mercredi 26 septembre 1990

 

L'Irak condamne l'embargo international.
A Bagdad, Saadi Mahdi Saleh, président de l’Assemblée nationale irakienne, estime que l’embargo aérien est "un nouveau défi lancé non seulement à l’Irak mais aussi à la morale et aux lois internationales". "Il est certain, ajoute-t-il, que ce nouvel embargo va accroître les difficultés économiques de l’Irak. Une mesure qui interdit l’arrivée en Irak des vivres et du lait pour les enfants et ne permet aucune exportation, constitue, aux termes des lois internationales, une déclaration de guerre". Saadi Mahdi Saleh annonce également qu’il "pourrait y avoir du changement" dans la situation des occidentaux retenus par l’Irak. "Ce problème, déclare-t-il, est facile à résoudre : tout ce que nous voulons, c’est que les Etats-Unis donnent devant le monde entier leur parole qu’ils ne déclencheront pas la guerre dans la région". L’Irak dénonce également l’attitude de l’URSS, accusant Moscou de s’être laissée acheter par "l’Amérique et ses alliés, les émirs du pétrole". "Nous disons à Chevardnaze, écrit l’agence officielle irakienne INA : si vous renoncez à vos relations d’amitié avec les Arabes et restez à la traîne de l’agression américaine, alors les Arabes ne voudront plus de vous et de vos semblables".

Réactions internationales au lendemain du vote de la résolution de l'ONU.
"Extraordinaire !". Tel est le mot choisi par James Baker, secrétaire d’Etat américain, pour qualifier le vote, hier soir à New-York, de l’embargo aérien contre l’Irak par le Conseil de Sécurité. Et ce fut une nuit historique : à en croire les informations diffusées par les agences de presse, Baker a repris mot pour mot devant le Conseil les propos tenus quelques instants plus tôt par son homologue soviétique, Edouard Chevardnadze. Des propos particulièrement menaçant à l’égard de l’Irak et où le chef de la diplomatie soviétique n’a pas hésité à brandir, pour la 1ère fois, la menace du recours à la force. Selon le secrétaire d’Etat, le ministre soviétique a parlé au nom de tous, quand il a déclaré : "Les Nations unies ont le pouvoir de "supprimer les actes d’agression" (...) Il est évident que ce droit peut être exercé. Il le sera, si l’occupation illégale du Koweit continue. Bien sûr, avant cela, toutes les formes de pressions politiques, pacifiques et non militaires doivent être exercées contre l’agresseur". Il avait proposé de revenir aux conceptions originelles des fondateurs de l’ONU et d’activer le "comité d’Etat major" de l’organisation afin d’éviter que "certains Etats n’agissent individuellement". Chevardnadze a qualifié l’invasion du Koweit "d’acte de terrorisme contre le nouvel ordre mondial en gestation" et appelé l’Irak à "entendre raison et adopter une attitude humaine et responsable". Répondant plus tard à des journalistes, le Soviétique a insisté sur le fait que le recours à la force, s’il devait avoir lieu, devrait disposer d’une "base collective par le biais de l’ONU". "C’est le point essentiel de mon discours sur l’étouffement des actes d’agression car ce qui se passe dans le Golfe peut se produire ailleurs". Roland Dumas, ministre français des Affaires étrangères, s’est déclaré tout à fait satisfait du "nouvel avertissement" lancé à Bagdad par la communauté internationale. Il a rappelé que la France avait été "la 1ère à demander un embargo aérien. L’idée a été reprise par la CEE puis par l’UEO. C’est donc un succès diplomatique pour la France", a-t-il estimé. Seul Cuba a voté contre le texte adopté et l’ambassadeur Ricardo Alarcon a expliqué ce vote par le fait son pays rejette "n’importe quelle utilisation de la force" pour résoudre les conflits. Mais d’autres pays ont émis des réserves. Ainsi Qian Qichen, chef de la diplomatie chinoise, a déclaré : "l’usage de la force quel que soit le motif invoqué est inacceptable", mais a tout de même voté le texte en considérant qu’il vise, comme l’ensemble des résolutions déjà adoptées, à une issue pacifique de la crise. Abdel Aziz Dali, ministre yémenite des Affaires étrangères, a également lancé un sérieux avertissement contre le choix de la guerre. Moshe Arens, ministre israélien de la Défense, tout en se félicitant de l’unanimité et de la fermeté de la communauté internationale contre l’Irak, exprime la crainte d’un possible "acte de désespoir" de l’Irak contre Israël à la suite de la décision du Conseil de sécurité. La réaction irakienne, est, évidemment, tout à fait hostile à l’embargo aérien, que Saddam Hussein avait par avance qualifié de "barbare, inhumain et injuste" dans un message pré-enregistré adressé au peuple américain.

Cuba s'oppose à l'intervention étrangère dans le Golfe.
Ouvrant, hier soir à la Havane, en présence de Fidel Castro, la conférence des ministres de l’Information des Pays Non-Alignés, Carlos Rafael Rodriguez, vice-président cubain, a souligné : "Les solutions pacifiques ne sont pas encore épuisées" dans le conflit du Golfe, même si "les circonstances sont devenues plus difficiles". Devant les participants à cette rencontre internationale, parmi lesquels on remarquait les délégations irakienne et koweitienne, le dirigeant cubain a poursuivi : "Une solution négociée est nécessaire et possible", il n’y a pas "d’alternative au dialogue". Carlos Rafael Rodriguez a demandé aux pays non-alignés de "démontrer leur capacité et leur influence" et aux pays arabes de "s’unir et de chercher des solutions communes pour restaurer le droit". Le vice-président cubain a noté : "La mobilisation des Etats-Unis et d’autres forces internationales en Arabie Saoudite et dans le golfe arabo-persique constituent à la fois une menace de guerre qui coûtera la vie à des milliers de soldats et détruira d’incalculables richesses, et une menace de laisser dans cette région une force étrangère".

La Jordanie suspend tous ses vols en provenance d'Irak.
Marwan Kassem, ministre jordanien des Affaires étrangères, annonce à New York que les derniers vols d’Iraqi Airways reliant l’Irak à Amman seront annulés. "La Jordanie, déclare-t-il, a continué jusqu’à présent à permettre un nombre limité de vols d’Iraqi Airways, pour des considérations d’humanité, facilitant la sortie de ressortissants étrangers d’Irak et du Koweit. Ces vols seront maintenant arrêtés, conformément à la résolution 670 du Conseil de Sécurité".

Les troupes françaises s'installent en Arabie Saoudite.
Les unités terrestres françaises attendues en Arabie Saoudite devraient être envoyées sur la base de King Khaled Military City (KKMC), à quelque 180 km de la frontière irakienne. Cet emplacement situé au sud de la ville de Hafar-al-Batin (100.000 habitants), permettrait soit des déploiements d’unités dans la région soit des actions défensives, précise-t-on de source militaire. Camp Khaled mettrait les militaires français en 2ème ligne, derrière et aux côtés d’unités saoudiennes et arabes, notamment égyptiennes. Concernant le commandement des unités françaises, on précise de source militaire que l’autonomie de décision pour un éventuel engagement sera assurée, et que les rapports avec les autres troupes étrangères sur place se traduiront par une "coordination" avec les alliés occidentaux et arabes et une "étroite collaboration" avec les Saoudiens. Les navires civils transportant les forces françaises vers Yanbu atteindront leur destination les 28, 29 et 30 septembre. Pour la trentaine d’avions également attendue en Arabie Saoudite, aucune décision d’emplacement n’a encore été prise.

Le discours de Saddam Hussein est diffusé sur les télévisions américaines.
Le message du Raïs, d’une durée de 75 minutes, dont des télévisions américaines ont diffusé des extraits, répond à celui de George Bush sur les écrans de la télévision irakienne, le 16 septembre. Saddam Hussein y avertit les Américains que leur président est en train de les envoyer à une guerre "pire que le Vietnam". "Car, dit-il, si Bush a le pouvoir de commencer la guerre, il n’aura pas celui de décider quand elle s’arrêtera". Faisant le procès de la politique menée au Proche-Orient par les USA et ses alliés, notamment la Grande-Bretagne, il souligne, face aux critiques qui lui sont adressées de retenir des ressortissants occidentaux en "otages", que les USA avaient placé leurs propres citoyens d’origine japonaise dans des camps d’internement durant la Seconde Guerre Mondiale. Il reproche à Bush de refuser un débat ouvert avec lui, comme il le lui a proposé. Evoquant les lieux saints d’Arabie Saoudite, "souillés" par la présence des armées étrangères, il qualifie les régimes arabes qui les ont appelés ou s’y rallient de "mercenaires" et de "traîtres". "Nous voulons la paix, conclut-il, mais une paix globale et durable. Car une paix superficielle ne conduirait qu’à une plus grande explosion". Et il propose une nouvelle fois de régler les problèmes du Liban et de la Palestine, "autres injustices de l’Histoire", dans le cadre d’une conférence internationale de paix sur l’ensemble du Proche-Orient. "C’est la voie sérieuse qui mènera à une solution", dit-il, mais "Bush l’a refusée avant même d’en avoir vu le texte". Et il rappelle que les USA ont opposé leur véto à 80 des 160 résolutions sur le problème palestinien examinées par le Conseil de Sécurité. Par contre, ils n’ont jamais pris de quelconque mesure contre Israël lors de l’annexion de territoires et de villes arabes.

Quel pays commandera la coalition internationale en cas de conflit ?
La concentration de troupes et de matériel pose avec acuité la question du commandement de cette force disparate, à laquelle participent une dizaine de pays. Si, du côté occidental, chacun parle de coordination, il n’existe pas de commandement unifié. Tous les experts soulignent que, dans une phase de conflit, les forces multinationales devront forcément être intégrées pour se répartir les tâches. Dans une telle hypothèse, le rôle prépondérant reviendrait au pays qui dispose du contingent le plus important, c’est-à-dire les USA. Si le conflit éclate, "l’intégration des forces se fera automatiquement, mais sous commandement américain", reconnaît un expert français cité par l’AFP. Le gros des forces étrangères en Arabie saoudite est constitué par les troupes américaines, qui comptent plus de 110.000 hommes. D'autres pays ont déployé des troupes ou sont en voie de le faire, (France, Grande-Bretagne, Canada, Egypte, Syrie, Maroc, Bangladesh, Pakistan, Sénégal). Face à eux, l’Irak continue à envoyer des renforts au Koweit, où il dispose désormais de 430.000 hommes, selon le Pentagone. Selon la presse américaine, des frictions ont eu lieu entre Américains et Saoudiens sur la question du commandement. Selon ces informations le général Norman Schwarzkopf, commandant en chef américain dans le Golfe avait réclamé l’autonomie de son commandement, après que Riyad eut fait savoir qu’il s’opposerait à toute action offensive à partir de son territoire. Washington avait aussitôt démenti tout différend entre les 2 capitales. Mais Tom King, ministre britannique de la Défense, a reconnu récemment, après une rencontre avec son homologue américain Dick Cheney, que la question de l’unification du commandement allié n’était toujours pas résolue. Il avait clairement laissé entendre que le principal problème concernait le rôle de l’Arabie Saoudite. Il est clair en tout cas, même si Washington ne peut le dire officiellement, que les USA n’ont aucune intention de placer leurs troupes sous un commandement autre qu’américain.

En bref :
   

Le gouvernement français décide le maintien des contrats de travail pour les salariés des salariés des entreprises retenus en Irak qui ont vu leurs contrats suspendus en raison de la crise.

Ils ont dit :
 
Sondage :

Dick Cheney, secrétaire d'Etat américain à la Défense, à propos de l'Irak : "Nous pourrions voir dans ses menaces des derniers jours qu'il pourrait avoir recours à la force militaire en réponse aux sanctions", estimant qu’on entre "dans une période dangereuse, celle où les sanctions commencent à faire effet et ont un impact significatif sur l’économie irakienne. Alors, il pourrait avoir recours à la force pour briser l’étranglement".
Général Alfred Gray, commandant du corps expéditionnaire des Marines américains dans le Golfe : "Nous sommes ici pour faire échec à toute attaque, mais nous savons tous qu’une bonne attaque est la meilleure défense. Nous disposons, sur terre et sur mer, d’une force très, très puissante, souple et extrêmement utile, prête à accomplir ce qui doit l’être (...). Nous allons nous attaquer aux choses sérieuses si cela est demandé".

 

Sondage Marketing Unit - Le Soir, 75% des Belges soutiennent le rôle de leur pays dans l'embargo international contre l'Irak.

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


L'embargo aérien contre l'Irak (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 26 septembre 1990


Saddam Hussein s'adresse aux Américains (1 h 17)
(en anglais) - 26 septembre 1990