dimanche 24 février 1991

L'aviation alliée effectue 3.000 sorties. Plus de 6.500 Irakiens sont faits prisonniers (dont 1.000 par les Français) en à peine 10 heures. L'Irak affirme avoir repousser les Alliés, détruisant des centaines de chars et tuant de nombreux soldats.
 

Certaines informations qui suivent sont invérifiables. C'est le résultat du black-out imposé aux médias (nos principales sources) par les états-majors alliés durant les premières 48 heures de l'offensive terrestre.

Toutes les heures sont données en GMT.
Heure du Québec et de Washington : GMT - 5
Heure de Londres : GMT
Heure de Paris, Berlin et Bruxelles : GMT + 1
Heure de Tel-Aviv et Le Caire : GMT + 2
Heure de Moscou, Bagdad, Riyad et Koweït-City : GMT + 3

 

Déclenchement de l'offensive terrestre

Il est 4 heures du matin (1h GMT) dans le Golfe, le jour se lève. Le plus grand déploiement de troupes depuis la Seconde Guerre Mondiale passe à l'action. Plus d'un million de soldats de toutes nationalités, des dizaines de milliers de chars, d'avions, de blindés et de canons ouvrent le feu. Le ciel est totalement noir de fumée, à cause des bombardements intensifs sur Bagdad et Bassorah et des centaines de puits de pétrole incendiés.
Les Américains pénètrent le territoire koweïtien sans grande difficultés et avancent vers la capitale avec les forces arabes de la coalition, alors que les gros canons des cuirassés Wisconsin et Missouri, situés à 15 km des côtes koweïtiennes, tirent sur les fortifications irakiennes. L'état-major irakien, qui a repéré les dizaines de navires alliés au large de l'émirat, est persuadé que les Alliés tenteront un débarquement digne du 6 juin 1944 sur les plages koweïtiennes, et a donc donné l'ordre à ses troupes d'y prendre position. Mais la division Daguet, les 7ème et 8ème corps américains, et les Rats du désert britanniques profitent de cette diversion pour foncer vers le nord de l'Irak, jusqu'à l'Euphrate pour encercler les soldats irakiens installés au Koweït et les couper des 150.000 gardes républicains déployés à Bassorah.

 

La guerre minute par minute

1h40 : La chaîne de télévision américaine CBS est la première chaîne au monde à annoncer que les troupes américaines et alliées ont pénétré les territoires irakien et koweïtien.

1h44 : Nouvelle alerte au SCUD en Arabie Saoudite. Le missile irakien est abattu par deux Patriot américains dans le ciel de Riyad.

1H50 : La chaîne de télévision La Cinq interrompt ses programmes pour un flash spécial qui durera plus de 13 heures. C'est la première chaîne française à annoncer le déclenchement de l'offensive terrestre.

2h00
: La chaîne de télévision française TF1 annonce que le président François Mitterrand a donné l'ordre aux troupes françaises d'entrer en territoire irakien.

3h00 : Discours de George Bush.
Intervenant en direct sur toutes les télévisions américaines, le président américain George Bush déclare qu'il est "regrettable que la date limite soit passée sans que le gouvernement irakien ne réponde aux exigences de retrait inconditionnel du Koweït contenues dans la résolution 660". Et pour inciter Saddam Hussein à accepter ces exigences, Bush ajoute qu'il a "donné instruction au général Schwarzkopf de concert avec les forces de la coalition d'utiliser toutes les forces disponibles, y compris terrestres" pour libérer le Koweït. Les forces coalisées sont donc "entrées dans la dernière phase". Après avoir rappelé son entière confiance aux troupes alliées dans cette tâche, George Bush a tenu à insister sur le fait que tous les pays coalisés soutiennent cette offensive terrestre. Le Président a clôt son intervention en appelant tous ses concitoyens à "prier pour les troupes de la coalition" et pour "les hommes et les femmes qui, en ce moment, risquent leur vie pour leur pays et pour nous tous."

4h00 : Les soldats koweïtiens quittent leur cantonement de Khafji et pénètrent les premiers en territoire koweïtien. Après avoir prié sur le sol de leur pays retrouvé, ils foncent vers al-Jahra, une bourgade située à 40 km de Koweït-City.

5h00 : Les soldats français du dispositif Daguet pénètrent en territoire irakien. Leur objectif est la prise d'une base aérienne irakienne : As-Salman. Les 12.000 Français sont aidés, entre autres, des 82ème et 101ème Airbornes américaines. Ils doivent servir de tenaille en coupant de Bagdad les troupes irakiennes installées au Koweït et à Bassorah.

6h40 : L'agence de presse koweïtienne Kuna affirme qu'une opération de débarquement amphibie a commencé sur les côtes du pays.

7h00 : Un communiqué de la Maison Blanche indique que le jour J et l'heure H ont été programmés bien avant que le Kremlin n'ait proposé son plan de paix. La décision de l'attaque a été prise après le 11 février, date de la visite en Arabie Saoudite de Dick Cheney et Colin Powell et de leur rencontre avec le général Schwarzkopf.

7h20 : La chaîne de télévision américaine NBC indique que le 8ème corps américain amorcerait un mouvement d'enveloppement au nord-est de l'Irak avec les troupes françaises.

 9h15 : L'agence de presse iranienne Irna affirme que 4 missiles viennent de s'abattre sur Bagdad. Il semble donc que les bombardements alliés n'ont pas cessé sur la capitale malgré les opérations terrestres au Sud du pays.

10h00 : La chaîne de télévision américaine CNN annonce que des mouvements héliportés ont lieu sur Khafjak (Koweït) et Bassorah. Il s'agirait pour les Alliés de neutraliser les bases de commandement des troupes irakiennes au Koweït. CNN précise que 11 soldats américains auraient été tués aujourd'hui.

11h30 : L'Irak lance 2 missiles SCUD sur la ville saoudienne d'Haffar al-Battin. Ils sont interceptés par des Patriot.

12h00 : D'après la chaîne de télévision française Antenne 2, les Américains ont libéré un îlot à 15 km au large de Koweït-City. Cette petite île, "capitale" dans la stratégie alliée, doit servir de tête de pont à un débarquement allié au Koweït.

12h42 : Discours de Saddam Hussein.
Bagdad assure que ses troupes ont repoussé l'assaut allié et qu'elles ont la situation "bien en main". Radio-Bagdad affirme par ailleurs que "les troupes irakiennes résistent fermement sur leurs positions et tirent sur tout incroyant venu se cogner contre le roc irakien". Dans un discours radio-diffusé, Saddam Hussein appelle tous les Irakiens à "tuer les Alliés de toutes leurs forces, (...) combattre et résister jusque la victoire finale". Il ajoute également que "l'attaque terrestre est de grande envergure".

14h35 : La chaîne de télévision américaine CBS indique que des parachutistes américains se trouveraient dans Koweït-City.

 18h25 : Sur Radio-Bagdad, l'état-major irakien explique que leurs soldats ont "décimé" une unité aéroportée qui se trouvait derrière les lignes de défense irakiennes, à Manaqish, au sud-ouest de Koweït-City. Les 1ère et 3ème divisions ont également "réussi à brûler et détruire des centaines de chars et à tuer et blesser de nombreux soldats désespérés".

19h00 : Interview de François Mitterrand : La guerre se déroule mieux que prévu.
Dans un entretien retransmis en direct sur toutes les télévisions française, François Mitterrand confirme les propos de son état-major, à savoir que les troupes françaises ont avancé de 50 km à l'intérieur du territoier irakien, les autres forces ayant dépassé toutes les prévisions par leur rapidité. Bien que les Alliés n'aient pas encore affronté la Garde républicaine irakienne, l'offensive terrestre se passerait donc "mieux que prévu" selon Mitterrand, grâce notamment à l'offensive aérienne déclenchée il y a 5 semaines et à la baisse du moral des troupes irakiennes. Pour le président français, le principal objectif des Alliés est "de pénétrer sur le territoire du Koweït directement ou par des manoeuvres enveloppantes qui exigent que l'on passe par le territoire irakien" Mitterrand reste clair sur les objectifs de la France : l'objectif "nest pas Bagdad, l'objectif est de libérer le Koweït et le Koweït n'est pas dans la direction de Bagdad". Concernant la diplomatie, le chef de l'Etat approuve les démarches pacifiques de l'URSS, et admet que la France a réussi à faire infléchir la position dominante des USA dans ce conflit. Alors que l'offesnive terrestre débute seulement, Mitterrand pense déjà à l'après-guerre : "Il faudra bien faire vivre (l'Irak) en paix, de même que le Koweït (...). La France ne manquera pas de trouver dans sa tradition des propositions riches d'avenir qui montreront bien qu'elle a fait la guerre ni contre l'islam ni contre les Arabes." Et de conclure : "Nous avons été associés avec beaucoup de pays arabes dans cette guerre et nous agirons avec équité lorsque d'autres conflits se proposeront à la négociation".

 21h15 : Le général Norman Schwarzkopf, commandant en chef de la coalition, donne l'ordre d'accélérer le rythme.

Manifestation pro-Saddam en Jordanie.
Une manifestation contre la guerre regroupe plusieurs milliers de personnes à Amman, en Jordanie, devant l'ambassade d'Irak. Les manifestants profitent de ce rassemblement pour exprimer leur soutien à Saddam Hussein. Le gouvernement exprime "douleur et colère" suite à l'offensive terrestre "qui dépasse la légalité du cadre international"et ajoute "que Dieu protège les fils héroïques d'Irak car ils se battent pour défendre le droit et l'avenir de leur nation".

Bilan provisoire de l'offensive terrestre selon Schwarzkopf.
La première journée de la plus grande bataille aéroterrestre depuis la Seconde Guerre Mondiale s'achève sur une note rassurante. Alors que beaucoup craignaient une hécatombe, le général Norman Schwarzkopf annonce, non pas depuis la ligne de front mais à Riyad, que jusqu'à présent, les pertes subies par les forces alliées sont "extrêmement légères". En tout, seuls une dizaine de soldats américains ont été tués depuis le début de l'assaut. Il a même fait état, sans autres précisions, de "succès spectaculaires".

Interview de Pierre Joxe sur Europe 1.
Invité à une émission de radio sur Europe 1, le ministre de la Défense Pierre Joxe se déclare fier des soldats français. Il a souligné que les hommes de la division Daguet "sont bien entraînés, bien équipés, et savent pourquoi ils sont là-bas. Ils font leur devoir et nous les admirons." Evoquant la fulgurante avancée des forces françaises vers l'Euphrate, le ministre a noté qu'elles ont "démarré comme un TGV", ajoutant toutefois que la bataille pourrait devenir "une épreuve très cruelle".

Quelques conséquences de la guerre du Golfe en France.
A Lorient, un enfant de 6 ans est tué ce soir d'une balle de carabine 22 Long Rifle par son oncle de 25 ans. Celui-ci, "dont l'état psychique est assez perturbé" selon une source proche de l'enquête, a expliqué qu'il était actuellement troublé par le conflit du Golfe. Après avoir entendu des bruits qui l'avaient inquiété, il s'est senti menacé par l'enfant qui courait vers lui. Le jeune homme a donc tiré sur son neveu, l'atteignant en pleine tête.
Autre conséquence inattendue de la guerre : l'annulation de l'Enduro du Touquet. Annulation qui n'a pas empêché plus d'une centaine de motards nostalgiques de se rendre sur le parcours de la fameuse compétition. 33 d'entre eux ont été interpellés sur la plage et dans les dunes. Beaucoup de ces motards allemands, belges ou néerlandais ignoraient que l'Enduro était annulé. Cette annulation avait été décidée faute d'effectifs de sécurité suffisants en raison de la guerre du Golfe.

En bref :
   

Par crainte d'attentats ou de débordements, les autorités israéliennes renforcent le couvre feu dans les Territoires occupés. La Cisjordanie et la bande de Gaza deviennent des "zones militaires fermées".

  Le Pentagone annonce que des accrochages très violents ont eu lieu entre des Marines et des Irakiens autour du champ pétrolifère d'Umm Qasr, peu avant le début de l'offensive. Mais les autorités militaires se refusent à communiquer le bilan des victimes civiles et militaires.

Le vainqueur du concours de culturisme "Mister Emirat 91", un Britannique de 28 ans, Anthony Freeman, a été sévèrement battu à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis). En pleine guerre du Golfe, il est le premier Occidental à remporter cette compétition...

Alors que le président américain George Bush prie avec sa femme dans une église, plusieurs centaines de manifestants se rassemblent à Washington pour réclamer l'arrêt des combats. Et à New York, à l'appel du cardinal O'Connor de la cathédrale St Patrick, de nombreux Américains se rassemblent pour prier pour les soldats engagés dans le conflit.

L'état-major américain demande aux forces alliées de peindre un grand V inversé sur chaque côté de leurs véhicules et d'y fixer un bout de tissu rouge vif pour permettre aux aviateurs de distinguer "les bons des méchants", et éviter de renouveler les tirs amis survenus à Khafji.

Désormais, ce sont 183 puits de pétrole qui sont en feu au Koweït.

 

Ils ont dit :
 
Ils ont dit :

3h00, George Bush, président des USA : Les forces de la coalition sont "entrées dans la dernière phase".
Les autorités syriennes estiment que "la responsabilité de la bataille terrestre incombe à Saddam Hussein".
11h00, le gouvernement soviétique déclare qu'il regrette l'offensive terrestre contre l'Irak et maintient qu'il y avait encore une chance de règlement pacifique : "la logique de guerre l'emporte sur la raison".
Yithzak Shamir, Premier ministre israélien, "félicite les Alliés" et leur "souhaite une réussite complète".
Les autorités algériennes condamnent "avec force" le déclenchement de l'offensive terrestre.
Les autorités iraniennes "regrettent le déclenchement de l'offensive terrestre."
Les autorités tunisiennes se disent "vivement déçues" par le déclenchement de l'offensive terrestre.
19h05 : François Mitterrand, président de la France : L'action se déroule "mieux que prévu".
 23h00 : Marlin Fitzwater, porte-parole de la Maison Blanche : "Notre conclusion générale est que l'ensemble de l'opération jusqu'à présent a été un grand succès."Yasser Arafat, leader de l'OLP, apporte le"ferme soutien du peuple palestinien à l'Irak héroïque" et demande à l'URSS et à la Chine d'intervenir auprès du Conseil de sécurité pour faire cesser la guerre.

 

Hosni Moubarak, président de l'Egypte : "Il n'est pas question que des soldats égyptiens entrent en Irak".
Colonel Kadhafi, président de la Libye : Il s'agit d'une "opération délibérée d'humiliation qui touche tous les Arabes".
 Général Michel Roquejoffre, chef d'état-major français : "Les armes chimiques n'ont été aucunement utilisées jusqu'à présent sur le champ de bataille."
Intervenant pour la première fois de l'Histoire à la télévision, la reine Elisabeth II d'Angleterre déclare qu' "en tant que nation, nous sommes réellement fiers de nos forces armées. Cette fierté est entièrement justifiée par la conduite de nos soldats depuis le début de la guer- re".
Le pape Jean-Paul II appelle les différents partis en conflit au compromis et à la paix, et prie pour que "la raison l'emporte sur la passion".

Sondages :

Sondage BVA - TF1 - Libération : 75% des Français soutiennent l'offensive terrestre, 52% pensent que ce sera une guerre courte et 43% souhaitent que les opérations militaires aillent jusqu'à la chute du régime de Saddam Hussein.
Sondage Washington Post : 71% des Américains considèrent qu'il ne peut y avoir de victoire sérieuse des Alliés tant que Saddam Hussein restera au pouvoir en Irak, contre 28% qui pensent que chasser les Irakiens du Koweït est suffisant.

Premier jour de guerre vu par les soldats koweïtiens

Introduction
La mission des soldats Koweïtiens qui avaient réussi à se réfugier en Arabie Saoudite lors de l'invasion de l'émirat est de traverser le champ pétrolifère d'Umm Qadeer et de foncer vers al-Jahra, une petite ville située à 40 km au Sud-Ouest de Koweït-City.
Ils sont équipés de matériels et d'uniformes occidentaux. Leurs armes ayant été abandonnées au Koweït lors de l'invasion. L'armée américaine s'est également chargée de poursuivre l'entraînement de ces Koweïtiens désireux de libérer leur pays.

A la reconquête du Koweït
Partis bien avant l'aube de la région de Khafji (nord-est de l'Arabie Saoudite), 4.000 soldats koweïtiens arrivent les premiers sur le sol de leur pays vers 4h du matin. Ces soldats ont d'abord traverser la route goudronnée Tapline, qui longe la frontière koweïto-saoudienne d'Est en Ouest. Ils ont également dû emprunter des rampes de sable enjambant le pipe-line qui, lui aussi, longe la frontière.
Les Irakiens, qui avaient semé des milliers de mines et une "tranchée de feu" (un fossé rempli de fûts de pétrole qu'on incendie à l'arrivée de l'ennemi) le long de la frontière, sont très peu nombreux. Les champs de mines sont neutralisés à l'aide du système Miclic américain qui, en catapultant un long cordon d'explosifs, ouvre un passage de 14 m de large. Puis, après avoir prié sur le sol de leur patrie retrouvée, les soldats koweïtiens traversent le champ pétrolifère d'Umm Qadeer.
"L'offensive terrestre sera chimique dès les premières heures" avait menacé le colonel Sam Reines, commandant la 7ème brigade du génie de l'US Army. Quelques heures après le début de l'assaut, les soldats d'une unité de reconnaissance repère une étrange fumée grise. L'alerte aux gaz est donc donnée sur la partie Est du front koweïtien. Les soldats enfilent rapidement leur combinaison N.B.C. Mais c'est une fausse alerte, il pourrait s'agir de grenades au cyanure tirées par des lance-roquettes.

 

Premier jour de guerre vu par les soldats égyptiens

Introduction
L'armée égyptienne, composée de 35.600 soldats, est le plus fort contingent arabe déployé dans le Golfe. Ces troupes sont équipées de lance-roquettes de 122 ou 155 mm et des véhicules blindés anti-aériens ZSU-23 de fabrication soviétique. Ce matériel prend de l'âge : il date d'avant 1976, date à laquelle l'Egypte a tourné le dos à l'URSS pour se tourner vers l'Amérique. Les Egyptiens sont donc également équipés de matériel plus récent de fabrication occidentale, dont 160 chars M-60 et , plusieurs centaines de véhicules blindés transport de troupes M-113.

Les Egyptiens sur le qui vive
Deux journalistes français, surpris par le manque de communication entre les Alliés, informent les avant-postes égyptiens de la fin de l'ultimatum, survenu 30 heures auparavant. La nouvelle n'affecte pas ces derniers : leur mission n'est pas d'envahir l'Irak. Ces avant-postes, situés à moins de 3 km des premières positions irakiennes, ont en effet reçu l'ordre de ne pas bouger. Equipés de chars M-60A1, de transports de troupes blindés M-113 et de canons soviétiques de 130 mm, les Egyptiens sont positionnés derrière la dune artificielle marquant la frontière entre l'Irak et le Koweït. Ils sont chargés de préparer le terrain au passage de l'offensive terrestre, en creusant des routes dans les dunes à l'aide de bulldozers. Lors de ces dernières heures, l'artillerie égyptienne n'a pas cessé de pilonner les positions irakiennes.
Nuit et jour, stationnés à 500 mètres seulement de la frontière koweïtienne, les Egyptiens scrutent le territoire irakien à la jumelle. Mais rien ne bouge : les positions irakiennes proches de la frontière sont désertes depuis plusieurs jours. Le commandement allié a été formel : le QG égyptien installé à Haffar al-Battin (nord-est de l'Arabie Saoudite) doit attendre le feu vert avant d'engager ses hommes. Ce feu vert n'interviendra que lorsque les Français, les Américains et les Britanniques auront pénétré plus profondèment en territoire irakien. En effet, si les troupes de Hosni Moubarak avancent trop tôt, elles seront isolées et tomberont nez-à-nez avec la redoutable Garde républicaine irakienne...

Premier jour de guerre vu par les soldats français

Introduction
Régiment à vocation outre-mer, le 3ème RIMa, l'un des plus célèbres régiment de l'armée française, a été conçu pour s'engager sur le théâtre européen au sein de la Force d'Action Rapide (FAR). Choisi dans le cadre du dispositif Daguet, il est intervenu pour la première fois de son histoire au cœur du Moyen-Orient, bien que des missions antérieures l'aient conduit au Liban et à Djibouti. C'est en Afrique qu'il a séjourné le plus longtemps, au Gabon et en République centrafricaine, ainsi qu'au Tchad lors des opérations Tacaud (1978), Manta (1983) et Epervier (1990). Ses marsouins (surnom donné aux hommes de ce régiment) ont aussi servi en Nouvelle-Calédonie.
Le 3ème RIMa est équipé de 96 Véhicules Avant Blindés (VAB) qui lui assurent une mobilité incomparable à cette unité forte de 1.350 soldats de métier. Sa mobilité est renforcée, exceptionnellement, par un escadron d'AMX-10RC du régiment d'infanterie de chars de marine. Filant à 85 km/h, l'AMX-10RC est équipé d'un canon de 105 mm. Les marsouins l'ont baptisé "la Rolls du dé- sert".

Début de l'offensive terrestre
Selon les vœux imposés aux Alliés par des responsables politiques à Paris, les forces françaises reçoivent une mission spécifique, impliquant une montée en première ligne.

5h00 - Les hommes de Daguet se réveillent. Mais pas question de faire sonner le clairon : il faut être le plus discret possible. Les marsouins savent depuis hier que l'offensive terrestre était inévitable. Le café et les cachets de pyridostigmine (pour se prémunir de toute attaque chimique) sont avalés en hâte, il est déjà l'heure de partir à l'assaut de l'Irak.

7h00 - Les hommes de la division Daguet quittent leurs positions à Rafah, dans le nord de l'Arabie Saoudite. Direction : la frontière irakienne, qu'ils franchissent sans difficulté. Leur objectif final est la prise de la base aérienne d'As-Salman et de son nœud routier. Pour atteindre cette bourgade irakienne (dont le nom de code est White), 2 objectifs intermédiaires doivent être reconnus, Rochambeau et Chambord. Derrière les troupes françaises se trouve les canons de 155 mm du bataillon américain qui pilonnent les positions irakiennes. Les obus passent au-dessus de la tête des Français.
La 1ère compagnie du 3ème RIMa, sous les ordres du capitaine Lancelot, passe la frontière en tête, en longeant l'axe Est par le point Montcalm. D'autres unités franchissent la frontière par les points Falcon et Natchez plus à l'Ouest.

Prise du premier fortin irakien
7h25 - Les Gazelle françaises du 1er RHC, parties en reconnaissance, donnent l'alerte au régiment pour signaler la présence d'un fortin irakien à quelques kilomètres à peine des VAB du 3ème RIMa en cours de progression.
La section de l'adjudant Delangle, de la 1ère compagnie, est chargée de prendre la position irakienne. 35 hommes répartis dans 4 VAB, et couverts par les Gazelle, se dirigent vers l'objectif. Les soldats sortent de leurs véhicules, armes au poing. Ils s'approchent du fortin (un amas de tôles posé sur le sable recouvrant plusieurs tranchées) et tirent quelques rafales. Ne voyant aucune résistance, les Gazelle repartent. Aussitôt, la tôle du fortin se soulève, 3 hommes sortent de leurs tranchées, et avancent les bras en l'air. Ce sont les premiers prisonniers de l'offensive terrestre.
Une fois les 3 premiers prisonniers fouillés, 3 autres se présentent. Epuisés, ils confient aux Français que, affamés, assoiffés, quotidiennement bombardés et sans nouvelle de leur hiérarchie depuis 3 jours, ils n'attendaient plus que les Alliés pour se rendre. Puis un 7ème irakien sort de sa cachette et ouvre le feu sur les Français qui se mettent à l'abri. Après quelques minutes de fusillade, un sous-officier français lance une grenade vers l'Irakien. Gravement blessé, il explique au médecin capitaine de la 1ère compagnie qu'il a fait 8 ans de guerre contre l'Iran au cours de laquelle il avait déjà été fait prisonnier. Son état-major avait jugé bon de placer les soldats bien entraînes mais plutôt âgés sur la ligne de front. Le soldat blessé et ses hommes ont, semble-t-il, été impressionnés par la puissance de feu des Alliés. Il sera ensuite transporté par hélicoptère sanitaire à l'hôpital de campagne de l'armée française à Riyad.
La position irakienne n'était tenue que par 7 hommes : l'armée irakienne ne s'attendait donc pas à un contournement de ses positions. Les hommes d'une section du 21ème RIMa, dont certains éléments ont été rattachés au 3ème RIMa, feront aussi le même constat au cours d'un assaut sur une autre position : les premières lignes de défense irakiennes sont bien plus rudimentaires que ne le disait Saddam Hussein.

10h00 - Après plus de 2h de combat, l'adjudant Delangle rend compte par radio que la 1ère position irakienne sur la route de Rochambeau et d'As-Salman est neutralisée.

Prise de "Rochambeau"
11h30 - L'objectif Rochambeau est en vue. Trois A-10 Thunderbolt américains survolent les troupes françaises pour bombarder l'objectif, des bunkers irakiens, pendant plus de 45 minutes.

12h20 - Les hommes du 3ème RIMa prennent la relève, appuyés par l'artillerie et l'aviation américaines. "En avant et courage !", tel est le message de la radio régimentaire juste avant l'attaque. Sur le chemin, des bidons apparamment abandonnés jonchent le sable. Mais il faut rester vigilant : ils servent de point de repère pour les artilleurs irakiens, qui peuvent ainsi tirer sur quiconque s'en approche sans avoir à modifier la visée.
Le colonel Thorette ordonne l'assaut. Le capitaine Gaillard monte à l'assaut de Rochambeau. Les chars lourds du 4ème Dragons progressent sur la droite en canonnant l'objectif. Les Irakiens ripostent à la mitrailleuse. Les soldats ouvrent le feu avec toutes les armes dont ils disposent (lance-roquettes, grenades, fusils-mitrailleurs...) pour montrer à l'armée de Saddam Hussein la supériorité militaire des Alliés, et contraindre ainsi les Irakiens à se rendre. La compagnie du capitaine Gaillard capture d'ailleurs 108 Irakiens, alors qu'une rumeur circule, prétendant qu'un soldat irakien a préféré se faire sauter avec une grenade au milieu de soldats américains plutôt que de se rendre (cette rumeur ne sera d'ailleurs jamais confirmée ni démentie par le Pentagone). Mais un tel nombre de prisonniers ralentit la progression des Français. Il faut les fouiller, les nourir, les interroger... Ils sont aussitôt confiés aux Américains de la 82ème Airborne, agissant sous le commandement de l'armée française.

17h30 - Le dernier bunker gardant la route Texas, seule route goudronnée menant à As-Salman et baptisée ainsi par les Alliés, est pris par les Français. Mais 3 chars irakiens T-62, faisant route vers la position Rochambeau, sont signalés. Ils sont détruits quelques minutes plus tard avec l'intervention des VAB du 3ème RIMa, et leurs fameux missiles Milan, arme réputée infaillible sur une istance de 600 à 1.900 mètres.
Aussitôt après avoir informé l'état-major du succès de l'opération, le 3ème RIMa redémarre, sans s'être reposer, pour atteindre le second objectif avant la nuit : Chambord.

18h00 - Le second point stratégique est atteint au moment même où les soldats français doivent faire face à une tempête de sable, sans que l'on sache s'il s'agit d'un phénomène naturel (qui durera quand même plus de 2h !), ou de la combinaison des tirs d'artillerie et des raids d'avions alliés qui pilonnent les positions irakiennes à 3 km du bivouac du 3ème RIMa en soulevant énormément de sable.

N.B. :
3ème RIMa ==> 3ème Régiment d'Infanterie de Marine
21ème RIMa ==> 21ème Régiment d'Infanterie de Marine

1er RHC ==> 1er Régiment d'Hélicoptères de Combat

Chronologie des événements - février 1991

Les bombardements sur l'Irak s'intensifient et les alertes aux SCUD s'enchaînent en Israël et en Arabie Saoudite. Une enquête est lancée après la mort mystérieuse de GI's à Khafji. L'Iran tente des médiations entre l'Irak et les Alliés et propose une conférence de paix à Téhéran. A la demande de George Bush, Colin Powell et Dick Cheney sont en visite dans le Golfe.

Les artilleries alliées se massent le long de la frontière irakienne pour préparer l'offensive terrestre. Des polémiques éclatent en Occident après le bombardement par les Alliés d'une étrange usine de lait en poudre et d'un abri anti-aérien dans le quartier d'Amriya, à Bagdad. A Tel-Aviv, désertée par sa population, les alertes aux SCUD sont quotidiennes. Alors que tout le monde s'attend au déclenchement de l'offensive terrestre, Saddam Hussein se dit prêt à évacuer le Koweït. Sous certaines conditions...

La Turquie reçoit des renforts de l'OTAN pour faire face à une éventuelle attaque de l'Irak. Les médias français se plaignent de la censure imposée par les autorités françaises. Jamais auparavant un conflit n'avait été aussi médiatisé et censuré... L'URSS tente un plan de paix entre l'Irak et les Alliés.
Pendant que le choléra et les pénuries de nourriture font leur apparition à Bagdad, Washington adresse un ultimatum à Bagdad...

Après l'expiration de l'ultimatum, les Alliés lancent une vaste offensive terrestre. Les Américains attaquent la Garde républicaine irakienne, les Britanniques visent Bassorah et les Français prennent As-Salman. Les Saoudiens et les Koweïtiens libèrent Koweït-City. Après 4 jours de guerre, l'armée irakienne est balayée et le Koweït est libéré.

 

Galerie de photos
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En vidéo


Edition spéciale : l'offensive terrestre (31 minutes)
Antenne 2 - Journal de 13h - 24 février 1991


Edition spéciale : l'offensivie terrestre (53 minutes)
FR3 - Journal de 19h30 - 24 février 1991


La 82ème Airborne intégrée à la division Daguet (1 minute)
TF1 - Journal de 20h (extrait) - 24 février 1991 (date incertaine)


L'offensive terrestre expliquée avec une carte (9 minutes)
La Cinq - Edition spéciale vers 23h (extrait) - 24 février 1991


L'offensive terrestre expliquée avec une carte (9 minutes)
TF1 - Journal de 20h (extrait) - 24 février 1991


L'armement américain et irakien (8 minutes)
BBC 1 - Télévision britannique (extrait en anglais) - 24 février 1991


L'armée britannique attend l'assaut (5 minutes)
BBC - Télévision britannique (extrait en anglais) - 24 février 1991


Derniers préparatifs avant l'assaut (2 minutes)
BBC - Télévision britannique (extrait en anglais) - 24 février 1991


Bombardements sur Bagdad (1 minute)
BBC - Télévision britannique (extrait en anglais) - 24 février 1991


Edition spéciale : Tom Brokaw en direct de Dharhan (5 minutes)
L'offensive terrestre
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 24 février 1991


Les familles de soldats (4 minutes)
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 24 février 1991


George Bush annonce le début de l'offensive terrestre (4 minutes)
NBC - Télévision américaine (extrait en anglais) - 24 février 1991


Allocution de Dick Cheney, secrétaire d'Etat à la Défense (8 minutes)
NBC - Télévision américaine (extrait 1 en anglais) 24 février 1991


Allocution de Dick Cheney, secrétaire d'Etat à la Défense (9 minutes)
NBC - Télévision américaine (extrait 2 en anglais) 24 février 1991


Interview de François Mitterrand (1 h 02 )
Antenne 2 - Journal de 20h - 24 février 1991


La guerre du Golfe (5 minutes)
ARD - Télévision allemande (extrait en allemand) - 24 février 1991