lundi 1 octobre 1990

 

Distribution de masques à gaz en Israël.
Pour faire face à une éventuelle attaque de Bagdad faisant suite à l'embargo international contre l'Irak, les autorités de l'Etat hébreu entament une vaste distribution de masques à gaz à la population. Certains habitants de Tel-Aviv se ruent même sur ceux mis en vente dans les magasins de la ville, où leur prix reste relativement élevé : 240 shekels (115 €). L'armée, de son côté, lance une grande campagne d'information sur l'utilisation de ses masques. "La distribution se prolongera pendant plusieurs semaines. Nous voulons éviter la panique et procéder systématiquement de manière à ce que chaque personne, en Israël ainsi qu’en Judée-Samarie (Cisjordanie) et à Gaza puisse disposer de l’équipement indispensable pour sa sécurité contre la guerre chimique", affirme à la radio israélienne le général Dan Shomron, chef d’état-major militaire. Des films vidéo seront diffusés à la télévision pour en préciser le mode d’emploi. Cette mesure, annoncée au lendemain de la grande fête juive du Yom Kippour, provoque un surcroît d’inquiétude dans la population malgré les assurances du général que "cela ne signifie pas qu’Israël ait décrété l’état d’alerte". Le grand public a bien besoin de cette campagne d'information : lors de la dernière distribution de masques à gaz, en 1979, la plupart des masques était mal entrenue, et bon nombre d'Israéliens s'en servait comme protection pour faire de la peinture !

Discours de George Bush à l'ONU : la crise du Golfe et le conflit israélo-palestinien sont liés.
S’adressant à l’Assemblée générale de l’ONU, dont il a loué le rôle dans le maintien de la paix, George Bush déclare notamment : "Si l’Irak se retire du Koweit, je pense vraiment qu’il peut y avoir des occasions : pour l’Irak et le Koweit de résoudre leurs divergences de façon permanente, pour les Etats du Golfe eux-mêmes de bâtir de nouveaux arrangements pour la stabilité, et pour tous les Etats et les peuples de la région de résoudre le conflit qui divise les Arabes et les Israéliens. Laissez-moi souligner que nous tous ici espérons que des forces militaires n’auront jamais à être utilisées. Nous cherchons une solution pacifique, une solution diplomatique". Un ton nouveau dans la bouche du président américain, qui, hier encore, n’avait en tête que l’option militaire et parlait de demander au Conseil de sécurité un feu-vert pour utiliser la force. C’était même, aux dires des agences de presse américaines, l’essentiel du menu des conversations que le président américain a eu avec Edouard Chevardnadze, ministre soviétique des Affaires étrangères. Hier, ce dernier a une nouvelle fois averti l’Irak que l’URSS serait favorable à l’utilisation de la force dans le cadre de l’ONU si Bagdad s’obstinait à refuser d’appliquer les résolutions internationales et participerait éventuellement à une action militaire contre l’Irak. Bush n’évoque aucune des "nouvelles initiatives" dont on parlait ces derniers jours dans les couloirs de l’ONU et notamment une résolution préconisant l’usage de la force. Les commentateurs soulignent le "changement de ton" que constitue le discours de Bush, qui accepte pour la 1ère fois de relier la situation du Koweït aux autres problèmes du Proche-Orient, en particulier à la question palestinienne. Les observateurs remarquent en outre que la légère ouverture opérée par Bush intervient une semaine jour pour jour après le discours du président Mitterrand et son "plan en 4 points" débouchant sur une conférence internationale de paix au Proche-Orient. On en est encore fort loin et le porte-parole de l’Elysée comme Roland Dumas, ministre des Affaires étrangères, s'emploient à bien montrer les convergences et les différences entre Paris et Washington.

Interview de Hubert Védrine sur Antenne 2 : il n'y a pas de négociations secrètes entre la France et l'Irak.
La France effectue une mise au point suite au discours de Saddam Hussein qui appelait hier à l’ouverture du dialogue et affirmait que l’Irak avait entrepris avec le gouvernement français des "contacts pour expliquer le point de vue irakien d’une façon précise". Hubert Védrine, porte-parole de l’Elysée, explique à la télévision française : "Il n’y a, entre la France et l’Irak, rien qui puisse s’apparenter de près ou de loin à une négociation". Il s’emploie à dissiper ce qu’il appelle "un malentendu" à propos d’une phrase du discours de François Mitterrand ("que l’Irak affirme son intention de retirer ses troupes, qu’il libère les otages, et tout devient possible"). "Le raccourci sur l’intention de déclencher des négociations sans qu’on ait atteint les résultats recherchés par les résolutions du Conseil de sécurité est inexact". Et de rappeler que l’annonce par l’Irak de son intention de se retirer du Koweit devait déboucher, pour être prise en compte, sur une "seconde phase" : "l’entrée en action du Conseil de sécurité de l’ONU pour contrôler et garantir l’évacuation des forces militaires". Hier soir, déjà, Roland Dumas démentait les affirmations irakiennes. "Il n’y a pas de dialogue, a déclaré hier soir le ministre français des Affaires étrangères. Il n’existe aucun contact particulier entre l’Irak et la France en dehors des contacts diplomatiques". Il a rappelé le discours prononcé par Mitterrand à l’ONU (auquel se référait Saddam Hussein), pour spécifier que "toute discussion utile ne pouvait avoir lieu que si 2 conditions préalables étaient remplies, à savoir l’évacuation du Koweit par les troupes irakiennes et la libération de tous les otages".

Interview de Hosni Moubarak dans Le Figaro : Saddam Hussein persiste dans l'erreur.
Dans une interwiew publiée par le quotidien français, le président égyptien se prononce lui aussi pour une solution politique à la crise du Golfe. "S’il retrouve ses esprits et décide d’évacuer le Koweït, Saddam Hussein deviendra un héros pour son peuple (et) sauvera la vie d’un grand nombre d’Irakiens, estime-t-il. Mais pour l’instant, Saddam persiste à dire non à toute hypothèse d’une évacuation du Koweit. Si l’embargo porte ses fruits, le président irakien sera forcé de nous répondre. Sinon, la guerre sera inévitable", poursuit Moubarak. Il reproche aux médias occidentaux d’avoir exagéré la menace militaire que représente l’Irak et d’avoir "fait de Saddam un géant".

Libération d'otages français.
L’irak annonce que 9 otages français, retenus pour servir de boucliers humains contre une éventuelle attaque occidentale, seront relâchés dans 2 jours. Selon l’agence irakienne INA, Saddam Hussein lui-même aurait donné l’ordre de libération des otages. L’agence précise que "les invités" français quitteront l’Irak pour la Jordanie, en compagnie de Gilles Munier, président de l’association des amitiés franco-irakiennes. Une organisation fondée notamment par l’actuel ministre français de la Défense, Jean-Pierre Chevènement, en 1985, alors que la guerre contre l’Iran faisait rage. En milieu de journée, le Quai d’Orsay indique que Paris n’a reçu aucune confirmation officielle de cette nouvelle. Le porte-parole de l’Elysée précise de son côté que cette libération ne change rien à "la situation de fond". "9 personnes libérées, 9 otages, qui ne s’en réjouirait pas ? (...) Mais ce qui est attendu de l’Irak, c’est la libération de tous les Français et étrangers sans exception" déclare Hubert Védrine, interviewé par Antenne-2.

En bref :
   

L'armée de l'air française choisit Al-Ahsa en Arabie Saoudite, une simple piste d'aéroport civil perdu en plein désert, pour installer une base aérienne pour avions de combat.

Les autorités turques bloquent une cargaison de produits chimiques (cyanure de sodium) ouest-allemands en provenance de Belgique, soupçonnés d'être destinés à la fabrication d'armes chimiques irakiennes.

Les USA annoncent qu'ils vont fournir à Israël pour 117 milliards de dollars de missiles sol-air Patriot. Il s’agit, précise la Maison-Blanche, d’aider Israël à "améliorer sa défense aérienne contre la menace croissante des missiles balistiques de l’arsenal irakien".

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

George Bush, président des Etats-Unis : "A l'issue du départ inconditionnel de l'Irak du Koweït, il peut y avoir des occasions de résoudre le conflit qui oppose les Arabes à Israël".
André Giraud, ancien ministre français de la Défense : "Il me parait inacceptable de remplacer la domination de l’OPEP par celle des Etats-Unis !"
Les autorités irakiennes, à propos de l'attentat anti-français de Djibouti : "L’Irak a comme politique de ne pas encourager le terrorisme".
Jean-Edern Hallier, philosophe français : "Cette guerre imbécile (...) est déshonorante. Sa perspective me donne le front rouge de honte. De même, même si c'est de bonne guerre de la part des Irakiens, je n'admets pas la prise d'otages". (Quotidien français L'Humanité).

  Quotidien français L'Humanité : "Les spéculateurs et les Etats capitalistes commencent à créer artificiellement un "choc pétrolier". Il n’y a pas de pénurie de brut, il y a sur-stockage et plus-values spéculatives."
Chronologie des événements - octobre 1990

Les porte-avions américains arrivent dans le Golfe tandis que l'aviation française s'installe à Al-Ahsa. Le Japon n'enverra pas de forces en Arabie. Alors que plusieurs ambassades européennes de Koweït-City ferment leurs portes, François Mitterrand se rend en visite officielle dans le Golfe. L'inquiétude s'installe en Israël, les distributions de masques à gaz débutent.

Les otages occidentaux sont libérés au compte-gouttes. Les otages italiens entament une grève de la faim. Pour accélérer les libérations, les personnalités européennes et japonaises se bousculent à Bagdad.
La France lance l'opération Métaye au Qatar.

Coup de théâtre dans la crise des otages : Bagdad annonce la libération de tous les otages français au nom de "l'amitié franco-irakienne". Quant au sort des autres otages, l'inquiétude demeure...

 

 

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En vidéo


Libération d'otages français (26 minutes)
Edition spéciale : Paul Amar en Arabie Saoudite
FR3 - Journal de 19h30 - 1 octobre 1990