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Reportage typique de la guerre du Golfe:
La conférence de Genève

Retour à la médiatisation du conflit

Extrait du 20h d'Antenne 2 du 9 janvier 1991

" Face à face, James Baker et Tarek Aziz. Il était 11 heures ce matin à l'hôtel Intercontinental de Genève, 9 Américains face à 9 Irakiens. Et pour la première fois depuis 5 mois, les deux principaux protagonistes de la crise du Golfe ne se sont pas agressés par télévision ou porte-paroles interposés, et ont pu échanger pendant plus de 6 heures, points de vue, propositions et peut-être même menaces.
13h15, les deux délégations se séparent sans piper mot. S'agit-il déjà d'un échec ? Non ! Un quart d'heure plus tard on apprend, première surprise, que les conversations reprendront. James Baker appelle Washington.
Reprendront à 14h30 exactement. Motus et bouche cousue, bien sûr des deux côtés à Genève. De Washington, on apprend que les entretiens du matin étaient, je cite, "consistants".
Nouvelle pose à 16h50, un quart d'heure à peine cette fois-ci. M. Tarek Aziz reste de glace sous le feu des questions. James Baker confie, lui, qu'il a seulement eu le temps de se laver les mains, comprenne qui pourra. Et les conversations reprennent une 3ème fois encore. Dans les couloirs de l'hôtel Intercontinental, tout le monde a déjà oublié que James Baker avait prévu de quitter Genève en milieu d'après-midi, après une conférence de presse, originellement fixée à 15h. Décidément, personne ne péchait par excès d'optimisme, entre le pas de marchandage du secrétaire d'Etat américain et le pas d'évacuation du Koweït du chef de la diplomatie irakienne. Et pourtant, les irréductibles adversaires du Golfe se sont écoutés pendant plus de 6 heures, sans claquer la porte, comme beaucoup le craignaient hier encore. Un signe encourageant mais pas suffisant pour que l'on puisse se montrer optimiste, en dépit des rumeurs parfois répandues dans les couloirs de la conférence. Irakiens et Américains gardent le secret le plus total sur le contenu de leurs entretiens."

Dans ce reportage, le journaliste se sert jusqu'à saturation des circonstants et des références chiffrées. Les circonstants sont des informations secondaires. Ici le reporter décrit avec force des détails, comme les lieux de discussion, et l'organisation temporelle de celle-ci. En 1 minute 30, "Genève" et "hôtel Intercontinental" sont répétés 2 fois chacun, tout comme l'expression "pendant plus de 6 heures". La description suit un déroulement chronologique parfait et très détaillé, jusqu'aux "pauses" d'"un quart d'heure à peine". Tout semble avoir été étudié avec minutie, le chronomètre en main, de façon à être sûr de ne nous rien faire manquer ("13h15", "14h30", "16h50", "15h"). Toutes ces précisions visent d'abord à provoquer chez le téléspectateur l'impression d'exhaustivité et de précision. De plus, cette accumulation de détails permet de faire monter le suspense, renforcé par "S'agit-il d'un échec ? non !" La ligne directrice est donc de retenir l'attention de l'auditeur en suscitant un sentiment de suspense et une envie de connaître la fin. de même l'ignorance du journaliste sur ce qui s'est réellement passé lors de ces discussions, est posée en élément de suspense. La phrase "James Baker confie, lui, qu'il a seulement eu le temps de se laver les mains, comprenne qui pourra." n'a pour autre but que de donner artificiellement un sens potentiel à ce qui n'en a visiblement pas, de créer une interrogation sur un propos sans signification. C'est pourquoi Jales Baker ne dit pas, mais "confie". Le journaliste est en fait aux prises avec une difficulté insurmontable : le secret des discussions, d'où le nombre important de marques d'ignorance dans ce texte ("sans piper mot", "secret le plus total"...). Cette vacuité informative contraste singulièrement avec la précision des éléments chiffrés. La logique est donc de tenter de faire passer l'absence d'informations pertinentes sous couvert d'un suspense chronologiquement étayé.
Finalement, ce reportage montre combien le journaliste avait fondé son intervention sur un a priori, sur un système d'attentes, qui est ici déçu.

Source :
Arnaud Mercier, Le journal télévisé, Presses de Sciences Po, 1996.

© Chronologie de la guerre du Golfe - 2003