lundi 10 septembre 1990

 

Le Premier ministre koweïtien en visite officielle à Paris.
"La France a habitué le Koweït à toujours se tenir aux côtés de la justice et de celui qui est attaqué", a déclaré le Prince héritier et Premier ministre koweïtien à l'Elysée. Selon lui, les discussions avec Mitterrand ont surtout porté sur les mesures à appliquer en cas d'échec du blocus. Il a affirmé que le Koweït n'accepterait jamais rien de moins que les résolutions de l'ONU. L'émirat n'est pas décidé à céder le moindre pouce de son territoire. Interrogé sur une éventuelle démocratisation de la vie politique au Koweït, une fois la souveraineté retrouvée, cheikh Al-Sabah s'est refusé à répondre.

Réactions internationales au lendemain de la rencontre USA-URSS à Helsinki.
En URSS, seule de toute la presse centrale à paraître le lendi, la Pravda consacre sa Une au sommet d’Helsinki. Sous le titre "Nous résolvons les problèmes ensemble", le journal se réjuit de la "nouvelle étape aussi bien dans les relations soviéto-américaines que dans l’histoire mondiale". Et d'ajouter : "La confiance est devenue une forme de diplomatie. On pourra dire que le nom de la ville d’Helsinki sera un symbole dès qu’il sera question des actions soviéto-américaines pour résoudre des problèmes complexes dont, hier, on ne pouvait envisager la solution". La presse britannique est satisfaite de l'entente cordiale entre Américains et Soviétiques. Le Daily Mailtitre : "Ensemble contre Saddam" ; le Daily Mirror: "Nous sommes à tes trousses Saddam" ; The Guardian : "Fermes et unis" ; The Independent : "Les super-puissances s’unissent" ; le Daily Telegraph : "L’entente des superpuissances" ; le Financial Times : "Front commun" ; le Times : "Derniers préliminaires diplomatiques avant la guerre". Et la presse française ? Pour Libération c’est "l’Alliance". Le Figaro voit Bush et Gorbatchev "prêts à durcir le blocus". Le Parisien note "l’Union sacrée". Le Quotidien salue "La raison commune". Les hommes politiques français ne sont pas en reste. L’un d’entre eux, l’ancien ministre des Affaires étrangères Jean François-Poncet compare le sommet d’Helsinki à un iceberg. Il estime que la confirmation de la solidarité entre l’URSS et les USA en avait été "la partie visible", l’autre étant, selon lui la discussion sur l’option militaire. Pour lui, "les Etats-Unis n’ont pas accumulé un formidable arsenal militaire pour aller à la pêche à la ligne dans le Golfe Persique. On sait donc que tôt ou tard l’option militaire se posera." Et l’ancien ministre de Giscard d’Estaing de déceler "une division des rôles, l’URSS assurant la couverture diplomatique, l’opération militaire étant conduite par les Etats-Unis". Faut-il croire le journal finlandais Iltalehti affirmant que des accords secrets auraient peut-être été conclus entre Bush et Gorbatchev ? Le président américain refusant de "lier" la situation dans le Golfe aux autres drames que connaît la région, le gouvernement israélien a fait part de sa satisfaction. Les Palestiniens ont dit leur déception. Ne s’agit-il pas plutôt de colère ? Plus généralement dans le monde arabe et quoi que l’on pense de Saddam Hussein, les déclarations d’Helsinki sur un "nouvel ordre international" sont accueillies avec, pour le moins, de la circonspection.

L'Irak vend son pétrole à bas prix pour les pays pauvres.
Cette annonce est un "appel à la solidarité anti-impérialiste" explique le communiqué officiel. Un geste envers les victimes du "mépris des Occidentaux" qui "tirent des bénéfices éhontés" de la crise. Saddam Hussein semble être prêt à tout pour se trouver des alliés. Mais cela reste difficile : après la venue de Tarek Aziz à Téhéran, le gouvernement iranien annonce qu'il n'aidera pas l'Irak à contourner l'embargo international. Pour la Maison Blanche, cette annonce montre que Saddam Hussein "est désespéré"...

La vie quotidienne des Français otages à Bagdad.
A midi, les Français résidant en Irak et retenus à Bagdad en otages sont au rendez-vous que leur donne tous les 2 jours le chargé d’affaires André Janier. Leur situation demeure inchangée : ils ne peuvent obtenir de visa de sortie. Dans son bureau, Janier leur lit la déclaration finale du sommet d’Helsinki. Elle ne suscite aucune question. On leur annonce l’arrivée de médicaments, de vivres, d’un peu de courrier. La tenue d’un buffet prévu à l’occasion d’une naissance en France a dû être annulée. Tout manque pour l’approvisionner. Il n’y a donc qu’un pot offert par l’ambassade pour fêter l’heureux événement, qu’un père attend avec impatience de célébrer ailleurs. On s’inquiéte des nouvelles des uns et des autres. Le responsable des loisirs de ces réfugiés déplore la baisse de candidatures au restaurant du Novotel où doit se tenir vendredi la finale du concours de boules. Il annonce un prochain tournoi de volley-ball. Les résidents s’occupent mais pour certains le moral commence à être atteint. Ceux qui ont dû quitter leur chantier pour une chambre à Bagdad voient leur pécule filer de jour en jour. Ils trouvent le temps très long, tournent en rond dans la ville et s’inquiètent pour leur famille. Ils attendent de l’aide, des assurances du gouvernement et certains perdent patience. On ne sait toujours rien des 17 Français capturés au Koweït et envoyés près des cibles éventuelles des missiles américains. Le cas le plus dramatique connu jusqu’ici est celui d’une vieille dame de 70 ans qui s’est cassé le col du fémur au Koweït, au moment de l’invasion irakienne. Elle y reste seule dans un hôpital où elle a sombré dans une dépression profonde. Tous les contacts pris par l’ambassade près du gouvernement irakien n’ont pas permis de trouver une solution à ce cas humanitaire inquiétant.

James Baker réclame l'aide militaire des Européens.
En visite à Bruxelles, le secrétaire d'Etat américain James Baker demande aux Alliés européens de contribuer au renforcement du dispositif militaire. Une aide qui peut être concrétisée par l'envoi de soldats, mais aussi par un soutien logistique accru. A ses alliés de l'OTAN, le chef de la diplomatie américaine demande en particulier des moyens de transports pour acheminer des renforts vers le Golfe et transporter les réfugiés. Plusieurs pays ont répondu favorablement à la requête, parmi lesquels la RFA (des navires et des gros porteurs), les Pays-Bas (moyens de protection contre les armes chimiques), la Belgique et la Norvège (aides à l'évacuation des réfugiés), le Danemark (2 navires pour le transport des troupes égyptiennes) et la Grèce (3 navires marchands). James Baker est cependant clair : si ce soutien logistique accru est primordial, l'envoi de forces terrestres supplémentaires par les Alliés est vivement souhaité par les USA, "même si elles ne sont que symboliques"...

Libération d'otages occidentaux.
Les autorités irakiennes libèrent plusieurs centaines d'otages occidentaux. Un appareil des Iraqui Airways en provenance de Bagdad atterrit à Londres avec 438 personnes à bord, dont 186 Britanniques, 165 Américains, 32 Irlandais. Un charter venant d’Amman atterrit à Charleston (Caroline du Sud) transportant plus de 300 Américains qui vivaient au Koweït. Ce sont pour la plupart des femmes et des enfants.

Reprise des relations diplomatiques URSS - Arabie Saoudite.
Le prince Saoud al-Fayçal, ministre saoudien des Affaires étrangères, a déclaré hier que "des contacts sérieux sont établis entre l'Arabie Saoudite et l’URSS en vue d’établir des relations diplomatiques", inexistantes depuis 1939, en dépit de liens économiques anciens. Faisant état d’une "entente sur l’ensemble des questions", il envisage de se rendre cette semaine dans la capitale soviétique.

En bref :
   

Les flottes européennes, américaines et arabes décident de coordonner leurs actions pour rendre plus efficaces les sanctions imposées à l'Irak.

Selon l’agence de presse irakienne INA, des Soudanais regroupés à Kirkouk, un camp situé à 250 km au nord de Bagdad, s’entraîneraient au combat et devraient être rejoints par des citoyens d’autres pays.

Iris et Myosotis, accompagnés de Zinnia, dragueurs de mines et navire logistique belges, entrent dans le canal de Suez en direction du Golfe.

Craignant pour sa sécurité, manquant de vivres et d’eau, l’ambassadeur Birger Dan Nielsen, seul diplomate du Danemark encore en poste au Koweït, doit gagner Bagdad où tous ses collègues suédois et norvégiens l’ont précédé.

La France met en place à Yanbu (Arabie Saoudite) un détachement de l'Aviation légère de son armée de Terre. Il est composé de 100 hommes et 6 hélicoptères.

Aux cris de "Nous ne combattrons pas pour Texaco" (compagnie pétrolière américaine), et de "De l’argent pour l’éducation, pas pour la guerre", des opposants à l’intervention militaire manifestent à Seattle (USA), où, depuis le 26 août et jusqu’au "règlement pacifique" de la crise, des militants maintiennent une présence permanente.

La CEE affrète un Boeing 747 d'Air France pour rapatrier vers Dacca environ 2.000 Bangladeshis coincés dans les camps de la frontière jordano-irakienne.

La Finlande, la Suède et la Norvège décident d'évacuer leurs ambassades et consulats du Koweït.

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L’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le gouvernement koweïtien en exil annoncent pour la première fois la somme qu'ils s'engagent à verser pour soutenir l'effort militaire américain : 12 milliards de dollars.

A Bagdad, plusieurs milliers d’Irakiens défilent contre la guerre devant l’ambassade des USA.

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :
George Bush, président des Etats-Unis : "Si les Soviétiques décidaient d'envoyer des troupes dans la région du golfe, nous en serions heureux. Mais je n'ai rien demandé".
Jean-Pierre Chevènement, ministre français de la Défense, à propos de son pacifisme critiqué : "Il vaut mieux que les Français aient un ministre de la Défense qui ait du sang froid. (...) Quand on a la responsabilité d'engager des vies humaines, on y regarde à 2 fois." (Télévision française TF1).
Mikhaïl Gorbatchev, président de l’URSS : Le sommet est un succès et a montré "le haut niveau de responsabilité des 2 gouvernements (américain et soviétique) face au destin de leurs peuples et du monde (...) Ceci ouvre la voie à une nouvelle forme de coopération et à une plus grande confiance, et ce sont des prémisses extrêmement importantes. Nous sommes entrés dans une nouvelle période."
Cheikh Djaber Moubarak al Sabah, ministre koweïtien de l’Information en exil : "La question des otages ne doit pas affecter la libération du Koweït (...) Il ne fait aucun doute qu’une action militaire demeure le seul facteur décisif et efficace pour obliger l’Irak à partir.
James Baker, secrétaire d'Etat américain : "Je crois qu’on pourrait apporter comme conclusion à la conférence de presse que les Soviétiques n’ont pas encore accepté le recours à la force, mais le simple fait que nous ayons une déclaration commune qui n’exclut pas cette option et qui dit que des mesures supplémentaires seront envisagées, fait, je crois, progresser la position des Soviétiques."
Jacques Calvet, P-DG de PSA-Peugeot-Citroën, à propos des conséquences de la crise du Golfe sur le marché automobile européen : "sans être d’un optimisme béat", il retient "la thèse la moins pessimiste".
L'ambassadeur irakien au Japon : Le Japon est devenu "un partenaire à part entière de l’agression" et " en partie liée avec l’intervention des Etats-Unis et du colonisateur britannique" (Quotidien japonais Mainichi).
Abou Abbas, chef du Front de Libération de la Palestine, menace les USA : "Nous utiliserons de nombreux moyens pour atteindre notre but" (Quotidien américain Wall Street Journal).
Margaret Thatcher, Premier ministre britannique, souligne les "très bons résultats" du sommet qui ont montré "au monde que les 2 superpuissances ne font plus qu’un pour assurer que sera fait ce que l'ONU a dit qu’il fallait faire".
George Bush, président des Etats-Unis : "Je ne pouvais pas être plus satisfait" des résultats du sommet d’Helsinki. "Le plus important est qu’il y ait eu un appel de clairon pour l’exécution des sanctions".
Valéry Giscard d'Estaing, ancien président de la France : "La France doit continuer d’agir, comme elle le fait d’ailleurs, pour tenir énergiquement cette coalition et pour boucher toutes les failles du blocus irakien" (Radio française RTL).
 

Hebdomadaire américain US News and World Report : "Avant l’invasion du Koweit par l’Irak, Bush commençait à être critiqué pour la récession dans laquelle entrent les USA. Mais depuis le 2 août, les choses ont changé pour Bush qui est passé de l’appellation de président de la récession à celle du président de la diplomatie mondiale. De plus, c’est à présent Saddam Hussein qui sera tenu pour responsable de la récession par l’opinion américaine".
Quotidien américain Wall Street Journal : Les USA et l’URSS "ont beaucoup d’intérêts et d’alliés différents au Proche-Orient".

Chronologie des événements - septembre 1990

Alors que l'ONU tente des médiations à Bagdad, l'Irak libère plusieurs centaines d'otages.
Partout dans le monde, l'opposition à Saddam Hussein grandit. L'URSS soutient les Américains et manoeuvre pour la paix.

USA et URSS s'unissent contre l'Irak. Les pays du Golfe mettent la main à la poche, la France lance l'opération Busiris aux Emirats Arabes Unis et le Sénégal se joint à la coalition internationale.
Pour contrer la coalition, l'Irak se trouve un allié : l'Iran.
A Koweït-City, l'armée irakienne pille les ambassades de France, du Canada, des Pays-Bas et de Belgique.En réponse, la France lance l'opération Daguet et le Canada envoie des avions de guerre en Arabie Saoudite...

Au Koweït, les ambassades ferment les unes après les autres. Les Koweïtiens franchissent par milliers la frontière koweïto-saoudienne réouverte.
Venus d'Egypte, d'Italie ou d'Argentine, les soldats débarquent par centaines en Arabie Saoudite.

Les hommes de Daguet partent pour le Golfe devant des dizaines de journalistes. De son côté, le Clem atteint les eaux saoudiennes.
Devant les Nations Unies, Mitterrand prêche la paix. L'Irak est satisfait, pas les Etats-Unis... Après maintes tergiversations, l'URSS renonce finalement à envoyer des troupes dans le Golfe.
Désormais, le baril de pétrole s'échange à 41 $ à la bourse de Tokyo. Un record !

 

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En vidéo


L'Irak se tourne vers l'Iran (24 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 10 septembre 1990


Rencontre Bush - Gorbatchev (2 minutes)
Seven - Télévision australienne (extrait en anglais) - 10 septembre 1990