mardi 15 janvier 1991

Raids aériens américains en Irak.
Des raids aériens américains se succèdent dans le ciel irakien. Une trentaine de F-117 de l'US Air Force est chargée de tester, sans faire usage de son armement, les radars et les défenses anti-aériennes de l'Irak. Certains appareils auraient survolé Bagdad.

Les troupes françaises sous commandement américain.
D'après le Premier ministre français Michel Rocard, "le moment du recours à la force est arrivé (...) alors que nous avons tout fait pour l'éviter". Il accuse également Saddam Hussein de refuser toutes les tentatives pour renouer pacifiquement la crise. De ce fait, il annonce que les forces française du dispositif Daguet seront placées sous contrôle opérationnel américain dès le début des hostilités. En attendant, la sérénité règne au sein des troupes françaises, qui ont décidé, malgré l'approche de l'expiration de l'ultimatum de l'ONU, de ne rien changer à leurs habitudes. Et pour lutter contre l'anxiosité, l'intendance varie au maximum les repas. Menu du jour à quelques heures de la guerre : avocat au crabe, magret de canard, salade d'endives et glace, le tout arrosé de "Château Lapompe" et d'Orangina...

Manifestations contre la guerre en France.
En France, les pacifistes restent mobilisés toute la journée. Ils sont plus de 2.000 à manifester à Cherbourg, où 12.000 signatures ont été recueillies pour une pétition contre la guerre. On compte également 12.000 signatures en Corrèze (6.000 à Tulle, 4.000 à Brive...). A Besançon, 6 étudiants ont été arrêtés pour avoir taggé des slogans anti-guerre. Leur arrestation a provoqué une manifestation devant la Maison du peuple de la ville. A Toulouse, les pacifistes ont jeté du colorant rouge dans les fontaines de la ville. Les professeurs d'un lycée de Seine-Saint-Denis menacent de faire grève si la guerre éclate tandis que des lycéens ont bloqué les voies de la gare de Vitry-sur-Seine. A Carcassone, c'est le train Paris - Port-Bou qui a été bloqué. Plus de 2.500 manifestants armés de bougies ont aussi défilé à Champigny, 300 à Orly et Arcueil, 500 à Rennes où des mères de soldats stationnés en Arabie Saoudite ont plaidé contre la guerre ...

Etat de siège au Maroc.
Le roi Hassan 2 met en garde sa population contre toute manifestation de rue, soulignant qu'il n'hésitera pas à décréter l'état de siège dans le pays au moindre incident qui ferait suite à une guerre dans le Golfe. "Tous ceux qui tenteraient de troubler l'ordre public seront considérés comme voleurs et pillards et traduits devant la justice militaire en vertu de l'état de siège que nous décréterons au moindre incident en vertu de la Constitution" a expliqué le souverain.

Fermeture de l'ambassade de France de Bagdad.
A Bagdad, la dernière ambassade occidentale encore ouverte, l'ambassade de France, ferme ses portes. Les autorités françaises ont préféré attendre la dernière minute pour prendre cette décision. En quittant Bagdad pour Amman, André Janier, chargé d'Affaires français en Irak, avoue partir "avec peine. La mission des diplomates est de préserver la paix. Mais ici, les diplomates ont échoué". Il ne reste plus désormais que 35 Français en Irak, pour la plupart journalistes. Et mises à part les ambassades des pays arabes, seules les missions diplomatiques d'URSS et de Yougoslavie sont encore ouvertes.

L'inquiétude des Saoudiens.
L'inquiétude générale s'intensifie en Arabie Saoudite. Alors que la population fuit par centaines la capitale qui pourrait être victime des SCUD irakiens, pour les villes plus tranquilles du sud du pays, de nombreux produits se raréfient dans les grandes surfaces. Ainsi, les bouteilles d'eau minérale et les lampes de poche deviennent introuvables dans les commerces de Riyad...

Manifestations contre la guerre aux Etats-Unis.
Aux USA, les pacifistes restent mobilisés. Ils sont plusieurs milliers à défiler à Chicago et San Francisco. A Washington, les manifestants s'en prennent à Saddam Hussein : "Arrêtez moi avant que je ne tue encore". A Los Angeles, on rappelle que "la guerre n'est pas un jeu". A Hartford (Connecticut), les manifestants défilent contre la guerre en brandissant des portraits de Martin Luther King. Des centaines de bougies assemblées en forme de coeur symbolisent la flamme de la paix. A Boston, les pacifistes reprennent le titre d'une célèbre chanson de John Lennon : "Give peace a chance" (donne une chance à la paix). D'ailleurs, la dernière version de ce tube, interprétée par son fils Sean et sortie aujourd'hui, passe en boucle sur la plupart des radios américaines depuis ce matin.

L'armée française choquée par une émission diffusée sur TF1.
Un jeune appelé du contingent va être mis aux arrêts pour 10 jours après avoir plaidé contre la guerre, en uniforme, dans l'émission Ciel mon mardi sur la télévision française TF1. "Cette guerre, on ne s’y retrouve pas" a expliqué le jeune soldat de 20 ans, arborant un badge portant le célèbre vers de Prévert : "Quelle connerie la guerre !" Balayant d'un revers de main les sanctions qu'il risquait, il a poursuivi : "Ça va être des milliers de morts. Ce n’est pas une guerre pour défendre la France. Car si mon pays est attaqué, je le défendrais. L’Irak, je ne me sens pas concerné, c’est une magouille de fric". Ses supérieurs expliqueront cette mise aux arrêts par un "grave manquement au droit de réserve"...

L'exil des Musulmans de France.
Depuis quelques jours, la communauté musulmane de France (près de 5 millions d'individus) est très inquiète. Bon nombre de Musulmans s'exilent à l'étranger. Plus de 12.000 Tunisiens ont déjà plié bagages à Nice. Plusieurs centaines ont également quitté la Corse. Selon le collectif anti-raciste Ava Basta, les immigrés partent "à cause du climat raciste actuel". A l'aéroport de Toulon, tous les vols à destination de l'Algérie sont complets pour tout le mois de janvier. "Tous m'ont dit qu'ils avaient peur des représailles" explique un employé de l'aéroport. Les autorités françaises redoutent désormais un exil massif des Musulmans ou des affrontements intercommunautaires dans les prochains jours...

En bref :
   

Une manifestation contre la guerre rassemble dans les rues de la capitale irakienne, d'après Radio-Bagdad, le plus grand nombre de personnes de toute l'histoire du pays. La population a en effet répondu à l'appel des autorités, qui ont fait de ce jour exceptionnellement férié, un message fort contre la machine de guerre américaine.

A quelques heures de l'expiration de l'ultimatum de l'ONU, les marchés financiers respirent. Alors qu'à la Bourse de Londres, le prix du brent de la Mer du Nord passe sous la barre symbolique des 30 dollars, la Bourse de Paris clôt sur une hausse de 1,12%.

Le Premier ministre canadien, Brian Mulroney, annonce que les forces canadiennes en présence dans le Golfe seront placées sous commandement américain.

Le général Dan Shomron, chef d'état-major de l'armée israélienne, indique que la mise en place du dispositif de l'armée israélienne est achevée et peut parer à une éventuelle attaque irakienne.

Les forces de sécurité chypriotes, ainsi que les bases militaires britanniques implantées sur cette île sont placées en état d'alerte générale.

En France, le leader d'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, fermement opposé à la guerre contre l'Irak (il a en effet soutenu publiquement l'invasion du Koweït par l'Irak et s'est rendu à Bagdad pour rencontrer Saddam Hussein et lui apporter son soutien), propose un plan de paix au Président Mitterrand.

38 jours. C'est le temps qu'aura mis le Bateau de la Paix pour arriver au port irakien d'Umm Qasr. Parti d'Alger, il avait été affrété par des Musulmanes, des pacifistes et des défenseurs du régime de Saddam Hussein. Ses cales remplies de vivres avaient été vidées par les patrouilleurs de la force multinationale.

Les autorités de Tokyo font part de la fermeture temporaire de l'ambassade japonaise de Bagdad.

Selon le Pentagone, l'Irak disposerait de 700 missiles à longue portée. Soit 400 SCUD-B d'une portée de 350 à 450 km, 250 Al-Hussein ayant une portée de 600 km et 50 Al-Habbas pouvant atteindre une cible jusqu'à 800 km.

Les autorités thaïlandaises décident de placer leur armée en état d'alerte générale.

L'ultimatum de l'ONU expire bientôt...
"Je presse le président Saddam Hussein de commencer sans délai le retrait total des troupes irakiennes du Koweït. Une fois que ce processus sera bien amorcé, je lui donne l'assurance, sur la base des engagements reçus des gouvernements au plus haut niveau, que ni l'Irak ni ses forces ne seront attaquées par ceux qui ont organisé la coalition internationale contre son pays." Ainsi s'exprime Javier Perez de Cuellar, Secrétaire général des Nations Unies dans un dernier appel aux autorités de Bagdad 6 heures à peine avant l'expiration de l'ultimatum. Pour des centaines de milliers de militaires déployés dans tout le Golfe comme pour les diplomates au siège de l'ONU, jamais le temps n'aura semblé aussi long. L'heure H a presque sonné: elle a été fixée à ce soir, minuit, heure de New York, par le Conseil de sécurité. Les ultimes efforts de Perez de Cuellar sont restés vains face à l'intransigeance de Saddam Hussein. Les diplomates et hommes politiques qui ont quitté Bagdad il y a 3 jours, vont devoir céder la place aux militaires. A la Maison Blanche, à l'Elysée, au 10 Downing Street, on compte les heures. Les populations occidentales vivent dans la hantise des attentats tandis que des milliers de journalistes venus du monde entier attendent impatiemment la fin de l'ultimatum dans leurs hôtels de Riyad. Les vols civils vers le Golfe ont été suspendus jusqu'à nouvel ordre. En Israël, la population angoissée scrute le ciel alors que le gouvernement a promis de riposter à toute attaque de missiles irakiens. Sur toutes les télévisions du monde, le compte à rebours est enclenché. Sur le terrain, les soldats de la coalition, envoyés par une trentaine de pays, sont en état d'alerte rouge depuis 36 heures..;

Ils ont dit :
 
Lu dans la presse :

Evgueni Primakov, conseiller spécial pour le Proche-Orient de Mikhaïl Gorbatchev : "Si Saddam est sûr qu'il n'a le choix qu'entre mourir et se mettre à genoux pour mourir plus tard, il préférera la guerre, où tout le monde perdra."
Denis Healey
, ancien ministre britannique de la Défense : "C'est la troisième fois en 40 ans que je vois une grande nation marcher comme un somnambule vers un désastre, les yeux ouverts et le cerveau fermé".
Professeur Crutzen, de l'Institut de Chimie Max-Plank de Mayence (Allemagne) : Si les puits de pétrole du Koweït sont incendiés, "toute l'agriculture européenne pourrait être touchée et de vastes régions deviendraient inhabitables".
Vaclav Havel, président de la Tchécoslovaquie, appelle ses soldats présents en Arabie Saoudite à "défendre la Liberté".

 

La presse soviétique s'oppose de plus en plus à un conflit dans le Golfe. Ainsi, le quotidien russe La Gazette Littéraire estime que "bon nombre de généraux russes gardent toute leur amitié pour Saddam Hussein".

Attentat :

Tunisie : Un peu avant minuit, un homme armé pénètre dans le salon d'une villa de Carthage, près de Tunis, et fait feu sur Abou Iyad, bras droit de Yasser Arafat, et sur ses adjoints Fakhri al-Amri et Hael Abdel Hamid. Les soupçons de l'OLP se portent aussitôt sur Israël et le Mossad, qui nient toute implication. Pourtant, avec le soutien d'Arafat pour Saddam Hussein, les pistes sont nombreuses...

 

Minuit : l'ultimatum de l'ONU expire

Chronologie des événements - janvier 1991

Les places financières s'effondrent, l'inquiétude des populations et le prix de l'essence augmentent. L'Occident redoute des attaques terroristes en cas de conflit. Le tourisme international est paralysé, les compagnies aériennes en pâtissent. A Genève a lieu la rencontre de la dernière chance entre Tarek Aziz et James Baker. C'est l'échec : l'Irak menace Israël, l'Amérique menace l'Irak...

Les pacifistes du monde entier se mobilisent. A Bagdad, les ambassades ferment les unes après les autres, et en Israël, la population s'équipe en masques à gaz. Sur toutes les télévisions, le compte à rebours est enclenché. Et l'ultimatum de l'ONU expire... Le Parlement français vote pour la guerre. Les journalistes venus du monde entier s'entassent dans les hôtels de Riyad où les exercices d'alerte s'enchaînent.

En direct sur CNN, l'aviation américaine lance l'opération Tempête du désert. L'Irak riposte en lançant des missiles sur l'Arabie Saoudite et Israël. Le monde entier incite l'Etat hébreu à ne pas riposter. Une attaque israélienne contre l'Irak provoquerait la fin de la coalition arabo-occidentale. Capturés par les troupes irakiennes, 7 pilotes alliés sont exhibés sur Radio-Bagdad.

En plein conflit, Saddam Hussein accorde une interview à CNN. Alors que l'Irak est bombardé sans relâche, l'aviation irakienne trouve refuge en Iran.
Les Irakiens provoqueraient une marée noire dans le Golfe pour éviter un débarquement allié au Koweït. Les troupes terrestres irakiennes passent à l'attaque en Arabie Saoudite. La contre-offensive alliée est importante. Après 2 jours de combats acharnés, l'armée irakienne subit un lourd revers.

 

février 1991

Galerie de photos
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En vidéo


L'approche de l'expiration de l'ultimatum de l'ONU (26 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 15 janvier 1991


Déclaration de Jean-Pierre Chevènement, ministre de la Défense (1 minute)
FR3 - Journal de 22h30 (extrait) - 15 janvier 1991


Interventions contre la guerre (1 minute)
TF1 - Ciel mon mardi ! (extrait) - 15 janvier 1991


Le parlement irakien vote pour la guerre (5 minutes)
TVNZ - Télévision néo-zélandaise (extrait en anglais) - 15 janvier 1991


Expiration de l'ultimatum de l'ONU (8 minutes)
TVNZ - Télévision néo-zélandaise (extrait en anglais) - 15 janvier 1991


Expiration de l'ultimatum de l'ONU (2h43)
CBS - Télévision américaine - Edition spéciale (en anglais) - 15 janvier 1991


Expiration de l'ultimatum de l'ONU (8 minutes)
RAI 2 - Télévision italienne - Edition spéciale (en italien) - 15 janvier 1991