturellement prudent sur l’issue de ses entretiens. En début de soirée, Cuellar fait preuve de réalisme : "Tous les efforts doivent être faits pour trouver une solution, mais à l’évidence, une solution à un problème aussi délicat ne peut être trouvée en seulement quatre, cinq ou six heures de discussions."

Interview de Tarek Aziz dans Le Figaro : il faut gérer la crise entre Arabes.
Dans une interview publiée par le quotidien français Le Figaro, le ministre irakien des Affaires étrangères rappelle que lors de la guerre Iran-Irak, "quand la situation paraissait bloquée, le secrétaire général présentait aux 2 gouvernements des papiers et des notes. Cette méthode a permis de discuter malgré tout". Tarek Aziz estime "prématuré de dire qu’une solution arabe est impossible. Elle n’a pas eu sa chance. Il faut la lui donner". A la question de savoir si une telle solution devrait entériner l’annexion du Koweit par l’Irak, Aziz répond : "Il est prématuré de répondre à de telles questions". A propos de l’initiative de Yasser Arafat, le ministre de Bagdad répéte : "Ce qu’il faut, c’est une rencontre entre responsables arabes pour tenter de trouver une solution à la crise du Golfe." Il apprécie la situation actuelle comme "une croisade occidentale sans précédent depuis l’agression franco-anglo-israélienne contre l’Egypte en 1956, après la nationalisation du canal de Suez", précisant : "Cette situation est renforcée par l’absence de l’Union Soviétique". A propos de l’utilisation du terrorisme que Bagdad a rejeté (officiellement du moins depuis 1983), Tarek Aziz indique que l’attitude de l’Irak dépendrait "de celle du monde occidental. S’il nous déclare la guerre nos obligations à son égard tomberont. (..) Si on nous donne une chance de vivre en paix, nous ferons tout notre possible pour préserver des relations pacifiques entre notre nation et vos nations." Interrogé sur la possibilité de "sauver quelque chose des relations privilégiés qui existaient depuis 1974 entre l’Irak et la France", le ministre des Affaires étrangères répond : "Je n’ai jamais demandé à la France de se ranger à nos côtés dans l’affaire du Koweit. Mais nous pensions qu’elle se comporterait de manière différente des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne. Son attitude nous a choqués. C’est tout le passé impérialiste de la France qui est remonté à notre mémoire, alors que la politique proche-orientale de de Gaulle, de Pompidou, de Giscard d’Estaing et même, au début, de Mitterrand se différenciait clairement de celle de l’Amérique". Selon lui, le gouvernement français est en train "de commettre la plus grande erreur vis-à-vis du monde arabe depuis 1956".

Conférence de presse du général Schwarzkopf : une opération défensive.
Le général Norman Schwarzkoff est un homme d’expérience. Après avoir servi au Vietnam, il a commandé en second l’intervention américaine contre l’Ile de la Grenade. Aujourd’hui il est commandant en chef des forces américaines qui participent à l’opération Bouclier du Désert, en Arabie Saoudite. Le général donne aujourd'hui une conférence de presse à Dahran, après avoir inspecté les troupes déployées dans la région. "Elles sont, déclare-t-il, fières de ce qu’elles font et prêtes au combat". Interrogé sur le sens de leur mission, il la définit comme défensive : "Nous sommes là pour dissuader toute attaque et faire face si elle se produit. Nous n’attaquerons pas les premiers". Le commandant en chef explique, à propos de l’arrivée d’hommes et de matériels : "Le flot continue et il continuera : troupes de combat, munitions et intendance". Sur la durée de la présence américaine dans le pays, il refuse de s’engager : "Ce n’est pas mon business". Mais le général ajoute que, pour le cas où elle durerait longtemps : " Je me préoccupe du bien-être des hommes et de l’organisation de leurs loisirs". A la question : "Vous battez-vous pour le pétrole ?" Schwarzkoff répond : "Il y a eu un hold-up international au Koweit et face à un tel hold-up, on ne peut pas rester inactif". S’affirmant "suprêmement confiant" dans les armes dont il dispose, le commandant en chef américain conclut : "Je suis chaque jour moins inquiet car je deviens chaque jour plus fort".

En bref :
   


Après un appel lancé par George Bush pour un partage du "coût" de la crise dans le Golfe, la CEE promet une contribution de l'ordre de plusieurs milliards de dollars.

Le roi Hussein de Jordanie est arrivé à Londres pour rencontrer Margaret Thatcher, tandis que le Secrétaire au Foreign Office s’envole pour une tournée de 6 jours dans le Golfe.

Yasser Arafat est arrivé vendredi en Libye et a été reçu par le colonel Khadafi qui, selon l’agence JANA, devrait annoncer aujourd’hui "une initiative pour résoudre pacifiquement la crise du Golfe".

La Jordanie, frappée par l’embargo décrété contre l’Irak, a décidé de supprimer à partir d’aujourd’hui la plupart des subventions gouvernementales aux produits alimentaires. Les prix du riz, du sucre et du lait vont donc grimper. Le pain reste subventionné. Des cartes devraient être distribuées aux familles les plus pauvres afin de leur permettre de bénéficier de prix spéciaux.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Capitaine Jay Yakeley, commandant d'aviation sur le porte-avions américain USS Independence : "En un jour, il sera décimé. Ce sera terminé en un jour" (Quotidien américain New York Times).
Amiral Lacoste, de l'armée française : "Dans cette situation, il y a 2 schémas : ou bien on agit vite, et c’est peut-être ce qui va se passer dans les jours qui viennent, ou bien on entreprend de durer. La deuxième option ayant l’avantage de sauver les otages" (Radio française Europe 1).
Guenadi Guerassimov, porte-parole du ministère des Affaires étrangères soviétique : Le "seul moyen" de résoudre la crise du Golfe est de demander aux pays arabes de s’en charger. Il juge nécessaire "d’exercer des pressions supplémentaires sur les Arabes pour les amener à rétablir la paix dans leur famille".
George Bush, président des Etats-Unis, répondant à l'invitation de Saddam Hussein de débattre de la crise à la télévision : "Pour ce qui me concerne, il peut compter sur une chaise vide".
Jean François-Poncet, ancien ministre français des Affaires étrangères : Il faut "veiller à ce que l’issue du conflit du Golfe permette d’éliminer Saddam Hussein car je le préfère en martyr plutôt qu’en hé- ros".

 

Quotidien français Le Monde, à proposdu partage du coût du Bouclier du Désert :"C’est la vieille idée du partage du fardeau, caressée depuis des lustres à propos de la défense de l’Europe, mais appliquée cette fois avec un objectif plus limité : la préservation d’un ordre acceptable pour l’occident au Proche Orient".

Sondage :

Sondage CSA - Sud Ouest : 75% des Français sont favorables à un compromis avec l’Irak pour dénouer la crise, contre 22% qui rejettent cette option. Ils sont 64% à condamner toute initiative américaine contre l’Irak si elle était décidée sans l’accord de l'ONU. 75% sont opposés à tout bombardement d’objectifs stratégiques en Irak et 60% pensent qu’aucun Français ne doit mourir pour Koweit-city.

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

Gallerie de photos
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En vidéo


L'attente de la libération des otages (25 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 31 août 1990


La crise du Golfe (14 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 31 août 1990