vendredi 3 août 1990

Réactions internationales après l'invasion.
La solidarité internationale commence à se mettre en place. De nouvelles réactions sont intervenues depuis l'invasion, sur le plan international, notamment la condamnation prononcée par Cuba, demandant que la souveraineté du Koweit soit rétablie "de toute urgence". Le Venezuela, pays producteur de pétrole, a annoncé qu’il envisageait de se retirer de l’OPEP si ce cartel pétrolier tombait sous contrôle irakien. Caracas pourrait ainsi, sans entraves, augmenter sa production et fixer lui-même ses prix. Le Conseil ministériel de la Ligue Arabe condamne l'agression des troupes irakiennes par 14 voix pour et 4 contre (OLP, Jordanie, Yemen, Soudan). La Libye et l'Irak étaient absentes des discussions. Les chefs de la diplomatie américaine et soviétique, James Baker et Edouard Chevardnadze, appellent tous les pays à suspendre les livraisons d'armes à l'Irak. Le gel des avoirs koweitiens est décidé dans de nombreux pays afin qu’ils ne tombent pas entre des mains irakiennes. Cette décision est prise par les USA, la Grande-Bretagne, la France, la RFA, le Japon, l’Italie et la Belgique. Mais pas l’Espagne. En réaction, Bagdad décide de suspendre le paiement de sa dette à l’égard des USA.

L'avancée irakienne au Koweït.
Les forces irakiennes poursuivent leur avancée dans l'émirat dévasté, en direction du port pétrolier d'al-Ahmadi, au sud de la capitale. Les nombreux bombardements provoquent de violents incendies. L’armée irakienne a multiplié l’envoi de renforts, en chars et transports de troupes, dans cette région où, selon des témoins en début d’après-midi, la résistance koweitienne faiblissait. Les combats se sont rapprochés de la grande raffinerie de Mina Abdallah.

Les Etats-Unis s'inquiètent de la situation dans le Golfe.
Des ressortissants étrangers travaillant dans l’émirat, seul est préoccupant le sort d’Américains, techniciens du pétrole, qui auraient été arrêtés par les Irakiens : 3 selon l’ambassade, 9 selon Washington. Georges Bush a évoqué, à ce sujet, une possible "dramatisation" de la crise. Il rencontrait Margaret Thatcher à Aspen (Colorado). Tous deux ont donné jeudi soir une conférence de presse au cours de laquelle ils ont insisté sur l’éventualité d’une "action supplémentaire" que pourrait engager l’ONU, dont le Conseil de sécurité avait, le matin même, condamné l’agression. Le premier ministre britannique a invoqué le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies, relatif aux inititatives militaires de l’organisation. Côté américain, on affirmait "qu’une action militaire n’était pas écartée mais (que l’on) ne la privilégiait pas non plus". George Bush a indiqué, personnellement : "Nous n’excluons aucune option". A l’instar de Washington, dont le porte-avions Independance cingle vers le Golfe pour y renforcer la présence de l’US Navy, Paris aura un aviso de plus dans la région, a indiqué vendredi à la radio française RTL le ministre français de l’Economie Pierre Bérégovoy.

Premier bilan au Koweït occupé. Le mystère demeure sur le "gouvernement provisoire du Koweit libre" installé par Saddam Hussein, après la déposition de l’émir Jaber, la saisie de ses biens et de ceux de sa famille, la dissolution des corps constitués. Une radio émettant en son nom se partageait encore les ondes avec la radio de l’Etat koweitien, repliée dans un pays voisin et appelant à la résistance. Si les combats continuent, un nouvel ordre s’installe, et le bilan de la guerre éclair est connu : de 100 à 200 morts, dont celle du frère de l’émir, tué en défendant le palais, jeudi matin. Les 7 quotidiens du pays ne paraissent pas aujourd'hui, l’agence officielle KUNA, rapidement tombée aux mains de l’ennemi, n’a publié aucune information. Les communications téléphoniques avec les pays voisins sont devenues de plus en plus difficiles. Paradoxalement, alors que l'invasion du Koweït fait la une des médias du monde entier, les Koweïtiens semblent être les moins bien informés sur la situation de leur propre pays...

Amnesty International accuse l'Irak et le Koweït de bafouer les droits de l'Homme.
Amnesty International rencontre le gouvernement irakien pour défendre les exilés irakiens réfugiés au Koweït et dont les arrestations ont été signalées après l'invasion. L'Organisation craint pour leur vie car ils risquent d'être exécutés ou torturés en Irak. De plus, selon cette ONG, "des milliers de prisonniers politiques, dont des prisonniers d’opinion sont toujours détenus en Irak. La plupart sont détenus sans inculpation ni jugement, ou emprisonnés après des procès inéquitables. La torture des prisonniers politiques est largement répandue", constate l’organisation internationale qui ajoute qu’elle reçoit régulièrement "des informations à propos d’exécutions et d’assassinats sommaires, 2 ans après la fin du conflit avec l’Iran." Amnesty indique d’autre part que "des centaines de Kurdes irakiens ont « disparu », d’autres ont été exécutés après s’être rendus aux autorités irakiennes après l’annonce d’amnisties (...). Des milliers de Kurdes avaient quitté l’Irak en août 1988 pour fuir les attaques aux armes chimiques menées par les troupes irakiennes. On estime à 27.500 le nombre de réfugiés kurdes qui restent dans les trois camps de réfugiés au sud-est de la Turquie, sans aucune protection légale. Ces réfugiés risquent d’être rapatriés de force vers l’Irak". Au Koweit, "des personnes suspectées d’être des opposants au gouvernement sont emprisonnées. Dans la plupart des cas, elles ont été condamnées par la Cour de sécurité de l’Etat, après des procès inéquitables. Des détenus auraient été aussi torturés lors de leur détention en 1989 et 1990. Au moins 40 Koweitiens ont été arrêtés et détenus entre septembre et mai 1990."

Rumeurs de retrait du Koweït.
Les agences de presse internationales annoncent dans la nuit que Bagdad aurait préparé un plan pour "amorcer le début du retrait des troupes irakiennes du Koweit dimanche, à moins que n’existe une menace pour la sécurité de l’émirat et de l’Irak". Selon les agences Reuter et AFP, "un plan a été tracé" pour cette évacuation qui débuterait dès dimanche. Le porte-parole du gouvernement irakien soulignait : "Ce retrait ne signifie pas que nous répondions aux appels de rhétorique entendus ici et là. Nous le faisons, a-t-il poursuivi, en accord avec nos principes."

Le sort des Occidentaux retenus en Irak et au Koweït.
Sur les 600 ressortissants français résidant au Koweït et enregistrés auprès de l'ambassade de France de Koweït-City, près de 250 seraient pour l'heure pris en otages. Les autres, dont l'ambassadeur de France lui-même, étaient partis en vacances. Richard Boucher, porte-parole du département d’Etat, a annoncé que 14 Américains qui travaillaient dans les champs pétroliers au Koweit, près de la frontière irakienne, sont "portés disparus" et "nous pensons qu’ils sont sous le contrôle des Irakiens", a-t-il ajouté. Désormais, le sort incertain de tous les otages provoque l'inquiétude de l'Occident.

La Ligue Arabe divisée.
Les pays membres du Conseil de Coopération du Golfe (Arabie Saoudite, Barhein, Oman, Qatar, Emirats Arabes Unis, dont le Koweit, également membre, était censé attendre assistance et protection) sont sortis de leur silence embarrassé. Le conseil a condamné dans un communiqué publié au Caire "la sauvage agression israélienne contre le Koweit" et réclame le retrait inconditionnel des troupes irakiennes sur les positions qu’elles occupaient avant le 1er août. A peu près au même moment, la Ligue arabe adoptait également une résolution condamnant "l’agression irakienne". Le texte, qui demande aussi le retrait des troupes et la convocation d’un sommet arabe extraordinaire n’a cependant été voté que par 13 pays sur 21. L’Irak, concerné, n’avait pas le droit de prendre part au vote. 4 pays ont voté contre (Jordanie, Palestine, Soudan et Yemen). La Mauritanie s’est abstenue. La Libye et Djibouti n’ont pas pris part au vote. Un vote qui confirme la profonde division dans laquelle l’intervention irakienne a plongé le monde arabe.

En bref :
   

Les USA informent leurs alliés de l'OTAN qu'ils envisagent "une large gamme d'éventualités" pour le cas où l'Irak étendrait ses incursions au-delà du Koweït.

En France, le prix de l'essence fait un bond exceptionnel. "Le litre de super m'a été livré à 21 centimes (0,03 €) de plus que la veille" explique un pompiste de Toulouse. Chez certains de ses confrères, la hausse est de 34 centimes (0,06 €).

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Edouard Chevardnadze, ministre des Affaires étrangères de l'URSS : "Nous sommes sûrs que l'Irak retirera ses troupes, nous l'espérons".

George Bush, président des Etats-Unis : "Que Saddam Hussein commence tout de suite l'évacuation du Koweït".

  Agence britannique Reuter : Edouard Chevardnadze aurait déclaré avant la publication de la déclaration américano-soviétique : "Nous avons eu des contacts à divers niveaux et reçu l’assurance que très bientôt les Irakiens retireraient leurs soldats."
Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit :
l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

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En vidéo


20 ans après la guerre du Golfe, un Koweïtien recherche ses amis
d'enfance disparus pendant l'occupation irakienne (48 minutes)
Al Jazeera - Télévision qatarie (extrait en anglais) - 2010


Le gel des avoirs koweïtiens (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 3 août 1990