Certaines informations qui suivent sont invérifiables. C'est le résultat du black-out imposé aux médias (nos principales sources) par les états-majors alliés durant les premières 48 heures de l'offensive terrestre.
Toutes les heures sont données en GMT.
Heure du Québec et de Washington : GMT - 5
Heure de Londres : GMT
Heure de Paris, Berlin et Bruxelles : GMT + 1
Heure de Tel-Aviv et Le Caire : GMT + 2
Heure de Moscou, Bagdad, Riyad et Koweït-City : GMT + 3 |
5ème jour de l'offensive terrestre
La guerre minute par minute :
1h00 : Les combats se poursuivent.
Des accrochages ont lieu entre la Garde républicaine irakienne et les blindés américains. Les bombardements nocturnes de Bagdad et de Bassorah se poursuivent. L'état-major allié annonce que plus de 50.000 prisonniers irakiens sont rassemblés dans des camps. Plusieurs milliers d'entre eux ne souhaiteraient pas retourner en Irak. Mais sur le terrain, les militaires ont dû renoncer à tenir un compte exact des prisonniers. L'aviation alliée a largué plus de 4 millions de tracts au-dessus des lignes irakiennes les invitant à se rendre.
2h00 : L'Irak accepte toutes les résolutions de l'ONU.
Le Président du conseil de sécurité de l'ONU (l'ambassadeur du Zimbabwe) et le secrétaire général de l'ONU, Javier Perez de Cuellar, reçoivent une lettre historique. Le ministre irakien des Affaires étrangères, Tarek Aziz, y affirme que son pays accepte "sans condition" les 12 résolutions du Conseil de sécurité. Une lettre qui aura certainement son rôle dans la décision prise par George Bush d'arrêter le conflit. Par contre, c'est par Radio-Bagdad que viendra plus tard la réponse au cessez-le-feu décrété par Washington. La télévision irakienne annoncera que "les forces armées irakiennes (...) ont reçu l'ordre de cesser le combat".
2h00 : Discours de George Bush : le cessez-le-feu.
"Le Koweït est libéré. Nos objectifs militaires sont atteints. Le Koweït est à nouveau dans les mains des Koweïtiens, qui contrôlent maintenant leur propre destin." Il est 21h à Washington, 3h du matin le jeudi 28 février à Paris et 5h du matin dans le Golfe. George Bush prend la parole en direct de son bureau ovale à la Maison Blanche pour annoncer "avec plaisir" le cessez-le-feu. Il s'agit du direct le plus regardé de la planète.
A minuit à Washington, exactement 100 h après le déclenchement de l'offensive terrestre et 6 semaines après le début de l'opération Tempête du désert, les forces alliées cesseront le combat. Cependant, pas de triomphalisme exagéré dans le discours de George Bush, qui ne manquera pas de souhaiter une "très bonne nuit" à ses concitoyens...
Radio-Bagdad, qui cherche à transformer la défaite irakienne en victoire, n'annonce le cessez-le-feu que 3h après les télévisions du monde. Partout dans le monde, c'est l'euphorie. Alors qu'au sein de l'armée française, le clairon sonne le cessez-le-feu (tradition napoléonienne) pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, les Israéliens descendent dans les rues de Tel-Aviv pour exprimer leur joie. Désormais, les abris anti-chimiques ne sont plus utiles. Les Koweïtiens défilent, bannière étoilée à la main, en qualifiant Bush, Mitterrand, Major et Fahd de grands dirigeants. De nombreux coups de feu retentissent dans les rues de Bagdad pour célébrer la fin de la guerre, et les Américains attendent le retour de leurs héros avec impatience. Seul bémol : les Jordaniens, déçus par la défaite irakienne, manifestent à Amman contre ce que le roi Hussein de Jordanie appelle "l'arrogance américaine".
8h00 : Radio-Bagdad fait savoir que les troupes irakiennes ont reçu l'ordre de cessez-le-feu : "Vous avez combattu avec courage, désormais faîtes retraite". Le présentateur déclare que l'Irak accepte, par écrit et sans condition, toutes les résolutions de l'ONU.
8h00 : Les rumeurs de cessez-le-feu parviennent jusqu'aux troupes britanniques en poste en Irak. Ils reçoivent l'ordre de foncer vers l'autoroute qui relie Koweït-City à Bassorah. Après 45 km parcouru en 90 minutes, les chars Challenger ont accompli leur mission.
8h00 : Une mission de surveillance débute pour les Mirage 2000 français. Ils ont totalisé 2.472 sorties sur zones dont 1.387 missions de guerre. Il n'y a eu aucune perte d'appareil durant le conflit. Quant à la marine française, elle a effectué 7.000 reconnaissances de bateaux durant les 6 mois d'embargo maritime, dont 135 avec visite.
Une maman donne à son bébé le nom du premier Américain qu'elle a rencontré dans les rues de Koweït-City : Chris Edges, correspondant du quotidien américain New York Times.
Quelques heures après le cessez-le-feu, le porte-parole de la Maison Blanche Marlin Fitzwater téléphone à la situation room pour savoir si le cessez-le-feu est respecté. Il tient également à féliciter l'URSS pour le rôle qu'elle a joué pour préserver la paix dans le Golfe.
Un membre du bureau politique du FLN, parti au pouvoir en Algérie, déclare que l'Irak a remporté une victoire politique. Selon lui, l'essentiel de l'appareil politique et militaire irakien est intact.
A Londres, l'opposition au gouvernement irakien établit son quartier général. Elle est surtout constituée de Kurdes et de Chiites.
Le président François Mitterrand se rend à Bayonne pour rendre hommage, sur la télévision régionale FR3 Bordeaux, aux deux soldats français de la ville tués en Irak.
Depuis le début du conflit le 17 janvier, l'aviation italienne, avec ses 10 Tornado déployés dans le Golfe, a effectué plus de 250 sorties.
Edward Gnehm est le nouvel ambassadeur américain au Koweït. Il arrive dans l'émirat dans le courant de la journée.
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Colonel Jean-Louis Dufour, de l'armée de l'air française : "Il ne serait pas surprenant qu'il y ait 100.000 à 150.000 morts irakiens" (Quotidien français France-Soir).
Général Etienne Copel, ancien sous-chef d'état-major de l'armée de l'air française : "Saddam Hussein est toujours en retard d'une décision, comme George Bush est toujours en avance d'une exigence" (Quotidien français France-Soir). |
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Quotidien français France-Soir, à propos de l'Irak : "Nombre de régimes, et en meilleur état, se sont effondrés pour moins que cela".
Sondage NBC - Wall Street Journal : 85% des Américains approuvent la politique de George Bush contre 11% qui la désapprouvent. Le général Schwarzkopf recueille 63% d'opinions favorables, Dick Cheney 66% et Colin Powell 68%.
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L'émirat dévasté
Rues dévastées, boutiques pillées, entreprises rasées, champs pétrolifères en feu, l'émirat est totalement dévasté par 7 mois d'occupation irakienne. Le gouvernement de l'émir Jaber doit rétablir l'eau, l'électricité, les communications, remettre en état les installations de l'aéroport international de Koweït City. Mais pour l'heure, le gouvernement en exil tarde à rentrer. La résistance koweïtienne se retrouve seule au pouvoir. Elle essaie cependant d'assurer un minimum de sécurité, de rassembler les armes et équipements abandonnés sur place par les Irakiens. Des volontaires traquent les soldats du raïs qui se cacheraient encore dans la capitale. Cette pagaille qui suit chaque libération s'accompagne aussi de sordides règlements de compte réalisés par des résistants de la dernière heure. Les lynchages et exécutions sommaires de soldats irakiens se multiplient. Ressortissants palestiniens et jordaniens sont presque systématiquement accusés de collaboration. Malgré le cessez-le-feu, la terreur règne toujours au Koweït...
Les puits de pétrole en feu
Il fait nuit en plein jour ! Des centaines de puits de pétrole sont en feu. De 150 à 600 selon les sources de renseignement. La production koweïtienne est paralysée. Pour de longs mois. Les épaisses fumées dégagées par ces incendies peuvent avoir de graves répercussions sur la santé des Koweïtiens, mais aussi sur l'économie du pays. Eteindre un puits de pétrole par forage d'un puits dévié demande en moyenne 3 mois de travail et coûte 6 millions de francs (1 million d'€), si la profondeur n'excède pas 1.600 mètres !
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Missions de surveillance
Après l'avancée éclair, c'est l'heure de la couverture défensive pour les soldats de la division Daguet. La 2ème compagnie du 3ème régiment d'infanterie de marine a été détachée auprès du 1er spahis du colonel Barro, situé le plus au nord du dispositif français. La compagnie du capitaine Lancelot a reçu pour mission de monter un check-point sur la route qui mène d'As-Salman à As-Samawa sur l'Euphrate. La position choisie est située une trentaine de kilomètres en avant de la bourgade prise par les Français. Les marsouins doivent se livrer à une fouille systématique des véhicules civils irakiens se présentant. Les consignes recommandent de laisser passer en priorité les habitants d'As-Salman désireux de regagner leur village. En effet, des centaines de civils refluent vers le sud pour fuir les combats qui font rage dans la vallée de l'Euphrate. Combattants chiites et soldats d'élite de la Garde républicaine s'affrontent avec violence. Mais les Français s'occupent surtout de fouiller les camions lourdement chargés. Les recensement des habitants est assuré par les Américains des Civil Affairs à l'entrée du village. Le check-point de la 2ème compagnie stoppera un véhicule inattendu : une Jeep américaine. Ses occupants, s'étant aventurés un peu plus loin dans un village irakien, avaient essuyé des tirs ennemis. L'officier tué, son chauffeur a fait demi-tour et foncé vers l'arrière. Dans l'affolement, il est venu percuté l'avant-poste français.
Missions de déminage
Les sapeurs du 17ème régiment de génie parachutiste de Montauban ont reçu pour mission de "nettoyer" le cordon de sable de la plage de Koweït-City, minée par l'occupant irakien. Les spécialistes français, réputés pour leur expérience acquise au Tchad et au Liban, vont neutraliser des milliers de mines. Un travail dangereux : un homme a été sérieusement blessé en déminant. Les démineurs français trouveront essentiellement des mines anti-personnel de fabrication soviétique qui arrachent le pied d'un homme en explosant, ainsi que des mines bondissantes italiennes semblables aux Cluster bombs américaines, et qui explosent à 1m50 du sol.
As-Salman
Désormais, l'aérodrome irakien d'As-Salman, occupé par les Français, est devenu un vaste champ de tirs. L'occasion rêvée pour les hommes du 2ème régiment étranger d'infanterie de tester leurs armements sans les contraintes qu'on trouve en France. Les sections anti-chars vont tirer aujourd'hui pas moins de 3 douzaines de missiles Milan 2 ainsi que des coups de lance-roquettes de 112 mm Apilas. Les missiles Milan se sont avérés d'une remarquable précision. Et pour cause, ce sont par les trous occasionnés par des missiles de l'aviation alliée que les Français s'entraînent à faire rentrer leurs missiles Milan !
Dans la bourgade irakienne, c'est le lieutenant-colonel Barnier, commandant en second du 68ème régiment d'artillerie, qui est en charge de tous les aspects militaires dans le village d'As-Salman. Mais aussi des relations avec les civils. les soldats français l'appellent le gouverneur. Pour cette tâche de régularisation, il dispose entre autres de 25 gendarmes de la prévôté et d'une compagnie du 6ème régiment étranger du génie. Les sapeurs sont tout spécialement chargés de "dépolluer" As-Salman : éliminer toutes les Cluster bombs non explosées. Des Américains des Civil Affairs, spécialistes des relations avec les populations en territoire occupé, ont reçu pour mission de faire l'inventaire de toutes les ressources du village.
Trafic de nourriture au sein des Alliés
Avec leurs plats cuisinés réchauffables et toutes leurs sucreries, les rations des soldats français sont parmi les meilleures du théâtre des opérations. En tout cas, elles surpassent de loin les rations américaines. Les pauvres GI n'ont droit qu'à de la nourriture lyophilisée dont le charme s'est vite dissipé. Echangées d'abord à 1 contre 3 au début du conflit, les rations françaises, qui bénéficient d'une grande réputation au sein de tous les Alliés, s'échangent désormais à 5 contre 1 ! Les soldats français échangent donc leurs repas contre des casquettes, des insignes, des tee-shirts... Les plus heureux sont les artilleurs et sapeurs américains placés sous commandement français. Et pourtant, seulement 5 des 10 variantes de menus étaient en dotation dans le Golfe : les autres sont toutes à base de porc...
L'ambassade de France
La cérémonie a lieu en plein après-midi, mais l'on se croirait en pleine nuit, tellement le nuage de fumée noire est épais ! Jean Bressot a présidé la petite cérémonie de levée de drapeau sur le toit de l'ambassade de France à Koweït-City. Elle était fermée depuis le 14 janvier. Depuis plusieurs mois, Jean Bressot était chargé de représenter la France auprès des autorités koweïtiennes en exil à Taëf, en Arabie Saoudite. Les locaux de la chancellerie doivent être inspectés par des spécialistes du déminage. Ensuite, il faudra rétablir l'eau et l'électricité. Derrière l'ambassade, des mitrailleuses de défense anti-aérienne irakiennes pointent toujours leurs canons vers le ciel. En fait, le drapeau tricolore n'a jamais cessé de flotter sur le toit de la chancellerie : les Irakiens ne l'avaient pas retirer.
Cérémonie sur l'Euphrate
La division Daguet n'est pas allée jusqu'à l'Euphrate. Mais les fanions de la plupart de ses unités auront été trempées dans le fleuve. Une petite opération a été montée par la division française. Une quinzaine d'hélicoptères emmènent un homme de chaque régiment présent et son fanion. Un soldat américain et son drapeau sont également du voyage. Le geste est symbolique. Les forces françaises ont ouvert la route de l'Euphrate au 18ème corps américain. Si les opérations militaires avaient continué, elles auraient pu recevoir l'ordre de pousser jusqu'au fleuve. Le fanion du 2ème régiment d'infanterie de marine symbolise bien la mission française. Le régiment est partagé entre l'Irak où il assure la couverture au nord, l'Arabie Saoudite pour la garde des prisonniers et Koweït-City où un détachement a pour mission la protection du dispositif français. |