mardi 7 août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite.
Non content de n'avoir fait qu'une bouchée du Koweït et de l'avoir officiellement annexé, Saddam Hussein désormais, menace directement l'Arabie Saoudite. L'alerte a été donnée par les satellites espions du Pentagone qui, survolant le Golfe, ont photographié 4 divisions irakiennes, soit environ 70.000 hommes, appuyées par des blindés, en train de foncer vers la frontière entre le Koweït et l'Arabie Saoudite.

Les Etats-Unis lancent l'opération Bouclier du Désert.
Informé dans la nuit de ces mouvements de troupes irakiens, George Bush, arguant d'une "menace irakienne imminente" contre les "intérêts vitaux de l'Occident", vient d'ordonner l'envoi dans la région de forces navales, terrestres et aériennes, dont la célèbre 82ème division aéroportée qui se distingua en 1944 en Normandie. "Nous ne sommes pas en guerre, a-t-il annoncé ce matin à ses concitoyens, mais nous avons tracé une ligne dans le sable. Cette ligne, Saddam Hussein la franchira à ses risques et périls." L'Espagne, l'Italie et l'Allemagne garantissent le ravitaillement et la logistique du corps expéditionnaire américain

Saddam Hussein répond au déploiement américain dans le Golfe.
Le président irakien justifie, dans un discours télévisé retransmis dans le monde entier, l'invasion du Koweït. D'après lui, cette invasion met fin à "un partage colonial" qui avait "donné la richesse à une minorité" et laissé une "majorité sans richesse". Cette intervention serait également la conséquence de la "victoire" irakienne sur l'Iran... Des propos qui ne semblent pas convaincre la communauté internationale...

Interview du représentant à Paris de la Ligue Arabe sur RTL : régler la crise entre pays arabes.
Hamadi Essid regrette que l’on crée "en Occident une atmosphère de pré-troisième guerre mondiale". "Ce matin, ajoute-t-il sur la radio française, j’entendais sur les radios françaises parler de kidnapping, de futurs otages occidentaux, alors qu’un ambassadeur français disait qu’il s’agissait simplement d’évacuer des Occidentaux par Bagdad pour leur permettre de rentrer chez eux. Je ne pense pas que cet effort médiatique pour faire peur aux Occidentaux soit de nature à contribuer à la solution du problème... Les Arabes sont en train d’essayer de trouver un moyen de discuter avec l’Irak pour l’amener à accepter le retour au statu-quo ante. A partir de cela, on peut reprendre des négociations qui ont été brutalement interrompues entre Bagdad et Koweit. Qu’est-ce qui va se passer ? Cela va dépendre aussi de la nature de la réaction occidentale, si elle reste dans les limites raisonnables, je crois que cela pourrait contribuer à améliorer l’atmosphère". Interrogé sur "le silence de l’Arabie saoudite", Hamadi Essid estime qu’il ne faut pas confondre silence et refus d’accepter de servir de base pour une attaque de l’Irak par les USA. "Les Etats-Unis, précise-t-il, c’est un pays étranger, qui ne jouit pas particulièrement de la confiance des pays de la région étant donné son attitude habituelle vis à vis d’autres excursions et incursions d’Israël. Autrement l’Arabie Saoudite n’est pas du tout silencieuse. Elle a conduit au Caire il y a 3 jours cette condamnation de l’Irak pour l’invasion du Koweit". "Toute intervention étrangère, ajoute-t-il, ne pourra que jeter de l’huile sur le feu et conduire très probablement à une nouvelle explosion de la région. Les pays arabes sont d’accord sur un seul point, c’est que toute ingérence étrangère de quelque nature qu’elle soit, risque justement de mener vers l’effet contraire, c’est-à-dire vers la radicalisation de l’Irak et rendre encore plus difficile toute possibilité de solution du problème."

Libération des premiers otages.
Un avion en provenance de Bagdad atterrit à Amman avec à son bord les premiers otages libérés : 73 touristes japonais et d'autres étrangers. Selon le département d'Etat américain, 39 Américains sont toujours retenus dans un hôtel de Bagdad. 12 d'entre eux ont été arrêtés hier au Koweït. Pourtant, les autorités irakiennes se veulent rassurantes. Elles expliquent en effet au chargé d'Affaires français à Bagdad, André Janier, que tous les étrangers bloqués au Koweït pourraient partir dès la réouverture de l'espace aérien, "dans quelques jours"...

 La présence américaine dans le Golfe s'intensifie.
Le porte-avions Saratoga, le croiseur Wisconsin et le porte-hélicoptères Inchon quittent les USA pour le Golfe. Le porte-avions Eisenhower basé en Méditerranée fait route vers la Mer d'Arabie via le canal de Suez, avec l'autorisation de l'Egypte. Pendant ce temps, le porte-avions américain Independence, accompagné de 8 navires escorteurs et de 4 bâtiments auxiliaires, arrive en mer d'Oman, à l'entrée du Golfe. Ses appareils sont à portée des objectifs irakiens au Koweït...

En France, hausse inquiétante du prix de l'essence.
Pour faire face à la hausse inquiétante du prix de l'essence due à la crise du Golfe, Pierre Bérégovoy, ministre français des Finances, annonce qu'il va plafonner par décret "les prix de l'ensemble des produits pétroliers, en particulier l'essence vendue à la pompe". Son objectif est d'éviter d'éventuels "dérapages" et protéger les consommateurs contre des prix abusifs. Cette mesure est exceptionnelle : c'est la 2ème fois depuis 1986 que l'Etat fixe ainsi des prix plafonds. Cette mesure est seulement provisoire, de nouvelles hausses des prix de l'essence sont donc à craindre dans les prochaines semaines...

En bref :
   

Le gouvernement belge décide le rapatriement immédiat de 50 de ses ressortissants en poste en Irak et au Koweït, et renforce ses dispositions à l'encontre de l'Irak, comme le demandent la CEE et l'ONU.

Moscou appelle Washington à la prudence, estimant que les pays arabes pourraient se retourner contre eux en cas d'intervention militaire.

La frégate française Dupleix franchit le Canal de Suez (Egypte) et fait route vers le Golfe où elle doit rejoindre 2 avisos de la Marine française déjà sur place.

L'Arabie Saoudite ferme l'oléoduc passant par son territoire, qui amène le pétrole irakien jusqu'à la mer Rouge. Le roi Fahd a ainsi cédé aux exigences américaines, quand Dick Cheney lui a demandé de choisir son camp.

La Turquie décide à son tour de fermer le 2ème oléoduc irakien passant sur son territoire. Le 1er a été fermé il y a 2 jours par les Irakiens eux-mêmes. Elle a décidé d'appliquer à la lettre toutes les décisions de l'ONU concernant les sanctions de l'Irak.

 "On y va" titre aujourd'hui le New York Post. Les premiers soldats américains du Bouclier du Désert arrivent en effet en Arabie Saoudite, essentiellement autour de Dharhan, la zone pétrolière de la côte Est. Le contingent américain est surtout composé de parachutistes de la 82ème Airborne. Près de 5.000 soldats ont déjà été amenés d'Amérique par des avions de transport C-5A Galaxy, et 140 F-15 et F-16 ont décollé des USA à destination de l'Arabie.

Pour la première fois de son histoire, la Suisse décide, malgré sa légendaire neutralité, d'appliquer toutes les sanctions de l'ONU contre l'Irak.

L'URSS annonce que tous ses ressortissants devraient être prochainement évacués par mer sur Dubaï.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Général Leborgne, de l'armée française, qualifie l'Irak de "première puissance militaire du Proche-Orient (...) non seulement par l'abondance des hommes et des matériels (...) mais encore par l'expérience et le moral que cette armée a acquis dans sa guerre avec l'Iran".

  Quotidien français L'Humanité : "Il faut rendre cette justice à Saddam Hussein : ce n’est pas lui qui a inventé la chasse aux communistes en Irak. Elle avait commencé (...) avant son arrivée au pouvoir, en 1963 après l’assassinat de Kassem. Des milliers de communistes et de démocrates furent alors tués ou torturés, pendant les quelques mois de pouvoir du Baas."
Quotidien soviétique La Pravda : Les sanctions décidées par l’URSS fournissent une "indication du niveau de l’isolement international dans lequel se trouve Bagdad. (...) En tenant compte des bonnes relations qui ont prévalu pendant des années (avec l’Irak), l’adoption de telles sanctions ne fut pas simple pour nous. Aux périodes les plus difficiles pour l’Irak, nous étions à ses côtés", poursuit le quotidien. Mais "une chose est de participer à la défense (d’un pays), une autre de participer au brigandage". Et de se demander si l’on a "soigneusement évalué à Bagdad les coûts énormes" qui résulteraient de cette "mesure aventuriste" qui pourrait être "une victoire à la Pyrrhus".

 

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

Gallerie de photos
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En vidéo


Opération Bouclier du Désert (8 minutes)
TVNZ - Télévision néo-zélandaise (extrait - en anglais) - 7 août 1990


La crise du Golfe  (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 7 août 1990