mercredi 9 janvier 1991

François Mitterrand défend la position de la France dans la crise.
Répondant aux questions de la presse internationale, François Mitterrand rappelle les objectifs de la France, dont le principal reste la paix. "Nous sommes au service de la paix" a affirmé le chef de l'Etat, en précisant toutefois qu'on "ne sauve pas la paix par l'abandon des principes qui établissent l'équilibre entre les nations". Il n'est donc pas question pour le Président d'un report de l'ultimatum fixé au 15 janvier, pour quelque raison que ce soit. Cependant, un débat n'est pas exclu au cas où, grâce à la conférence de Genève toujours en cours, les 2 partis trouveraient un accord. Mitterrand a par ailleurs exclu une visite officielle à Bagdad pour prêcher la paix dans la mesure où "les conditions ne sont pas réunies" pour être entendu par Saddam Hussein. Le Président profite également de cette conférence de presse (débutée 15 minutes en retard à la demande des chaînes de télévision au cas où se clôturerait la conférence de Genève) pour rappeler qu'aucun membre du contingent ne se trouvera dans la région du Golfe si la guerre éclate et pour annoncer une prochaine réunion extraordinaire du Parlement. Mais l'optimisme n'est plus de mise : après le 15 janvier, "le conflit devient quasiment certain"...

Peu après la conférence de presse de François Mitterrand, Marlin Fitzwater, porte-parole du gouvernement américain, déclare que "si les efforts de la France peuvent être utiles, nous les accueillons favorablement".

Rencontre historique entre James Baker et Tarek Aziz à Genève.
Situé à quelques mètres seulement de la mission diplomatique du Koweït en Suisse et du bâtiment des Nations Unies, l'Hôtel Intercontinental de Genève est de nouveau le centre de toutes les attentions, 5 ans après la rencontre historique Gorbatchev-Reagan mettant un terme à la Guerre Froide. Mais cette fois-ci, le marathon diplomatique n'a rien donné. Après 6h30 de discussion avec le ministre irakien des Affaires étrangères, James Baker a dressé un constat d'échec : "A mon grand regret, je n'ai rien entendu qui montre la moindre souplesse dans les positions de l'Irak." Pourtant, la longueur inattendue de la rencontre suscitait l'espoir des observateurs. Les discussions ont été "courtoises", mais 2 logiques contradictoires se sont opposées. Pour l'Irakien, il est incorrect de prétendre que son pays évalue mal la situation : "Nous connaissons les forces massées à nos frontières et les menaces qui pèsent sur nous." Le secrétaire d'Etat américain souligne que le gouvernement irakien a commis de nombreuses erreurs de calcul dans le passé : "Espérons qu'il ne se trompera pas encore une fois." La journée a été ponctuée par un petit incident : Tarek Aziz a refusé la lettre que George Bush avait rédigée à l'intention de Saddam Hussein. Motif : le langage n'est pas "celui qui doit être utilisé entre chefs d'Etat" ! Le chef de la diplomatie américaine n'a toutefois pas fermé la porte à une solution politique, malgré les menaces qu'a lancé Tarek Aziz à l'encontre d'Israël. L'Américain s'est déclaré favorable à toutes les initiatives diplomatiques susceptibles d'éviter un affrontement : "Le chemin vers la paix reste ouvert. C'est aux Irakiens de faire le bon choix..."

Le yoyo des bourses occidentales.
Les bourses occidentales n'ont cessé de jouer au yo-yo durant toute cette journée. Les yeux des investisseurs du monde entier étaient rivés sur les écrans de télévision retransmettant CNN en direct de Genève. A Paris, chaque information de CNN provoquait une hausse du CAC 40. Ainsi, au début de la conférence de Genève, le CAC 40 grimpait de 0,7%. Lors de la 1ère suspension des négociations, l'indice augmentait de 2,8%. A 16h, lorsqu'un officiel annonçât la prolongation inattendue des discussions provoquant l'espoir des observateurs, la Bourse augmentait de 3,4%, pour achever la séance à + 3,29% lors de la 2ème suspension des débats. L'échec des négociations étant annoncé dans la soirée, les investisseurs s'attendent à une très forte baisse pour demain matin.

Mesures d'économie d'énergie en France.
Face aux risques de guerre et à une pénurie de pétrole en cas d'aggravation de la crise du Golfe, le gouvernement français a annoncé hier plusieurs mesures d'économie d'énergie. Le respect des limitations de vitesse (les contrôles seront renforcés), le réglage optimal des carburateurs des véhicules et la température maximale des foyers, bureaux, magasins... fixée à 19°c permettraient d'économiser 2 millions de tonnes de pétrole cette année. Et si la situation dans le Golfe empire, la vitesse sera limitée à 120 km/h sur autoroute au lieu des 130 habituels, la circulation sera interdite le dimanche, alternée un jour sur 2 en semaine et 2 jours de congé par semaine seront imposés à toutes les stations-services du pays, ce qui permettrait une économie de 2 millions de tonnes de pétrole supplémentaires. Cependant, le gouvernement précise que la France peut vivre durant 100 jours sur ses réserves pétrolières. Conséquence de cette annonce : la population se rue ce matin sur les stations-essence...

Fuite des diplomates européens de Bagdad.
Une réunion exceptionnelle regroupant les diplomates de 11 pays de la CEE en poste à Bagdad devait se tenir ce soir dans la capitale irakienne pour aborder un sujet grave : l'évacuation de l'Irak par tous les ressortissants de la Communauté avant le 15 janvier. Mais les diplomates allemands ont quitté leur ambassade dans la matinée, provoquant l'étonnement de leurs collègues. Et en fin d'après-midi, les diplomates grecs quittent le pays sans prévenir. La réunion est donc annulée...

En bref :
   

Le ministère français des Affaires étrangères réclame officiellement le retour en Métropole de tous les ressortissants français encore présents au Moyen-Orient.

La compagnie aérienne française UTA annonce la suspension de ses vols hebdomadaires vers le Bahreïn.

Les autorités espagnoles décident l'envoi de masques à gaz pour tous leurs personnels diplomatiques de la région du Golfe.

Dans l'émirat du Koweït, où l'armée irakienne continue à renforcer ses positions, les autorités ont décrété l' état d'alerte maximale dans les hôpitaux.

Les recteurs des mosquées de Paris et de Marseille se rendent à Bagdad pour assister à une conférence islamique regroupant toutes les tendances religieuses irakiennes, provoquant les inquiétudes de l'Occident qui en voit cette réunion des préparatifs d'actes terroristes.

Un hôpital militaire part de Rennes pour rejoindre les troupes françaises de Daguet en Arabie Saoudite.

Ils ont dit :
 
Sondage :

Saddam Hussein, président d'Irak : "Nous ferons baigner les Américains dans leur propre sang ".
George Bush, président des Etats-Unis : "Je n'ai plus grand espoir pour une solution diplomatique".
Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix : La guerre qui se prépare est "une guerre juste" (Télévision française Antenne 2).

 

Etats-Unis : Seulement 46% des Américains (contre 47% qui préconisent l'attente) sont favorables à une intervention militaire contre l'Irak. Il s'agit du plus faible pourcentage pro-guerre depuis le début de la crise du Golfe. Ce phénomène se ressent dans tout l'Occident. En fait, plus la fin de l'ultimatum approche, plus les populations sont inquiètes.

 

Lu dans la presse :

La presse américaine s'interroge sur les divergences franco-américaines. Même si tous les quotidiens américains s'accordent à dire que les efforts de paix déployés par la France sont louables, ils restent pessimistes sur son rôle face à la "résignation" du gouvernement américain.

 

Chronologie des événements - janvier 1991

Les places financières s'effondrent, l'inquiétude des populations et le prix de l'essence augmentent. L'Occident redoute des attaques terroristes en cas de conflit. Le tourisme international est paralysé, les compagnies aériennes en pâtissent. A Genève a lieu la rencontre de la dernière chance entre Tarek Aziz et James Baker. C'est l'échec : l'Irak menace Israël, l'Amérique menace l'Irak...

Les pacifistes du monde entier se mobilisent. A Bagdad, les ambassades ferment les unes après les autres, et en Israël, la population s'équipe en masques à gaz. Sur toutes les télévisions, le compte à rebours est enclenché. Et l'ultimatum de l'ONU expire... Le Parlement français vote pour la guerre. Les journalistes venus du monde entier s'entassent dans les hôtels de Riyad où les exercices d'alerte s'enchaînent.

En direct sur CNN, l'aviation américaine lance l'opération Tempête du désert. L'Irak riposte en lançant des missiles sur l'Arabie Saoudite et Israël. Le monde entier incite l'Etat hébreu à ne pas riposter. Une attaque israélienne contre l'Irak provoquerait la fin de la coalition arabo-occidentale. Capturés par les troupes irakiennes, 7 pilotes alliés sont exhibés sur Radio-Bagdad.

En plein conflit, Saddam Hussein accorde une interview à CNN. Alors que l'Irak est bombardé sans relâche, l'aviation irakienne trouve refuge en Iran.
Les Irakiens provoqueraient une marée noire dans le Golfe pour éviter un débarquement allié au Koweït. Les troupes terrestres irakiennes passent à l'attaque en Arabie Saoudite. La contre-offensive alliée est importante. Après 2 jours de combats acharnés, l'armée irakienne subit un lourd revers.

 

février 1991

Galerie de photos
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En vidéo

Conférence de presse de François Mitterrand (1h05)
Antenne 2 - Edition spéciale à 18h15 (extrait) - 9 janvier 1991


Edition spéciale "conférence de Genève" (14 minutes)
TF1 - Edition spéciale à 18h - 9 janvier 1991


Echec de la conférence de Genève (29 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 9 janvier 1991


Déclaration de Bruno Mégret
FR3 - Journal de 22h30 (extrait) - 9 janvier 1991


Echec de la rencontre Aziz - Baker (3 minutes)
FR3 - Journal de 22h30 (extrait) - 9 janvier 1991


Déclaration de James Baker (1 minute)
FR3 - Journal de 22h30 (extrait) - 9 janvier 1991


Rencontre Tarek Aziz - James Baker (19 minutes)
Antenne 2 - Journal de 20h (extrait 1) - 9 janvier 1991


Rencontre Tarek Aziz - James Baker (8 minutes)
Antenne 2 - Journal de 20h (extrait 2) - 9 janvier 1991


Déclaration de Tarek Aziz et John Major dans le Golfe (4 minutes)
ITN - Télévision britannique (extrait en anglais) - 9 janvier 1991