lundi 22 octobre 1990


Interview de Dick Cheney sur La Cinq : L'embargo est de plus en plus efficace.
Le secrétaire américain à la Défense affirme qu’il n’existe pas "de calendrier particulier ou des délais artificiels" pour une éventuelle action militaire contre l’Irak. Il souligne la volonté américaine de poursuivre la politique de l’embargo qui est "de plus en plus efficace". Interrogé par télévision française, Cheney reconnaît que les USA "n’ont pas exclu d’autres options" que l’embargo, et que "les possibilités existent" qu’ils aient "à un certain moment à changer de politique". "Je ne pense pas qu’il y ait des dates particulières ou des délais", précise le secrétaire à la Défense dans une allusion aux nombreuses analyses d’experts publiées par la presse et selon lesquelles, pour des raisons techniques et politiques, une action militaire contre l’Irak devrait être menée avant le mois de mars afin de bénéficier des plus grandes chances de succès.

Saddam Hussein souhaite libérer tous les otages français.
Le Raïs propose au Conseil national (parlement) de "discuter sur l’opportunité de permettre à tous les ressortissants français, auxquels il est interdit de voyager hors d’Irak, de quitter le pays ou d’y rester", annonce l’agence officielle irakienne INA. Le président irakien affirme, dans une lettre adressée au président et aux membres du Conseil national, qu’"accorder aux Français ce droit est une confirmation de l’attachement de l’Irak à son amitié avec la France". Saddam Hussein explique que sa proposition prend "en considération le rejet par le peuple français libre des méthodes agressives de Bush et du recours aux armes contre l’Irak, comme l’avaient exprimé les manifestations populaires (organisées en France), ainsi que les messages et les réunions" dans ce pays, conclut l’agence. Dans une dépêche datée de Luxembourg, où se tient une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Europe des Douze, l’agence britannique Reuter indique que "le porte-parole de Roland Dumas a réagi par la négative" à l’annonce de Saddam Hussein. Interrogé par l’AFP, Daniel Bernard affirme que la libération des ressortissants français retenus en otages en Irak "ne se discute pas". Le porte-parole du Quai d’Orsay ajoute : "Nous voulons la libération de tous les ressortissants étrangers, sans conditions et conformément aux résolutions des Nations unies." Selon le ministère français des Affaires étrangères, 67 Français sont répartis sur des sites stratégiques où les Irakiens les utilisent comme "boucliers humains".

L'état-major français dans le Golfe.
Le chef d’état-major de l’armée française, le général Maurice Schmitt, rend visite aux troupes stationnées en Arabie Saoudite. Hier à Riyad, il a eu des entretiens avec des responsables militaires américains et saoudiens. Le chef d’état-major doit visiter également une base aérienne dans le Nord-Est de l’Arabie Saoudite où sont stationnés des avions français, et inspecter ensuite les forces françaises déployées à des dizaines de kilomètres au sud de la frontière saoudo-koweïtienne. Selon l’AFP, le général Schmitt s’est entretenu avec le général Michel Roquejeoffre, chef de la Force d’action rapide (FAR) et commandant les troupes françaises dans le Golfe, ainsi qu’avec des responsables militaires saoudiens et américains. Le général Schmitt et les militaires saoudiens aurait notamment examiné "l’éventuel réalignement" des forces terrestres françaises. Aucune décision n’a pour l’instant été arrêtée sur une modification géographique du dispositif décidé par l’Elysée. A Paris, toujours selon l’Agence France-Presse, les mêmes milieux auraient indiqué que certaines unités françaises pourraient reculer de plusieurs kilomètres de leur position initiale. Environ 5.000 soldats français sont déployés en Arabie Saoudite depuis l’invasion du Koweït par l’Irak le 2 août, dont 1.200 appartiennent à la Légion étrangère. Le général Schmitt doit regagner Paris après son inspection, pour s’entretenir, dans la capitale, avec le chef d’état-major des armées américaines, le général Colin Powell, au cours de la semaine.

Interview de Dick Cheney sur Europe 1 : Il ne faut pas de conférence internationale sur le Proche-Orient.
Dans une interview diffusée à la radio française, Cheney effirmé que les USA "ne sont pas dans le Golfe pour lancer une offensive militaire", mais pour "empêcher une nouvelle agression de l’Irak et assurer le respect de l’embargo décidé par les Nations unies". "Toutefois, ajoute-t-il, les forces américaines pourraient "contre-attaquer" en cas d’attaque ou de "provocation" irakienne". Le secrétaire américain à la Défense, qui se trouve à Paris pour des entretiens avec les principaux dirigeants français, dont Mitterrand, estime qu’il est "moins important" de permettre à Saddam Hussein de "sauver la face" en lui accordant des concessions, même minimes, que de faire respecter "le principe de la non-agression". "Toute une série de négociations sont possibles (avec l’Irak), mais uniquement après qu’il aura appliqué les résolutions" de l’ONU, ajoute-t-il . Cheney exclut, pour cette raison, la tenue d’une conférence internationale traitant à la fois du Koweït, du Liban et de la question palestinienne. "L’accent doit rester sur l’agression de Saddam Hussein", et "ce serait distraire l’attention que de traiter d’autres questions".

Interview de Jean-Pierre Chevènement sur Antenne 2Les risques de guerre sont très importants.
Dans l'émission "l’Heure de Vérité" sur la télévision française, le ministre français de la Défense déclare d’emblée, à propos de la crise du Golfe : "Je me reconnais entièrement dans le discours de François Mitterrand à l’ONU le 24 septembre". Il croit que l’embargo peut être efficace, s’étonne au passage de ceux qui ont "voulu faire la guerre avec la peau des autres" et s’affirme "prêt à faire la guerre si l’Irak attaque l’Arabie Saoudite ou s’il y a une résolution supplémentaire des Nations Unies". De l’annonce faite par Saddam Hussein d’une possible libération des otages français, Chevènement dit tout à la fois : "Je me réjouirais si cela intervenait. Ce serait la moindre des choses après l’aide que nous avons accordée à l’Irak aux pires moments. Mais il ne faut pas songer à dissocier la France des Nations Unies". Selon lui, "l’idée de la destruction préventive de l’Irak est courte pour la sécurité d’Israël" qui doit être "un pont" entre l’Occident et l’Orient. Il souhaite un contrôle des armements dans la région "pour éviter une guerre aux conséquences ravageuses". Pour lui, la solution des problèmes proches-orientaux doit être trouvée "sur une base de reconnaissance et de sécurité mutuelle". Le ministre de la Défense note que "la Syrie a saisi l’occasion de cette crise pour se donner le champ libre au Liban" et que Paris a les moyens de faire pression sur Damas pour l’amener à respecter les accords de Taef. Au total, estime-t-il, "le risque de la guerre est encore très grand, plus grand que les chances de la paix qu’il faut essayer de faire triompher tant qu’elles existent". Cela ne l’empêche pas d’affirmer, au sujet de 2 appelés du contingent qui ont manifesté samedi en uniforme contre la guerre dans le Golfe : "C’est punissable. Il faut qu’ils s’attendent à être sanctionnés". Chevènement va jusqu’à mettre ces jeunes sur le même plan que la quarantaine de généraux qu’il a "blâmés pour avoir manifesté en faveur de Chirac" et ne craint pas de prétendre que ces 2 soldats "étaient probablement manipulés par une organisation d’extrême-gauche".

Willy Brandt souhaite se rendre à Bagdad pour libérer les otages allemands.
A Bonn, l’ancien chancelier Willy Brandt laisse entendre qu’il est disposé à intervenir en faveur de la libération des otages allemands en Irak et le gouvernement de RFA indique que des contacts existent à ce sujet avec le président de l’Internationale socialiste. Les 5 derniers des 8 ressortissants allemands, dont Bagdad a annoncé vendredi la libération, arrivent cet après-midi à l’aéroport de Francfort en provenance d’Amman. Interrogés par la presse à leur descente d’avion, les ex-otages se prononcent en faveur d’une médiation de Willy Brandt. L’un d’entre eux estime qu’il "n’y a pas de raison de refuser une négociation au niveau des gouvernements sur le sort des otages", jugeant qu’on faisait "trop peu" pour eux. "Ils sont très tendus, ils veulent partir et retrouver leurs familles", ajoute-t-il. Environ 400 Allemands sont actuellement retenus en Irak et 77 d’entre eux ont été envoyés sur des sites stratégiques.

Libération de 33 otages britanniques.
A Londres, un Boeing 747 de Virgin Atlantic ramène d'Irak 33 anciens otages britanniques. Cette libération fait suite à la visite à Bagdad de l'ancien Premier ministre britannique Edward Heath. Saddam Hussein "était très calme, très bien informé et expliquait son attitude très clairement", note-t-il à son arrivée à l’aéroport londonien de Gatwick. Le Raïs et lui ont "parlé de beaucoup de choses (...) et examiné toutes sortes d’éventualités", poursuit Heath que Margaret Thatcher a évincé jadis de la direction du Parti conservateur parce qu’elle le jugeait trop mou. Pour l’heure, il souhaite que la crise du Golfe trouve une solution diplomatique.

Interview de Jeannou Lacaze sur Europe 1 : Il faut éviter la guerre.
L’ancien chef d’état-major devenu député de droite à l’Assemblée européenne estime sur les ondes de la radio française que : "Tout ce qu’on peut faire, c’est d’aller au maximum vers une solution qui évite la guerre. Celle-ci, compte tenu de la puissance militaire que nous connaissons de l’Irak, causerait des pertes énormes des 2 côtés." Le général en retraite constate que les USA "ont déployé des forces tout à fait exceptionnelles. Ces forces correspondent peut-être à une arrière-pensée américaine, qui est de laisser dans le Golfe une emprise très importante, même après la fin de la crise". Pour Lacaze, "il est pratiquement impossible à George Bush de ne pas provoquer une action militaire peut-être limitée, mais qui au moins donne une raison à ce déploiement". L’ancien chef d’état-major affirme que les troupes françaises dans la région seront "employées dans des conditions que ne prévoit pas le gouvernement français. (...) Comment garder l’autonomie de décision, en face d’un monstre, qui est le déploiement américain ?", s’interroge-t-il. "Ce qu’il nous faut, ajoute-t-il, c’est une armée extrêmement dense, ramassée, professionnelle, autour de matériel très sophistiqué, et qui soit capable d’être projetée très vite et très loin face aux futurs conflits qui ne manqueront pas d’intervenir dans le dialogue Nord-Sud."

Une délégation américaine plaide la cause des otages à Bagdad.
A Bagdad, le chef d’une délégation américaine envoyée en Irak par l’Association américano-irakienne, Salim Mansour, affirme que Saddam Hussein a promis d’autoriser un certain nombre d’Américains à quitter le pays. Mansour précise que la délégation et l’ambassade américaines à Bagdad sont en contact avec le ministère irakien des Affaires étrangères pour déterminer le nombre d’Américains, parmi les personnes âgées, malades ou qui représentent un cas humanitaire, qui seront autorisés à quitter l’Irak demain. "Nous avons rencontré le président Hussein dimanche soir, ajoute-t-il, et je qualifierai la rencontre de très constructive." A Washington, le département d’Etat indique n’avoir aucune confirmation sur cette promesse irakienne. Mansour, qui a rencontré durant 2 heures dimanche le chef de l’Etat irakien, indique que celui-ci lui a affirmé qu’il autoriserait le départ de tous les "invités" de l’Irak (près de 5.000 Occidentaux sont encore retenus) si les USA lui garantissent le non-recours à une action militaire dans le Golfe.

En bref :
   

Pour la première fois, l'Arabie Saoudite évoque de possibles concessions territoriales sur le Koweït, ne voyant "aucun mal à ce qu' un pays arabe donne à un pays frère un site sur la mer".

Le ministère britannique des Affaires étrangères annonce qu’un otage britannique de 62 ans est mort d’une crise cardiaque voici 3 jours en Irak. Ron Duffy était détenu dans une caserne des alentours de Bagdad et un médecin était présent lorsqu’il est décédé.

Le prix du baril de pétrole repasse sous la barre des 30 dollars après avoir perdu 14 dollars en 12 jours.

Il a dit :
   

Roi Fahd d'Arabie : "L'invasion du Koweït par l'Irak est une bévue".

 

 

Chronologie des événements - octobre 1990

Les porte-avions américains arrivent dans le Golfe tandis que l'aviation française s'installe à Al-Ahsa. Le Japon n'enverra pas de forces en Arabie. Alors que plusieurs ambassades européennes de Koweït-City ferment leurs portes, François Mitterrand se rend en visite officielle dans le Golfe. L'inquiétude s'installe en Israël, les distributions de masques à gaz débutent.

Les otages occidentaux sont libérés au compte-gouttes. Les otages italiens entament une grève de la faim. Pour accélérer les libérations, les personnalités européennes et japonaises se bousculent à Bagdad.
La France lance l'opération Métaye au Qatar.

Coup de théâtre dans la crise des otages : Bagdad annonce la libération de tous les otages français au nom de "l'amitié franco-irakienne". Quant au sort des autres otages, l'inquiétude demeure...

 

 

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La libération des otages français envisagée (25 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 22 octobre 1990