vendredi 28 septembre 1990

 

Interview du chef d'état-major soviétique au Washington Post : "ce sera une guerre mondiale".
"En cas d’actions militaires, l’Iran se joindra à l’Irak. Ce ne sera pas simplement un conflit, ce sera une guerre mondiale, qui ne sera une gloire ni pour les Américains ni pour les Irakiens" déclare le général Mikhaïl Moïsseïev, chef d’état-major de l’armée soviétique, dans une interview publiée par le quotidien américain. La Première guerre mondiale, ajoute-t-il, "a aussi été déclenchée par un événement mineur. Aujourd’hui nous devons faire le maximum pour éviter cela." Les conséquences d’une guerre dans le Golfe sont "très difficiles à prévoir, notamment compte-tenu des systèmes d’armements sophistiqués concentrés dans cette région des deux côtés".

Discours de Roland Dumas : peu de chances pour la paix.
Le ministre français des Affaires étrangères estime que, du côté de Bagdad, "il n’y a aucun signe" qui permette de penser qu’une "solution pacifique pourrait être envisageable". Il en profite pour réduire la portée des propositions en faveur d’une "logique de paix" contenues dans le récent discours de Mitterrand à la tribune de l’Assemblée générale de l'ONU. Pour Dumas, le président français fait référence au seul retrait militaire irakien du Koweit et non pas à celui de toutes les forces étrangères. "On ne peut pas mettre sur un même plan des forces d’agression et celles qui sont venues pour aider les pays menacés. Ces dernières resteront sur place aussi longtemps que la menace demeurera", dit-il. Mitterrand a déclaré pour sa part : quand l’Irak aura "affirmé son intention de retirer ses troupes du Koweit" et de libérer les otages étrangers, l’ONU pourra, dans une 2ème étape, se charger du "retrait militaire".

Contre l'embargo, l'Irak réorganise son agriculture.
Pour compenser les effets de l’embargo, les paysans irakiens ont reçu l’ordre de consacrer 80% de leurs terres aux céréales. Un communiqué signé par le secrétaire d’Etat adjoint à l’agriculture indique : "Nous avons décidé de permettre aux paysans de cultiver leurs terres dans des régions qui étaient auparavant interdites, dont notamment la zone de sécurité kurde située près de la frontière avec l’Iran et la Turquie". Pendant la guerre avec l’Iran, les autorités de Bagdad avaient contraint quelque 500.000 Kurdes à quitter leurs villages dont 3.000 furent rasés. Les bombardements chimiques effectués par l’aviation de Saddam Hussein causèrent la mort d’au moins 5.000 personnes dans cette région.

Discours de Fidel Castro : le tiers-monde va exploser.
"Si la guerre éclate, le tiers-monde explosera" et "Nous sommes dans l’antichambre de la guerre", avertit le président cubain, dans un discours prononcé à l’occasion du 30ème anniversaire de la création des Comités de défense de la Révolution. Ajoutant que le fait d’avoir voté seul contre la résolution de l'ONU sur l’embargo aérien contre l’Irak est "un honneur" pour Cuba, "une guerre ferait non seulement des milliers de victimes, mais elle aurait des conséquences économiques dramatiques pour tous les pays du monde", évoquant notamment la situation dans laquelle se trouve son pays à cause de la hausse spéculative des prix de pétrole. Castro souligne que l’éventualité d’un prix de 60 à 70 $ le baril en cas de guerre provoquerait une crise insupportable par les pays pauvres. La voie de la guerre, déclare-t-il, "serait une catastrophe pour l’économie internationale et particulièrement pour le tiers-monde". "Ce conflit peut et doit être réglé politiquement. L’échec d’une solution politique serait un désastre pour l’humanité", poursuit le dirigeant cubain. Ce règlement "implique nécessairement la cessation de l’occupation du Koweit, le rétablissement de sa souveraineté et le retrait des forces des Etats-Unis et de l’OTAN de la région ainsi qu’une formule de garanties pour tous les pays de la région."

En bref :
   

Le Coutances, un ferry britannique de la Truckline, mis à destination de l’Etat français, quitte Cherbourg à la demande du ministère de la Défense, à destination de l’Arabie Saoudite, via Toulon, où il chargera du matériel militaire et embarquera, une centaine de soldats. Son arrivée à Yanbu est prévue le 11 octobre.

La compagnie aérienne française TAT augmente ses tarifs de 6%. Elle justifie la hausse par l’envol des prix du carburant, le kérosène entrant pour 20% dans la part de ses dépenses.

C'est la 1ère visite de l'émir du Koweït à la Maison Blanche depuis l'invasion de son pays. Au cheikh Jaber, George Bush a déclaré, après lui avoir renouvelé le soutien total des USA : "Le Koweït, le Koweït libre, perdurera". Persuadé que Bagdad va échouer, il a ajouté que toutes les options restaient ouvertes pour faire cesser l'occupation irakienne.

Fini le temps du Vietnam où les GI's attendaient 3 semaines une lettre de leur fiancée. Désormais, les soldats américains envoyés dans le Golfe pourront recevoir en 2 ou 3 jours des nouvelles écrites de leurs familles grâce à l'installation en Arabie Saoudite de 25 fax reliés à 400 centres de la première compagnie américaine de télécommunication AT&T (American Telephone and Telegraph) Coût de l'opération: 1 million de dollars. Mais le service est gratuit pour les utilisateurs.

Pour la 1ère fois en France, le prix moyen du litre d'essence passe la barre des 6 francs, à 6,03 F (0,92 €).

Ils ont dit :
 
Sondage :

Lee Aspin, président américain de la commission des forces armées à la Chambre des représentants : "L'Irak a développé des armes biologiques dont la mise au point est suffisamment avancée pour qu'elle soit une menace dès 1991".
Jean-Marie Le Pen, homme politique français, dans une lettre adressée au président Mitterrand : Il est "prudent en France de renforcer la surveillance dans les ghettos à forte présence arabo-musulmane", car les "ghettos des masses déracinées et des individus délinquants peuvent servir de vivier pour des manipulations étrangères, voire des actions ou des provocations terroristes."
Ahmed Ben Bella, ancien président algérien : "Il y a une chose qu’il faut refuser, c’est la guerre", cette "croisade de l’Occident" . Si elle avait lieu, ce serait une "destruction totale, car ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que des armes de destruction existent des 2 côtés."
Daniel Bernard, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères : La France a "la même interprétation" de l’embargo aérien que la Grande-Bretagne. Celui-ci "concerne le frêt et ne touche pas le trafic des passagers et de leurs bagages." Mais il est appliqué aux vols "combi", qui emporte du frêt et des passagers.
George Bush, président des Etats-Unis, à l'émir Jaber du Koweït : "L'Irak échouera. Le Koweït libre survivra".
Michel Rocard, Premier ministre français : "La question palestinienne, depuis toujours, est une blessure pour les Arabes. Sur ce sujet, comme sur celui du Koweit, le Conseil de sécurité a voté des résolutions, et nous devons avoir le courage de reconnaître que, pour le moins, la communauté internationale n’ait pas fait preuve d’une ardeur égale dans la poursuite de leur mise en oeuvre. Une remarque de même nature doit être faite en ce qui concerne le Liban".

 

Sondage SOFRES - Libération - Europe 1 : 61% des Français pensent que la crise du Golfe va déboucher sur un conflit militaire avec l’Irak. Dans ce cas, 46% souhaitent que la France y participe (contre 45%). 54% des femmes, 52% des jeunes de 18 à 24 ans et 53% de ceux de 25 à 34 ans refusent de voir la France s’y engager. Si la guerre éclatait, 76% désapprouveraient la participation des appellés et 46% (contre 43%) ne jugeraient pas acceptable que des soldats français combattent directement des soldats irakiens. 62% approuveraient la participation de l’aviation française à des raids sur des sites stratégiques (usines d’armement) 59% sur des objectifs militaires. Mais 16% (72% contre) approuveraient des bombardements sur des villes comme Bagdad. 70% désapprouveraient des actions militaires mettant en danger la vie des otages. Pour 63% de l’opinion, en cas de conflit, l’objectif poursuivi devrait être la libération des otages, le retrait irakien du Koweit et la chute de Saddam Hussein. 58% pensent que les troupes militaires françaises devraient être placées sous le commandement de l’ONU, 21% sous commandement français, 7% sous commandement américain. 56% accepteraient la mise en place d’une politique économique et sociale de rigueur, mais 75% n’accepteraient pas des impôts supplémentaires pour financer ce conflit.

Lu dans la presse :

Le quotidien français Libération titre : "Golfe : les Français sans fleur au fusil".
Quotidien allemand Suddeutsche Zeitung : L'armée allemande prête à la France 1.700 Milan et 2.000 Hot-2, à la requête de Paris qui veut disposer de réserves suffisantes en cas de conflit avec l’Irak. Ces systèmes d’armes, destinés à équiper des chars et des engins blindés, sont fabriqués par le groupe franco-allemand Euromissile, filiale d’Aérospatiale et de MBB du groupe Daimler-Benz. A la communauté d’usinage s’ajoutent des tractations qui ressemblent fort à la "communauté européenne de défense", inaugurée par la brigade franco-allemande.

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


Attentat anti-français à Djibouti (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 28 septembre 1990