mardi 11 septembre 1990

 

Interview du ministre algérien de la Défense à APS : pour une défense commune des pays arabes.
"On peut craindre, et les concentrations de forces dans le Golfe le prouvent, que la fin de la guerre froide va réveiller ou raviver l’interventionnisme militaire", déclare le général Khaled Nezzar, ministre de la Défense algérien, dans une interview à l’agence officielle APS, la première jamais accordée par un titulaire de ce poste depuis l’indépendance du pays en 1962. "Face à ce danger, il revient à des pays comme l’Algérie de consentir davantage d’efforts en matière de préparation à la défense nationale", poursuit le général qui salue l’avènement de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) qui regroupe 5 pays : Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Libye. Selon lui, la création de l’UMA "nous conduit à rechercher une complémentarité pouvant déboucher sur une politique commune de défense, comme parade au prétendu "droit à l’intervention" brandi ces dernières années", ajoute Nezzar.

Conférence de presse du ministre irakien de l'Information : les Américains perdront la guerre.
Après une introduction reprenant les termes de "la grande initiative" d'offrir le pétrole irakien aux pays pauvres, le ministre irakien de l'Information et de la Culture, vêtu d’une impeccable tenue vert olive taillée sur mesure, condamne l’invasion américaine de "la Terre sacrée" des Arabes et des Musulmans. Si les Américains attaquent l’Irak, affirme Latif Nsayef Djassem, ils seront vaincus. "Nous sommes supérieurs et nous avons le moral. Notre peuple est mobilisé. Nous avons réuni un total de 5 millions de volontaires. Et nous sommes prêts à la confrontation. En tout état de cause, nous ne serons pas les premiers à attaquer". Il reprend l’argument selon lequel le Koweit "a rejoint l’Irak pour terre", après en avoir été séparé par les colonialistes britanniques. Ayant repris la justification officielle de l’invasion, le ministre ajoute : "La crise peut être résolue si nous recevons de fortes garanties du Conseil de Sécurité" qu’il n’y aura pas d’agression contre l’Irak. Mais pour l’instant Bagdad demeure intransigeant sur la raison qui a fait l’unanimité au Conseil de Sécurité en faveur d’un embargo. Latif Nsayef Djassem répondant brièvement aux questions de la presse internationale commente ensuite les résultats des entretiens Bush-Gorbatchev, estimant qu’il n’y a "rien de nouveau dans ces conclusions (...) Juste la reprise des résolutions du Conseil de Sécurité (....) La seule chose positive est l’affirmation d’une solution politique". "C’est une attitude positive, poursuit-il, et nous sommes également pour une solution politique". Saddam Hussein l’avait proposé le 12 août dernier et, ajoute son ministre, "ce n’était pas un appel à la guerre mais un appel à la paix".

Arrestation de Français à Bagdad.
A l’hôtel Menial Mansour, les policiers d’un service spécial vient chercher les 2 derniers Français "hôtes du président" pour les emmener sur des sites qui pourraient être bombardés par l’aviation américaine. Ils sont désormais 19, dont 2 femmes qui ont refusé d’être séparées de leur mari, parmi plusieurs centaines d’étrangers raflés au Koweit. Des rafles qui peuvent fournir dans des jours prochains de nouveaux "hôtes" au building moderne du Menial Mansour, gardé militairement et impossible à approcher.

Interview de l'évêque de Poitiers dans La Croix : non à la logique de force.
Dans une interview au quotidien catholique français, Mgr Joseph Rozier, évêque de Poitiers et président de la section française de Pax Christi, déclare : "Une logique de guerre conduit à une logique de mort". Appelant à l’arrêt des ventes d’armes françaises, il ajoute : "On ne peut à la fois contribuer à nourrir la racine des guerres que l’on dénonce par la suite (...) Avec d’autres les chrétiens doivent militer activement pour une reconversion des industries de mort. Je ne conteste pas à un pays comme la France le droit de fabriquer des armes pour sa propre défense. Mais nous devons cesser d’en faire un commerce et une source de profit." Mgr Rozier indique encore : "Le chrétien est celui qui, tout espoir perdu, cherche encore et toujours à ne pas se contenter d’une logique de force."

Polémique aux Etats-Unis sur le coût des opérations militaires.
Le Sénat américain est très mécontent de certains Alliés. Dans une résolution adoptée hier, les membres de la Haute assemblée ont mis en garde les pays (dont l’Allemagne et le Japon) qui ne contribueraient pas suffisamment à l’effort contre l’Irak. Ils ont menacé ces Etats "d’une possible détérioration" de leurs relations avec Washington. S’adressant au Président en personne (à qui ils demandent de présenter, avant le 30 novembre, un rapport "détaillé" sur le partage international du coût de la crise), les sénateurs semblent conseiller à George Bush, plus de fermeté pour faire payer l’addition aux amis de la Maison-Blanche. Selon l’agence de presse américaine Associated Press, ce texte illustre le "soucis" des élus de répondre à un électorat inquiet des trop fortes dépenses engagées dans l’opération Bouclier du Désert. Une intention louable mais qui peut aussi recouvrir le projet d’impliquer plus encore certains gouvernements jusque là réticent, voir de faire pression sur des Etats économiquement concurrents des USA. De son côté, James Baker indique que les 6 pays de l’OTAN se sont déclarés, juste après le "succès" de la rencontre d’Helsinki, disposés à fournir des navires et des avions civils pour acheminer des renforts vers le Golfe. Il propose également que certaines forces navales et des avions-radars à la disposition de l’OTAN soient redéployés pour resserrer l’étau autour des troupes de Saddam Hussein. Cet organisme militaire créé en 1949 au début de la guerre froide est actuellement dirigé par le général américain Galvin. Le secrétaire d’Etat américain annonce aussi qu’il se rendra prochainement en Syrie pour coordonner les efforts contre l’Irak avec le président Haffez el-Assad. Reconnaissant d’importantes divergences avec le président Syrien (considéré par Washington comme l’un des dirigeants arabes les plus extrémistes), Baker estime que "ces différences" peuvent s’estomper et que les 2 gouvernements partagent, dans la crise du Golfe, "les mêmes objectifs". Après "le succès inestimable d’Helsinki", selon les propres termes de Bush, le président américain s’est entretenu au téléphone avec les chefs d’Etat ou de gouvernement de 5 pays (France, Egypte, Turquie, Arabie Saoudite et Canada). Dans un communiqué, la Maison-Blanche a indiqué que lors de ces conversations, Bush avait souligné "le caractère historique du communiqué conjoint publié à l’issue de sa rencontre avec Mikhaïl Gorbatchev". Probablement pour préciser à ses interlocuteurs alliés le chemin à suivre. Une chose est certaine, la cohésion affichée des 2 super-puissances lors de leur sommet n’a pas laissé indifférents les marchés financiers internationaux. Selon l’agence britannique Reuter, les opérateurs boursiers ont, dès lundi matin, retrouvés le sourire...

En bref :
   

Les événements se précipitent chaque jour davantage dans le Golfe. Désormais, 8 divisions irakiennes sont massées à la frontière turque. Quant à la Syrie, elle décide d'envoyer des forces supplémentaires dans le Golfe. De son côté, Chedli Klibi démissionne de ses fonctions de secrétaire général de la ligue Arabe.

Après son discours sur le "nouveau monde" devant le Congrès à majorité démocrate, le président républicain George Bush est ovationné par les représentants du peuple américain, debout, 35 fois en 35 minutes. Les observateurs politiques soulignent que cela ne s'était plus vu depuis le 8 décembre 1941, lors de la déclaration de guerre au Japon de Franklin Roosevelt après l'attaque de Pearl Harbor.

La Suisse, l'Autriche, le Bangladesh, le Danemark et la Grèce décident d'évacuer leurs ambassades et consulats du Koweït. Ces 2 derniers pays sont les seuls à avoir rompu l'engagement de la CEE de rester sur place.

Entrée dans les eaux du Golfe des porte-hélicoptères américains Guam, Iwo Jima et Nassau qui transporte à lui seul 2.700 hommes, des hélicoptères et des chasseurs à décollage vertical Harrier.

Une manifestation contre la guerre a lieu à Montreuil (Seine-Saint-Denis), en France.

 

Ils ont dit :
 
Sondage :

George Bush, président des Etats-Unis : "Nos objectifs dans le Golfe Persique sont clairs, définitifs et familiers : l'Irak doit se retirer du Koweït intégralement, immédiatement et sans condition".
Bruno Etienne, professeur à l’Université d’Aix-Marseille et spécialiste du Proche-Orient : Au début du XXème siècle, "les Français ont fermé les yeux sur le partage [du Koweït] avec les Anglais en obtenant 15 à 20% des actions de l’Irak British Petroleum Cie" (Radio française France-Inter).

 

Sondage Washington Post - ABC: 81% des Américains approuvent la décision de George Bush d'avoir envoyé des troupes en Arabie Saoudite, contre 74% il y a un mois.

Lu dans la presse :

Quotidien français La Lettre de l’Expansion : Des Palestiniens manipulés par les Américains pourraient s’en prendre à des pipelines saoudiens, donnant aux USA une raison de déclencher l’offensive. Un scénario à l’étude parmi d’autres à Washington.

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

Galerie de photos
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En vidéo


L'embargo contre l'Irak (24 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 11 septembre 1990


Déclaration de George Bush devant le Congrès américain
en direct sur les télévisions américaines
(extrait en anglais - 9 minutes) - 11 septembre 1990


La crise du Golfe (14 minutes)
ABC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 11 septembre 1990