mardi 28 août 1990

Le Koweït devient une province irakienne.
Saddam Hussein récidive et tient à mettre les points sur les "i". Par décret, le Koweït, envahi le 2 août, est relégué au rang de 19ème province d'Irak. Le Raïs a divisé le territoire conquis en 3 cantons. La capitale est rebaptisée Kadhima, nom qu'elle portait sous l'Empire Ottoman. Toute la partie nord de l'émirat, qui comprend les 2 vastes champs pétrolifères de Rumaylah et Zabair, est rattachée à la province irakienne de Bassorah. La création d'une nouvelle zone frontalière a permis au Raïs de satisfaire sa mégalomanie et d'inscrire son prénom sur la carte : cette partie s'appelle désormais Saddamiyat al-Matlaa.

Départ du Clemenceau pour le Golfe.
Après 5 jours d'escale à Djibouti (pour permettre l'accoutumance des marins français au climat du Golfe), le porte-avions français Clemenceau, le croiseur lance-missile Colbert et le pétrolier-ravitailleur Var appareillent pour le Golfe d'Oman. Selon l'envoyé spécial de la chaîne de télévision française TF1, la force héliportée française ne dispose pas de couverture aérienne nationale et dépend donc entièrement de la protection américaine. "Notre pays est désormais aligné sur les Américains", précise le journaliste.

Conférence de presse de chef de l'armée saoudienne : l'Irak visait l'Arabie.
Le prince Khaled, commandant en chef des forces armées saoudiennes actuellement déployées au nord du pays, affirme dans une conférence de presse que ce n’est pas le Koweït mais l’Arabie Saoudite que visait Saddam Hussein en lançant son offensive. Il en donne pour preuve le nombre de divisions engagées dans la bataille (7 en tout), alors que selon lui, 2 suffisaient largement pour s’emparer du Koweït. Et le général Khaled de conclure : "Dans ces conditions, le roi était en droit de faire appel à ses alliés."

Conférence de presse de Li Peng : la crise du Golfe due à la fin de la Guerre froide.
Li Peng, Premier ministre chinois, estime que la rapprochement entre les USA et l’URSS ont contribué indirectement à la crise dans le Golfe, selon l’agence Chine nouvelle. "La crise du Golfe a montré que l’harmonie existant entre les Etats avait été rompue à la suite de l’amélioration des relations entre les Etats-Unis et l’URSS", déclare Li Peng. "Le relâchement de la tension entre les 2 pays n’a pas contribué à garantir la paix et la stabilité dans le monde... devenu un lieu encore plus en butte aux troubles." Le chef du gouvernement chinois, faisant état du déploiement des forces militaires dans le Golfe, a mis en garde contre la possibilité de l’éclatement d’un conflit armé ou "le pourrissement à long terme" de la crise dans la région.

Un navire français dérouté pour cause d'embargo.
A Londres, les compagnies d’assurance maritime Lloyds annoncent que la marine de guerre américaine a intercepté 3 navires à l’entrée du port d’Aqaba dans la mer Rouge. Ce port jordanien est considéré par George Bush comme un point capital dans sa stratégie d’asphyxie économique de l’Irak. Parmi les bâtiments stoppés, le Paris, un cargo français appartenant à la CGM, aurait été contraint de rebrousser chemin. Une information démentie "formellement" par le président de la Compagnie générale maritime. Il reste que de jour en jour la tension monte et que la formidable armada qui croise dans le golfe multiplie les risques d’incidents.

En bref :
   

Le pasteur américain Jesse Jackson va se rendre à Bagdad afin d’y interviewer Saddam Hussein pour le compte de l’émission télévisée Inside Edition. L’ancien candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle a indiqué qu’il tenterait de discuter avec le Raïs du sort des otages américain.

5.000 soldats pakistanais doivent prochainement rejoindre l’Arabie Saoudite. Ce contingent sera placé sous commandement saoudien. La décision, intervenue après le limogeage du Premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto, fait l’objet de critiques dans le pays. L’Arabie Saoudite est, aux côtés des USA, l’un des principaux fournisseurs d’armes aux rebelles afghans.

Une délégation de 6 parlementaires français, conduite par Jean-Michel Boucheron, président de la commission de Défense et des forces armées de l’Assemblée nationale, arrive à Djibouti pour une mission d’information et de consultations de 24h.

Un groupe de sénateurs américains en tournée dans le Golfe, dont Sam Nunn, chef des Républicains, demande aux autorités égyptiennes d’envoyer davantage de chars et de troupes en Arabie Saoudite.

A la demande de Washington, le Japon envisage d’affréter des avions-cargo civils pour acheminer au Moyen-Orient du matériel et du personnel militaire américains afin de renforcer la force multinationale.

L'agence de presse britannique Reuters, qui cite "un responsable américain ayant requis l’anonymat", révèle que pour la première fois depuis la guerre du Vietnam, les USA utiliseraient secrètement une base en Thaïlande pour le transport de renforts militaires.

Des centaines d’Américains manifestent à San Francisco, devant le siège de la compagnie pétrolière Chevron, contre l’intervention militaire au Proche-Orient.

Washington expulse 36 employés de l'ambassade d'Irak et restreint les déplacements des 19 personnes restées en poste. L'URSS considère que l’expulsion d’une partie des membres de cette ambassade "complique la solution" de la crise du Golfe, explique Guennadi Guerassimov, porte-parole du ministère soviétique des Affaires étrangères.

Les diplomates marocains sont évacués du Koweït vers Bagdad sous la menace.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

 François Mitterrand, président de la France : "Il ne peut y avoir d'arrangement dans l'acceptation du manquement au droit".
Saddam Hussein, président de l'Irak : "Les étrangers retenus sont les invités de l'Irak pour un certain temps afin d'éviter une guerre. Je suis prêt maintenant, vraiment prêt, à des entretiens directs, à un dialogue".
Abdallah Bichara, secrétaire général du Conseil de coopération du Golfe : "Seule la politique de force peut faire plier Saddam Hussein (...). Il n’y a plus de solution arabe possible. Ce ne sont-là que des paroles et une façon d’aider Saddam Hussein en lui donnant du temps."
Hosni Sciyyab, député jordanien : "Le Koweït n’existe pas, ajoute le parlementaire, c’est une création artificielle de l’Occident. Tous ces émirats du Golfe ont été instaurés pour que les intérêts de l’Ouest soient garantis par ces régimes sans assise populaire" (Quotidien français Le Figaro).
Mgr Jacques Delaporte, archevêque de Cambrai : "L’invasion militaire d’un pays par un autre (..) est un acte de piraterie". La communauté internationale "l’a compris ainsi. Elle a mis l’Irak au ban des nations. On peut s’interroger néanmoins sur son silence en d’autres circonstances analogues".

 

Quotidien soviétique La Pravda : "Ça sent la poudre (...) Bagdad continue de passer outre aux résolutions de l’ONU qui a condamné ses actions envers les citoyens étrangers. Cela ne fait qu’aggraver une situation déjà tendue ».
Quotidien soviétique Izvestia : "Ce n’est pas la guerre, mais ce n’est pas non plus la paix".
Hebdomadaire saoudien Al Yamamah : "Ce pays était un désert. Nous avons mis 30 ans à essayer de le construire mais nous savons que tout peut être détruit en 2 ou 3 jours. Aussi, ne souhaitons-nous pas la guerre, même si, ces jours-ci, nous entendons ce mot dans toutes les bouches" .
Agence soviétique Tass : "Les diplomates arabes tentent désespérément de sauver la situation et de trouver une solution pacifique à la crise."
Quotidien soviétique Troud : "Pourquoi chercher ainsi des arrière-pensées qui nous rappellent les réactions d’adversaires du temps passé de la guerre froide ? "

Chronologie des événements - août 1990

L'Irak menace l'Arabie Saoudite. La communauté internationale réagit : l'ONU condamne l'invasion et les Américains déclenchent l'opération Bouclier du désert. L'Irak répond en prenant plusieurs milliers d'Occidentaux en otages.

L'ONU décrète un embargo contre l'Irak alors que la coalition anti-irakienne se construit. Alors que les USA renforcent leurs troupes dans le Golfe, la Ligue Arabe s'oppose à l'Irak.

En Irak et au Koweït occupé, les otages deviennent boucliers humains, provoquant l'inquiétude du monde entier. De son côté, l'armée irakienne assiège les ambassades occidentales au Koweït. L'ONU renforce donc l'embargo et autorise le recours à la force pour le faire respecter.

Le Koweït devient une province de l'Irak. Des personnalités occidentales se rendent à Bagdad. L'ONU et l'URSS tentent des médiations. En signe de bienveillance, l'Irak libère quelques otages.

 

septembre 1990

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En vidéo


L'annexion du Koweït  (25  minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 28 août 1990


La crise du Golfe (14 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 27 août 1990


Chansons occidentales et propagande irakienne (10 minutes)
Radio-Bagdad - Radio irakienne (extrait en anglais) - 28 août 1990