LA GUERRE DU GOLFE

 
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Le journal de guerre d'un soldat Irakien
L'armement allié et irakien

LE COUT DE LA GUERRE:
Le bilan de la guerre
Les otages retenus en Irak

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La médiatisation du conflit
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La médiatisation de la guerre du Golfe

 


Flash "Spécial Golfe"
M6 - 21 janvier 1991

A la fin de la guerre du Golfe, Jean-Luc Mano (journaliste à TF1) déclara :"La pression de l'antenne était telle que nous n'avions plus le temps d'aller aux sources de l'information. La logique aurait voulu que l'on prenne le temps de réfléchir et que l'on aille chercher la confirmation de ce que l'on disait, mais nous avons tous été pris dans le tourbillon de ces premiers directs." En voulant abolir le temps, en voulant être partout à la fois, les journalistes n'ont pas respecté l'information qui demande des délais pour être vérifiée et présentée. Alors que pendant plus de deux siècles, le maître mot du journalisme fut indépendance, celui de cette fin de siècle est rapidité.
Et l'attrait du direct est tel...


Flash spécial sur TF1


Jingle spécial sur Antenne 2

Relayée par tous les médias du monde, et en particulier par la chaîne de télévision américaine CNN, la seconde guerre du Golfe marque une transformation dans le traitement des conflits par les médias. Les exemples de "débordements médiatiques" sont nombreux. Ainsi, lors d'une émission du Droit de savoir sur TF1, Patrick Poivre d'Arvor a interviewé un homme se faisant passer pour un garde du corps de Saddam Hussein ; La Cinq a dû se contenter d'interviewer le cuistot de la Maison Blanche à défaut de George Bush, histoire de meubler ; Antenne 2 a annoncé lors d'un flash spécial la fin de la guerre du Golfe... avec 15 jours d'avance ! Outre CNN qui diffusait des flash spéciaux tous les quarts d'heure durant la totalité du conflit, TF1, après avoir tourné une interview exclusive de Saddam Hussein, a, elle, consacré 36 heures de direct intégral au conflit, avec des envoyés spéciaux, en duplex depuis Riyad, Bagdad, Londres, Moscou ou Washington, qui n'étaient pas toujours aussi bien informés qu'ils nous le laissaient croire. D'ailleurs, TF1 détient toujours le record mondial du nombre de multiplex : 76 liaisons simultanées lors du journal de 20h de PPDA, le 22 février 1991, lors des préparatifs de l'offensive terrestre.
Avec plus de 12,8 millions de téléspectateurs, ce journal ne fut pourtant pas le plus regardé de l'année. Plus de 13,3 millions de téléspectateurs ont suivi le 20h de
TF1 juste avant le déclenchement du conflit (16 janvier 1991) et jusqu'à 13,6 millions le 28 janvier 1991 pour écouter la première interview de Saddam Hussein pendant la guerre. Et ce malgré la concurrence acharnée des journaux de 20h d'Antenne 2 et de La Cinq. Malgré le ras-le-bol ambiant et les critiques à son égard, la télévision française a réussi à attirer un million de télespectateurs supplémentaires pour le seul mois de janvier 1991. Rapidement, une seule télé, ce n'était plus suffisant : Locatel a équipé d'urgence les bureaux des directions générales des grandes sociétés et les particuliers, ce qui représente 10% de location de téléviseurs en plus pour le seul mois de janvier 1991. Alors que les techniciens campaient dans les rédactions pendant des semaines, jamais les audiences n'ont été aussi fortes. Les interminables "Spécial Golfe" sur La Cinq de Guillaume Durand atteignaient jusqu'à 20% de parts de marché (record historique de la chaîne). Sur Antenne 2, Henri Sannier regrette d'avoir ouvert, une seule fois en 2 mois, son journal de 20h sur un autre sujet que le Golfe, faisant chuter l'audience de la chaîne publique.


Flash spécial sur Antenne 2


Flash spécial sur FR3

Sur le Minitel, le 3615 Infos a dû faire face à autant de connexions en un mois de guerre que durant toute l'année précédente. Les grandes radios françaises n’étaient pas en reste. A France Info, où l'information est diffusée 24h/24, le patron donnait l'exemple en dormant dans son bureau pour rester encore plus près de l'actualité. La moindre information venant des Telex suffisait à faire une édition spéciale. Ce qui a permis à cette radio de doubler son audience lors des premiers jours de guerre... Quant à Europe 1, elle est parvenue à se rapprocher comme jamais de sa concurrente RTL. Et à France Inter ou RMC, les journalistes se relayaient au micro jour et nuit pour raconter la guerre en direct. Du côté du géant japonais Sony, on annonçait une hausse de 40% des ventes de transistors en France, et une hausse de 250% des ventes de transistors ondes courtes !
La presse écrite battait elle aussi des records. Les ventes du leader de la presse hebdomadaire
Paris Match passaient de 850.000 début janvier 1991 à 915.000 exemplaires fin janvier. Le Point, seul hebdomadaire à paraître le vendredi, qui a donc pu éditer un numéro 24 heures après le déclenchement de la guerre, a exceptionnellement vendu plus de 40.200 exemplaires de son numéro "La guerre jusqu'où?" à Paris. Un record. Le quotidien Libération, qui vendaient habituellement 190.000 exemplaires par jour, a vendu 550.000 journaux lors du déclenchement du conflit ! Soit une hausse de 25% des ventes entre janvier 1990 et janvier 1991. Le Monde a vu ses ventes progresser de 14% et L'Humanité de 10%. Face à ce phénomène de hausse des ventes, Le Figaro et France Soir décidaient de publier des numéros exceptionnels le dimanche, habituellement chômé. Malgré ces ventes records, la guerre n'était pas bonne pour les journaux (essentiellement pour Le Figaro qui a vu ses ventes baisser de 0,9%), qui voyaient leurs recettes publicitaires s'effondrer (-15% au Figaro, -35% à Libération), les sociétés du tourisme comme Club Med, les entreprises américaines à l'image de Coca-Cola, les compagnies aériennes comme Air France, ou encore les compagnies pétrolières, telle que Total, ayant suspendu toute campagne publicitaire durant le conflit. Ainsi, L'Express et Le Nouvel Obs ont perdu 6 à 7 pages de publicités par numéro pendant le conflit. A Libération, on évaluait le surcoût du conflit à 500.000 F (90.000 €) par semaine, et le surcoût technique à 1,5 million de F (210.000 €) par mois. A L'Humanité, une liaison satellite entre Bagdad et Paris coûtait 40 dollars la minute. Il en va de même aux USA. Entre le 2 août et le 17 février, les 3 grands networks américains ont diffusé 4.383 sujets dans leurs journaux du soir. Mais la guerre n’est pas un sujet lucratif tandis que les publicitaires refusent d’associer leur image au conflit. Le manque à gagner est estimé à 900.000 dollars pour chaque heure d’information. Les émissions spéciales ont pris la place de feuilletons ou d’émissions de variété accompagnées habituellement de spots lucratifs. Les bénéfices trimestriels ont chuté de 45% pour ABC et de 88% pour CBS ! En France, on s'informe... mais on s'amuse aussi ! Les jeux vidéos war games se sont tellement bien vendus que le jour de l'expiration de l'ultimatum de l'ONU les magasins de jouets étaient déjà en rupture de stock. Un progression des ventes de 30% par rapport à janvier 1990. Mais faute de jeu "Guerre du Golfe", les clients (un tiers d'adolescents, les 2/3 d'hommes de 30 à 40 ans) se ruaient sur "Final Conflict", "Team Yankee" ou les jeux de combats aériens. Et pour répondre à la demande ("Je voudrais la guerre du Golfe" est la demande la plus formulée, d'après un responsable de la Fnac), les jeux Descartes ont sorti au début de la crise "Gulf Strike", et en janvier 1991 : "Desert Shield".
La guerre comme si l'on y était...


La carte du Golfe - TF1


La carte du Golfe - La Cinq

Mais très vite, les journalistes sont jugés indésirables sur le sol irakien. Deux jours après le déclenchement du conflit, les médias sont expulsés d'Irak. Dès le 18 janvier, l’armée française, se référant à une ordonnance de 1944, interdit aux journalistes le périmètre des combats "pour leur sécurité". Le SIRPA, le service d’information de l’armée française se réserve le contrôle de chaque image. Seule illusion, le direct téléphonique avec " l’envoyé spécial " qui apparaît, à l’écran, en photo d’identité sur une carte géographique. La stratégie militaire est largement privilégiée au dépens des documents explicatifs ou susceptibles de mettre en perspective le conflit. Les chaînes de télévision doivent alors faire preuve d'imagination pour combler les journaux de 20h et les innombrables éditions spéciales. Sur les plateaux de télévision du monde entier, la recette est la même : un présentateur, un spécialiste militaire qui commente les mouvements de troupes alliée et ennemie, une carte représentant le Golfe et quelques images empruntées avec ou sans autorisation à la seule chaîne autorisée à émettre depuis Bagdad : CNN. Les forces alliées ainsi que celles de Bagdad comprirent rapidement l'impact que ces images pouvaient avoir. La télévision devient un instrument de propagande, et même une arme. D'un côté, l'on montre les images d'un oiseau de mer englué dans une nappe de pétrole ou celles de missiles SCUD s'abattant sur Tel-Aviv, pour justifier les besoins de cette guerre aux différentes opinions publiques et bien sûr les images des deux soldats français tués sont censurées. De l'autre côté, on peut voir des soldats britanniques capturés, ou des F-117 américains abattus, malgré leur invisibilité aux radars, et les images des camps de prisonniers irakiens sont, elles, bannies. Et en signe de protestation contre la censure et la manipulation, les médias occidentaux prennent les opinions publiques à témoin. Les mentions « Images contrôlées par l’armée » ou tout simplement « Censuré » apparaissent sur toutes les chaînes du monde. La défaite journalistique écrite en toutes lettres. La Cinq n’hésite pas à mettre des écrans noirs de quelques secondes sur les images censurées dans ses reportages, et les radios elles aussi dénoncent la censure. Sur France-Inter, un célèbre journaliste américain explique en direct que « Si la guerre du Viêt-Nam a cessé, c'est parce qu'on en a montré les horreurs. Justement, les militaires veulent empêcher qu'on voie cela. Ils organisent donc l'encadrement des journalistes dans le Golfe". Ce dont sera victime M6, qui rappelle chaque jour à l’antenne que des soldats saoudiens encadrent son équipe envoyée dans le Golfe. Quant à la chaîne américaine NBC, elle est interdite de retransmission depuis Israël pour avoir enfreind les règles de la censure militaire israélienne.

 
Censure sur Antenne 2

 
Censure sur ABC

Depuis le début de la guerre du Golfe, les images de la chaîne CNN monopolisent les écrans de télévision du monde entier. Elle bat tous les records d'audience aux Etats-Unis. Et dans le monde. Lors de la première nuit des bombardements, l'audience de CNN a explosé : près d’un milliard de téléspectateurs à travers le monde, l’audience la plus large de l’histoire pour un événement non sportif. Ses programmes sont aussi retransmis en Europe par les réseaux câblés, où elle touche cinq millions de foyers. En France, en 1991, cent mille foyers peuvent la capter. Les autres doivent se contenter des images diffusées par les chaînes nationales, comme TF1 ou La Cinq, qui ont passé des accords avec CNN. Mais cette audience augmente rapidement. Venant essentiellement de diplomates et d'hommes politiques, les demandes de raccordement ont doublé sur Paris en ces temps de guerre. Le premier week-end de la guerre, le standard de Paris TV Câble a explosé : autant de demandes d'abonnement spontanés en 3 jours qu'en un mois ! Pour 157 F par mois, les foyers câblés peuvent recevoir 24 chaînes. Sur 2,6 millions de logements équipés de raccords, on ne compte que 458 000 abonnés, soit un taux de pénétration de 17.5%. Un chiffre dérisoire comparé aux 90% de la Belgique.

Le secret imposé par les Américains indispose évidemment les médias, qui se sentent manipuler. Si le régime appliqué jusqu'alors n'est pas assoupli, on risque des dérapages ou des bavures. François Mitterrand est très attentif à ce problème. Il est irrité par TF1 qui, selon lui, ne fait pas toujours preuve du sens des responsabilités. L'interview de quatre soldats français exprimant leur mécontentement et la présentation qui en a été faite l'ont indigné. Les prestations de généraux à la retraite l'agacent aussi, et c'est pour y faire contre-poids qu'il a demandé à son chef d'état-major particulier, l'amiral Jacques Lanxade, de paraître à l'émission 7 sur 7 présentée par Anne Sinclair sur TF1. Dans le Golfe, il y a deux guerres : la vraie et celle que les organes de presse relatent comme ils peuvent, faute de moyens. Hélas ! ce ne sont pas les mêmes.

 
Flash spécial sur Antenne 2

Par ailleurs, le CSA (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel) condamne les principales chaînes de télévision françaises pour leur traitement de la guerre du Golfe. Ainsi, le CSA explique à TF1 qu' "en matière d'information, c'est l'exactitude et non la vraisemblance qui doit être la règle" et reproche également aux dirigeants de cette dernière que certains "propos vraisemblables, et comme tels crédibles et intégrés dans le système de représentation des téléspectateurs (...) étaient faux, ou n'ont pas été vérifiés." La chaîne a également été condamnée pour avoir diffuser un reportage dans lequel des soldats français exprimaient leur mécontentement. Le service public n'est pas en reste. Sur RFO, Jean-Claude Lefort expliquait au premier jour de guerre : "300.000 Irakiens auraient déjà été tués et un tiers de Bagdad détruit" selon une information de TF1 qui relayait, dit-il, l'ambassadeur de l'OLP à Lisbonne. Un dérapage qui n'a pas échappé à la vigilance du CSA. On reproche également aux reporters de La Cinq d'avoir filmé un hôtel parisien en le présentant comme un haut lieu du terrorisme surveillé par les Renseignements généraux. Antenne 2, elle, a été condamnée pour "atteinte à la sécurité militaire" lorsque Gilles Rabine annonçait en direct lors du journal de la nuit du 16 janvier, et avec précipitation, que la guerre allait commencer. Le CSA reproche à FR3 ses nombreux recours aux directs et ses nombreux micro-trottoirs, dont ceux du 18 janvier sur les réactions de la communauté musulmane de Paris. Des interventions "pro-Saddam" pouvant susciter des réactions de haine entre les communautés. "Cette dérive ne peut qu'être condamnée. Si l'information télévisée a nécessairement un caractère spectaculaire, l'actualité étant souvent dramatique, en abuser est néfaste. La dramatisation excessive et le schématisme sont des tendances fâcheuses." La "spectacularisation" de l'information est une critique contre la télévision qui revient fréquemment après le conflit. Un exemple : peu après le bombardement du bunker d'Amriya où 400 civils irakiens furent tués, une femme en pleurs hurle en anglais aux journalistes anglo-saxons : "C'est ça votre civilisation? Ils ne peuvent même pas reconnaître leurs êtres chers ! Ils ne vont même pas pouvoir les enterrer." Les cameramen des chaînes françaises arrivent sur les lieux peu après. Ils ont raté cette scène mais peu importe ! Ils s'approchent de cette femme et lui demandent de rejouer la scène et "si c'est possible en français". Et la femme hurle à nouveau...


La guerre sur Antenne 2

 
La guerre sur CNN

Instruit par la médiatisation de la guerre du Viêt-Nam et par les conséquences négatives que celle-ci a eues sur l'opinion publique tant américaine qu'internationale, l'état-major américain a soigneusement contrôlé la nature des informations et des images relayées par les chaînes de télévision ; rétrospectivement, l'ensemble des médias est apparu comme l'instrument de la propagande du Pentagone. Par conséquent, d'après certains sondages, la plupart des Occidentaux n'accordent que peu de confiance en leurs journalistes. D'ailleurs, des pacifistes sud-africains ont défilé à Johannesburg contre l'emprise de CNN sur ce conflit.

Reprenant dans un premier temps les discours des militaires américains sur la précision "chirurgicale" des frappes aériennes alliées, et mettant en valeur l'aspect high-tech des armements employés, les médias ont critiqué dans un second temps la censure américaine qu'ils avaient eux-mêmes acceptée. Le traitement médiatique aseptisé du conflit a ainsi suscité des commentaires contradictoires des journalistes sur le caractère "propre" ou non de cette guerre. De fait, si les militaires accordent désormais à la médiatisation d'un conflit une importance toute stratégique, les médias se sont laissés quelque peu manipuler durant ce conflit, ouvrant involontairement la porte à une désinformation certaine.

 
Flash spécial sur ABC


Flash spécial sur CNN


CNN, La Cinq et TF1 proposent même après le conflit
la vente en vidéos de leurs images de guerre !


 
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