jeudi 4 octobre 1990

 

François Mitterrand en visite dans le Golfe : rencontre avec les marins du Dupleix.
"L’embargo reste la politique de la France. C’est par son application sans faille qu’on a une chance d’atteindre, sans conflit, les objectifs fixés par le Conseil de sécurité de l’ONU". C’est ce que déclare le président français lors d’une réunion avec des responsables militaires à bord de la frégate Dupleix, au large d’Abou Dabhi, où il a passé la nuit. Il insiste sur le caractère "déterminant" à ses yeux de la mission de "contrôle de l’embargo" assignée aux navires français déployés dans la région (la France a déployé 7 bâtiments en Mer rouge et dans le Golfe). Lors de cette première tournée des popotes, les militaires exposent en détail le fonctionnement du dispositif mis en place, assurant qu’il est "totalement hermétique", tout au moins dans le Golfe. Outre les responsables militaires de la zone et le général Maurice Schmitt, chef d’Etat-major des armées, étaient présents les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Roland Dumas et Jean-Pierre Chevènement, ainsi que les présidents des 3 commissions de la Défense et des Affaires étrangères du Sénat et de l’Assemblée nationale, le sénateur Jean Lecanuet et les députés Michel Vauzelle et Jean-Michel Boucheron. Les officiers du Dupleix expliquent aux journalistes que la frégate a "identifié" (c’est-à-dire interrogé par radio) 550 bâtiments depuis son arrivée dans le Golfe, le 16 août. Aucun de ces bâtiments n’a eu besoin d’être visité, à la différence de ce qui se passe en Mer Rouge où, selon eux, la marine française a opéré une quinzaine de "visites".

L'Irak rechercherait une solution négociée.
Le roi Hussein de Jordanie reçoit Taha Yassin Ramadan, vice-Premier ministre irakien. A l’issue de cette rencontre, le ministre irakien évoque au cours d’une conférence de presse les possibilités d’une issue négociée de la crise du Golfe. Cependant, il explique que Bagdad "refuse tout dialogue tant que les forces étrangères seront présentes sur les territoires arabes" et exige leur départ comme "préalable à toute négociation". Rappelant l’initiative de Saddam Hussein, qui proposait le 12 août un lien entre la crise du Golfe, le problème palestinien et celui du Liban pour mettre fin "à toutes les occupations étrangères" au Proche-Orient, le ministre précise : "Nous n’exigeons pas que tout ce qui est contenu dans cette initiative soit approuvé par les autres. C’est notre point de vue et nous sommes prêts à accepter toute proposition des parties concernées qui assure la justice". "L’Irak, ajoute-t-il, recherche une solution négociée mais refuse toute initiative accompagnée de conditions préalables" ainsi que "toute initiative internationale qui ne prenne pas en considération nos problèmes arabes et en premier lieu la question palestinienne". "Nous ne sommes pas le seul peuple concerné" par "la paix ou la guerre", indique Ramadan. "Nous voulons la paix, mais si la guerre nous est imposée, nous ferons face", ajoute-t-il. "Nous le disons franchement : nous préférons la guerre plutôt que de nous rendre. Et c’est la position de toutes les nations arabes".

François Mitterrand en visite dans le Golfe : rencontre avec les dirigeants saoudiens.
François Mitterrand se rend dans le Golfe pour examiner le déroulement de l'opération Daguet avec les militaires français. Auparavant, il avait rencontré le cheikh Zayed à Abou Dabi, puis le roi Fahd à Djeddah durant plus de 2h. Pour Mitterrand, l'embargo est déterminant. Il reste "la politique de la France" et doit "être appliqué sans faille". Le souverain saoudien a pour sa part exprimé son scepticisme, doutant que "Saddam Hussein puisse entendre raison". A son interlocuteur qui le remerciait de l’envoi de 4.000 soldats, François Mitterrand répond : "Nous sommes à vos côtés comme nous serons aux côtés de tout pays menacé". Mitterrand n’a pas eu de contact avec la famille royale du Koweït, exilée non loin de là, à Taëf. On sait qu’elle avait plutôt mal pris l'allusion du président français devant l’ONU à la nécessité d’une "expression démocratique" du peuple koweïtien. En guise de compensation, le quai d’Orsay annonce que Jean Bressot, qui fut ambassadeur au Koweït de 1982 à 1986, a été chargé d’une "mission de liaison" avec le gouvernement koweïtien en exil.

Conférence de presse de Douglas Hurd : il faut une conférence internationale sur le Proche-Orient.
Le ministre britannique des Affaires étrangères explique à la presse internationale que l'invasion du Koweït aurait retardé le processus de paix entre Israël et ses voisins arabes."Des initiatives concernant la Palestine ne peuvent avoIr lieu que quand Saddam Hussein aura quItté le Koweït. Il n’y aura pas d’espoir de progrès tant que cela ne sera pas arrivé", a-t-il dit avant d'ajouter qu'il souhaitait la tenue d'une conférence internationale sur l'ensemble des problèmes du Proche-Orient.

François Mitterrand en visite dans le Golfe : rencontre avec les soldats français.
Le président achève son périble à Yanbu, port sur la mer rouge, à 250 kms au nord de Djeddah, par lequel transitent les militaires français débarquant en Arabie Saoudite pour participer à l’opération Daguet. Difficile, cette fois, de parler de "contrôle de l’embargo" : on voit mal quel trafic commercial pourrait empêcher les 4.000 para, légionnaires et autres commandos, déployés en plein désert avec leurs AMX et leurs hélicoptères, à 150 kms de la frontière irakienne... Le "chef des armées", qui ne reste qu’une heure à Yanbu avant de reprendre la route de Paris, se contente d’un entretien à huis clos avec le général Michel Roquejeoffre, commandant les forces françaises en Arabie saoudite. Il rappelle vaguement aux soldats, en passant, que leur mission est "défensive" et consiste à "empêcher une agression".

En bref :
   

La marine iranienne prévoit d’effectuer, jusqu’à la fin de l’année, des manoeuvres dans les eaux du Golfe, où croisent des dizaines de navires étrangers qui ont pour mission de faire respecter l’embargo.

La frégate belge Wandelaar quitte Zeebruge pour le Golfe.

 

Ils ont dit :
 
Attentat :

Le groupe communiste de l'Assemblée Nationale, au Premier ministre : "Tout se passe, comme si les USA cherchaient à s’implanter durablement au Moyen Orient pour la défense d’intérêts stratégiques et pétroliers bien éloignés de la défense du droit, dont on parle tant."
Mikhaïl Gorbatchev, président de l'URSS : "Je pense qu’il y a plus qu’assez de soldats là bas".
Jacques Chirac, maire de Paris : L'envoi de troupes en Arabie Saoudite peut signifier que la France sort de la "logique du blocus" pour entrer dans une "logique d’intervention militaire", ce qui présenterait le risque de se voir entraînée dans un conflit armé "sans autonomie de décision".
 Alain Juppé, secrétaire général du RPR, demande à François Mitterrand la garantie que la France ne sera pas "embarquée contre son gré" dans des opérations guerrières".

 

Djibouti : Le Mouvement de la Jeunesse Djiboutienne, un groupuscule se présentant comme pro-irakien, revendique l'attentat anti-français du 27 septembre.

Sondage :

Sondage Louis Harris - Nouvel Observateur : 56% des Français pensent qu’il faut maintenir le blocus contre l’Irak "sans être certain de son efficacité". Interrogées sur les scénarios possibles dans le conflit du Golfe, les personnes sondées se montrent réticentes sur l’aide que Paris peut apporter aux militaires américains en cas d’attaque contre l’Irak.

 

 

Chronologie des événements - octobre 1990

Les porte-avions américains arrivent dans le Golfe tandis que l'aviation française s'installe à Al-Ahsa. Le Japon n'enverra pas de forces en Arabie. Alors que plusieurs ambassades européennes de Koweït-City ferment leurs portes, François Mitterrand se rend en visite officielle dans le Golfe. L'inquiétude s'installe en Israël, les distributions de masques à gaz débutent.

Les otages occidentaux sont libérés au compte-gouttes. Les otages italiens entament une grève de la faim. Pour accélérer les libérations, les personnalités européennes et japonaises se bousculent à Bagdad.
La France lance l'opération Métaye au Qatar.

Coup de théâtre dans la crise des otages : Bagdad annonce la libération de tous les otages français au nom de "l'amitié franco-irakienne". Quant au sort des autres otages, l'inquiétude demeure...

 

 

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En vidéo


François Mitterrand dans le Golfe (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 4 octobre 1990