La guerre du Golfe a révolutionné
le journalisme télévisé. Avec la rapidité des événements,
la concurrence entre chaînes de télévision et organes
de presse, le manque d'informations et la censure, les
journalistes télévisés devaient se débrouiller, improviser
et agir rapidement pour répondre aux demandes des téléspectateurs,
devenus friands d'images de guerre. La déontologie du
journalisme exige que chaque information doit être vérifiée.
Mais le travail journalistique dans le Golfe se résume
à "pas le temps de vérifier".
Comme pour se justifier, les journalistes précisent que,
de toutes façons, le téléspectateur est comme St
Thomas : il ne croit que ce qu'il voit. Par conséquent,
s'il y a des images, c'est que les informations sont véridiques.
Ce manque de rigueur de la part des journalistes a donc
transformé la guerre du Golfe en un véritable show...
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Rappel :
Les présentateurs du
JT de 20h sont :

Ladislas de Hoyos
Patrick Poivre d'Arvor |

Bruno Masure
Henri Sannier |

Jean-Claude Bourret
Guillaume Durand |
Interviews
des généraux à la retraite
Journal
de 20h de La Cinq présenté par Guillaume
Durand, du 10 janvier 1991
L'information
à grands spectacles se retrouve jusque sur les plateaux de télévision.
Un journal télévisé de La
Cinq nous en offre un exemple caricatural. Il s'agit
d'interviewer un général en retraite (pratique généralisée dans
le monde entier, les officiers en exercice étant occupés dans le
Golfe...) sur les possibilités de guerre. Le présentateur interrompt
plusieurs fois son interlocuteur, le pousse à préciser sa pensée
avant même de l'avoir laissé finir, ponctue les propos de "l'expert"
de "hum hum" et de "ouais"
qui réaffirment sa présence et servent de marqueur d'attention vis-à-vis
du public. Il ne s'agit pas pour le présentateur de donner la parole
à un invité, mais d'occuper l'espace, en étant omniprésent, même
lorsque l'invité a la parole :
"Le
général : Après
le retour de la mission de M. de Cuellar et d'autres tentatives
diplomatiques, lorsque M. Saddam Hussein aura réalisé que l'attaque
des Alliés est inéluctable...
(il est interrompu)
Guillaume Durand :
... il pourrait...
Le général : Il pourrait lui-même...
(il est interrompu)
Guillaume Durand :
... anticiper dès lundi par exemple?
Le général : ... anticiper, avant de
subir de telles pertes, vouloir en infliger aux Alliés, notamment
aux Américains... (il est
interrompu)
Guillaume Durand :
Parmi tous les scénarios qui circulent, le plus probable dans un
premier temps, je parle de scénario, on reste au conditionnel, est
toujours celui d'un bombardement massif des Américains, et pour
combien de temps?
Le général : Tous
les scénarios ont un facteur commun, entre autres, celui d'attaques
aériennes initiales massives.
Guillaume Durand : Ce
sera forcément ça?
Le général : Personnellement,
c'est mon avis.
Guillaume Durand : Ouais
!
Le général : Pourquoi? Parce qu'il
s'agit précisément de neutraliser, et au moins minimiser beaucoup,
dès le départ, les menaces les plus urgentes [...] Mais je crois
que dès ces premières attaques initiales... (il
est interrompu)
Guillaume Durand : Hum
!
Le général : ... le premier jour nous
serons dans un nouveau contexte. La preuve de la détermination aura
été donnée par les Alliés... (il
est interrompu)
Guillaume Durand :
hum hum !
Le général : ...
et M. Saddam Hussein peut alors se trouver lui-même dans une autre
attitude. [Silence interloqué
du général, qui ne sait plus s'il doit continuer ou non à parler.
Puis...] Comme toujours il faut nuancer... [Nouvelle
pause...]Côté irakien, il y a des forces terrestres
qui sont en position défensive. [...] Pour leurs forces aériennes,
elles ont fait la preuve aussi de leurs capacités en attaque air-sol,
en combats aériens proprement dits, je pense qu'elles ne sont pas
du même niveau.
Guillaume Durand : Donc...
(le général ne se laisse pas interrompre)
Le général : Côté
allié, les avantages tiennent à des troupes professionnelles bien
entraînées, remarquablement bien équipées, une logistique solide
et bien d'autres facteurs."
Improvisation
des J.T.
Autre exemple
symbolique de la guerre du Golfe : parler de tant d'événements,
de discours, de voyages diplomatiques, de mouvements de troupes,
d'otages, des familles des soldats, du terrorisme... dans le monde
entier, et dans les 30 minutes que dure le journal, est très difficile,
d'autant plus que les informations parviennent au compte-gouttes,
le présentateur recevant bien souvent de nouvelles dépêches en direct
pendant le journal. Par volonté de direct intégral et de tout dire
à l'antenne, les journaux manquent plus que jamais de préparation.
Les dérapages, incidents techniques et cafouillages s'accumulent.
En écoutant plus attentivement, on s'aperçoit qu'il n'y a quasiment
pas de suite logique entre les informations abordées...
Les journalistes
proposent par exemple des transitions artificielles, sans qu'il
y ait de liens réels entre les faits évoqués. Guillaume Durand pratique
beaucoup ces effets de style, qui consistent notamment à violer
les lois de la syntaxe. Ainsi, alors que le voyage de James Baker
a été évoqué quelques minutes plus tôt, le présentateur de La
Cinq enchaîne un reportage sur les Territoires occupés par ces
mots :"James
Baker en Syrie, quant au ministre iranien des Affaires étrangères,
il pense qu'il ne se passera rien jusqu'à la dernière minute."
Aucun rapport entre les deux, l'un voyage, l'autre
fait une déclaration. Pourtant ils sont enchaînés pour créer de
toutes pièces un sentiment de continuité.
Mais ne
soyons pas sectaires, La
Cinq n'est pas la seule à faire preuve d'autant d'improvisation.
TF1 n'est pas en reste, puisque dans le journal de 20h du
12 janvier 1991, PPDA affirme :"En
fait, les manifestations en France n'auront pas réuni autant de
monde que prévu, semble-t-il. Si l'appel à la paix a rassemblé 100
000 personnes d'après les organisateurs dans les rues de Paris,
eh bien, en province, ils n'ont jamais été plus de 10 000 à la fois,
ce qui n'est quand même pas mal. Comme si la guerre était pour la
plupart d'entre nous, comme une évidence inéluctable."
Aucun lien logique n'existe entre les trois propositions. Pourtant,
le journaliste, dans une volonté manifeste de solenniser ou de dramatiser
ses propos, en établit un, donnant en fait son opinion personnelle
sur la question.
Plus grossière,
la fausse justification, la tautologie: "On
n'avait pas tort de parler de sommet de la dernière chance, car
tout le monde ce soir encore se raccroche à cette chance-là."
(TF1, 9 janvier 1991)
Autre
moyen de donner une image dynamique du journal télévisé : masquer
les incohérences. Ainsi la contradiction (que même les spécialistes
ont du mal à expliquer ! ) entre le fait que le FIS
soutienne l'Irak, alors même qu'il est financé par l'Arabie Saoudite,
devient pour le journaliste une relation évidente et ne posant pas
de question :"On
ignore encore le nombre de volontaires, mais le discours sur la
Palestine tombe politiquement au bon moment pour un parti dont le
principal bâilleur de fonds est l'Arabie Saoudite."
(TF1, 8 janvier 1991)
Il est
possible aussi de recourir à de faux concessifs, qui contiennent
en eux la réponse à l'interrogation posée :"James
Baker devra colmater les fissures, si fissures il y a."
(TF1, 7 janvier 1991)
Enfin,
il peut s'agir de fausses interrogations, qui n'attendent pas de
réponses :"Les Soviétiques
ont-ils en quelque sorte marchandé avec les Américains : on vous
laisse tranquilles dans le Golfe, fichez-nous la paix sur les pays
baltes", à votre avis Ulysse Gosset notre correspondant à Moscou?"
(TF1, 11 janvier 1991) Le reportage qui suit ne répond en
fait pas du tout à la question posée. Or le présentateur le sait
bien puisque ce reportage est préenregistré et non en direct. PPDA
simule donc une interaction avec le correspondant, tout en introduisant
dans les faits une analyse personnelle, posée sous forme de questions,
et qui ne connaîtra ni confirmation ni démenti.
Inutilité
masquée des journalistes
Ultime manière
de susciter l'intérêt du public par le biais d'une mise en cohérence
forcée : l'incapacité de reconnaître qu'un journaliste sur le terrain
n'a pas d'informations à apporter par rapport à ce que l'on sait
déjà. Le résumé de la journée de la conférence de Genève de 1991
est, à ce sujet, éclairant.
Antenne
2, comme La Cinq, propose un long reportage présentant
la journée de négociations et dans lequel les journalistes n'ont
absolument aucune information essentielle à divulguer. Les deux
journalistes masquent leur inutilité informative en faisant part
des activités annexes, ou en insistant avec une exactitude compensatrice
sur des détails. La Cinq met l'accent sur les autres protagonistes
:"Ils
mangent et on mange, "on" : les centaines de journalistes
du monde entier qui n'arrêtent pas d'attendre et de se poser des
questions, on parle alors de premières discussions substantielles.
Dehors, quelques manifestants pacifistes espèrent ne pas être déçus.
14h30, on remet ça pour 2h20 de dialogue. cette fois, le temps qui
passe rassure vraiment." (La
Cinq, 9 janvier 1991)
Antenne
2, quant à elle,
présente la chronologie quasiment minute par minute, et cherche
à faire passer pour signifiants les détails les plus anodins. A
travers cet exemple transparaît le mode d'appréhension journalistique
de la réalité. L'information ne se définit pas comme ce qui est
advenu, mais comme ce que les journalistes espéraient comme digne
d'intérêt. Et la conférence de Genève entre Tarek Aziz et James
Baker n'en avait aucun. Cette volonté d'en consacrer une large place
dans l'actualité s'explique par le fait que les journaux des 7 et
8 janvier consacraient déjà un ou plusieurs reportages sur les préparatifs
de cette conférence que tout le monde voyait comme extrêmement importante.
Puis le 9 janvier, la conférence se déroule de façon différente
de ce qui avait été envisagé par les journalistes. L'incertitudes
et l'ignorance des envoyés spéciaux d'Antenne 2 ne les empêchent
pourtant pas de proposer un reportage assez long sur cette conférence,
pour satisfaire la soif d'information du public.
intégralité
du reportage d'Antenne 2
Petites
phrases journalistiques de la guerre du Golfe
Pendant
six ans, de 1986 à 1992, trois journaux de 20h ont coexistés. Deux
chaînes privées (TF1
et La Cinq) et une chaîne publique (Antenne 2) se
sont arraché les téléspectateurs. Et la course à l'audimat a atteint
son paroxysme durant la guerre du Golfe.
La volonté de supériorité des différents journaux
se retrouve ainsi dans certaines phrases des présentateurs de l'époque,
qui résument à elles seules le rôle des journalistes dans la guerre
du Golfe.
LA CRISE :
UN FEUILLETON A SUIVRE CHAQUE SOIR
Antenne
2 lance une
nouvelle rubrique dans son journal de 20h: "Point de vue",
dans laquelle un expert intervient chaque soir pour commenter les
événements de la journée. Jugée impertinente, cette émission est
suspendue au bout d'une semaine.
* "Nous lançons
ce soir une nouvelle rubrique, intitulée "Point de vue".
Chaque soir, dans le journal de 20h, nous dialoguerons avec des
experts, des spécialistes de l'Islam, ou encore des militaires.
Il s'agit de vous donner les éclairages différents sur la crise
du Golfe." (Antenne 2, 7 janvier 1991)
* Voilà donc l'essentiel de notre dossier ce soir, réalisé sur
la crise du Golfe." (La Cinq, 11 janvier 1991)
* Tous les soirs le savez, nous vous proposons dans
le journal de 20h un point de vue sur la crise du Golfe, les spécialistes
et les experts se succèdent pour donner un éclairage vraiment nuveau
sur la situation ( Antenne 2, 8 janvier 1991)
* "Merci
Georges, nous vous retrouverons demain, bien sûr, pour d'autres
commentaires." (Antenne 2, 8 janvier 1991)
* "
La Une, c'est plus que jamais la crise du Golfe." (Antenne
2, 7 janvier 1991)
* "Chaque
soir, nous donnons la parole à une personnalité appelée à donner
son point de vue sur la crise, et surtout sur son évolution."
(Antenne 2, 10 janvier 1991)
INTERVIEW
* "Vous
nous donnez l'impression de ne pas tout dire, de
savoir des choses que vous ne nous dîtes pas."
(TF1, 7
janvier 1991)
* "Nous
allons retrouver immédiatement en direct à Londres notre ami Duval.
Bonsoir ! J'aurais voulu savoir d'abord..."
(La Cinq,
7 janvier 1991)
* "J'attends
de vous, bien entendu, que vous nous donniez quelques éléments d'information."
(TF1, 7 janvier
1991)
* "Notre
invité, un expert, le général Capillon. Vous avez été l'un des dirigeants
de la SNECMA, vous avez été le patron des forces d'état-major de
l'armée de l'Air en France, vous connaissez donc bien ces problèmes."
(La Cinq, 10 janvier 1991)
*
"La guerre est aujourd'hui sur toutes
les lèvres, même celles d'une petite fille de 3 ans 1/2 qui croit
savoir pourquoi elle s'en va :"Parce que Saddam Hussein il
va venir se bagarrer" " (La
Cinq, 10 janvier 1991)
10 janvier 1991 : La
Cinq présente Claude de Kermoularian comme
quelqu'un connaissant très bien Saddam Hussein,
et qui est parmi les mieux placés pour émettre
un jugement sensé sur sa personnalité,
puisqu'il revient d'un voyage à Bagdad.
Guillaume
Durand annonce :
*
"Autre témoignage sur l'attitude de Saddam,
le diplomate Claude de Kermoularia [...] Il
y a encore quelques jours, Claude de Kermoularia était à Bagdad."
Mais au cours de l'interview,
celui dit clairement qu'il n'a pas vu Saddam
Hussein depuis plusieurs années :
* "...
dans les discussions que j'ai pu avoir, et qui datent déjà quand
même de quelques années..."
RECOURS
AUX DIRECTS
La tentation
d'avoir recours aux directs est énorme. Le
direct permet de fournir plus rapidement des
informations. Et en ces temps de guerre, où de
nouvelles informations, justes ou erronées,
arrivent à chaque instant, l'intervention en
direct d'un envoyé spécial est devenue
incontournable. Lors de son Journal du 22
février 1991, PPDA aura recours à plus de 70
directs ! Mais le direct oblige le reporter à
prendre la parole, puisqu'il est appelé, plus
parce qu'il est possible de le joindre en direct
que parce qu'il a des informations nouvelles à
transmettre.
* "Cette scène
sans commentaire va vous donner une image, je
pense assez naturelle, de l'état d'esprit qui
règne par exemple au premier régiment
d'hélicoptères de combat."
(La Cinq,
7 janvier 1991)
* "Le
direct pour mieux vous informer, Françoise C. à Washington."
(La Cinq, 9 janvier 1991)
Jean-Claude
Bourret interroge Paul Lefèvre à Jérusalem :
* "Est-ce
que vous pensez qu'il y aura ce soir une nouvelle attaque de missiles
sur Israël ? "
Réponse irritée du reporter :
* "Je
peux vous dire que, si je le savais, ça ferait la Une de tous les
journaux israéliens." (La
Cinq, 19 janvier 1991)
Durant
un flash spécial, Gérard Carreyrou interroge
Charles Villeneuve :
* "Après
les premiers bombardements américains, on pensait que les rampes
de SCUD irakiens avait été entièrement détruites. Or il semble maintenant
avéré qu'il reste un certain nombre de rampes de missiles. Charles
Villeneuve, où sont-elles et combien ? "
Réponse cinglante :
* "Si
on le savait, elles auraient toutes été détruites."
(TF1, 18 janvier 1991)
SUSPENSE
* "La
guerre peut-elle encore être évitée ? C'est la
question que tout le monde se pose. Vous, nous,
les politiques, les diplomates, et surtout,
surtout les armées qui sont face à face."
(TF1, 11
janvier 1991)
* "Ici
et là, toutes les rédactions du monde sont à la recherche d'un signe
qui pourrait nous permettre de dire, "eh bien l'Irak fera l'effort
nécessaire pour parvenir à la paix." Mais on ne trouve rien."
(TF1, 12 janvier 1991)
*
"Bonsoir ! On compte maintenant
les heures qui nous séparent de la date fatidique. C'est dans moins
de 100 heures maintenant, dans 98 heures exactement, puisque l'ONU
a fixé à minuit heure américaine, l'ultimatum du 15 janvier."
(TF1, 11 janvier 1991)
*
"Sans doute la dernière chance de
paix, à 74h de l'ultimatum." (TF1,
12 janvier 1991)
DIFFICULTES
JOURNALISTIQUES
* "Vous
découvrez les informations, ou les tentatives
d'information recueillies par l'un de nos
envoyés spéciaux, Christian Mallard."
(La Cinq,
8 janvier 1991)
* "Il
y a aussi une rumeur qui circule, comme c'est souvent le cas ici
quand il est difficile d'obtenir des informations, et la rumeur
serait que les Marines tenteraient une percée à la frontière koweïtienne.
Pour l'instant, ce n'est ni confirmé, ni démenti."
(TF1, 18 janvier 1991)
* "Et
puis évidemment, une question que vous vous posez probablement,
c'est celle de l'information, alors nous nous trouvons en direct
avec le patron du service d'information des armées."
(La Cinq,
8 janvier 1991)
CLARIFICATION
DE LA SITUATION
* "Pour
savoir exactement ce qu'il a dit, pour se faire
une opinion, écoutons Saddam Hussein."
(La Cinq,
7 janvier 1991)
* "Pour
vous clarifier les idées, je vous propose de faire en compagnie
de Stéphane le point de ce dossier aussi délicat qu'explosif."
(Antenne 2,
9 janvier 1991)
* "Dernier
point pour être complet et mieux vous informer, (...) là encore,
encore nos envoyés spéciaux." (La
Cinq, 8 janvier 1991)
* "Prenons
donc connaissance ensemble de ces déclarations du virtuel numéro
2 américain." (La
Cinq, 7 janvier 1991)
* "Pour
être complet sur ce dossier, ajoutons deux
éléments." (La
Cinq, 7 janvier 1991)
RAPIDITE
DES INFORMATIONS
L'information ne se
récolte pas, elle se vit. Les exemples de
l'importance particulière qu'accordent les
journalistes aux événements qui viennent de se
produire sont légions :
* "Et
pour vous donner le maximum de points de vue en un minimum de temps..."
(La Cinq, 10 janvier 1991)
*
"Je vous propose de retrouver tout
de suite, en direct, l'un de nos envoyés spéciaux à Riyad."
(Antenne 2, 11 janvier
1991)
*
"Voilà les informations de dernière
minute que nous vous donnons..." (La
Cinq, 9 janvier 1991)
*
"Merci Philippe pour ces premiers
commentaires, vous étiez, je le rappelle, en direct de Riyad en
Arabie Saoudite." (Antenne
2, 11 janvier 1991)
L'échec
de la conférence de Genève le 9 janvier est
annoncé à 20h précises, juste au moment où
les journaux télévisés prennent l'antenne. Or
aucun journaliste n'imaginait que cette
conférence échouerait. Ils précisaient même
durant la journée que l'exceptionnelle lenteur
des discussions était de bon augure.
En titre, PPDA annonce, en improvisant,
l'échec des discussions, qu'il apprend en même
temps que les téléspectateurs, et ajoute :
* "Vous
avez pu vivre heure par heure sur TF1 , ces entretiens."
Puis, après le résumé de la
journée de discussions, il reprend :
* "Voilà,
il est donc 20h04 et je vous rappelle qu'il y a quelques secondes
James Baker a parlé d'échec devant les journalistes."
Il appelle ensuite les
correspondants à Genève :
* "Ils
vont pouvoir nous donner exactement la raison de cet échec, puisque
le mot a été prononcé, donc je vous le rappelle, tout à l'heure
à 20h précises."
3 minutes plus tard il récidive :
* "Puisque
je vous le rappelle, il y a maintenant 7 minutes de cela, James
Baker a affirmé que les discussions avaient échoué."
SCOOPS
7
janvier 1991 : TF1 obtient un scoop en
recevant sur son plateau Michel Vauzelle, de
retour d'une mission à Bagdad. Son interview est
alors préparée, annoncée, différée
également, pour mieux créer un sentiment
d'attente, et garder l'audimat jusqu'à la fin du
journal.
En titre, PPDA annonce :
* "...
qu'il vient de passer quatre heures avec Saddam Hussein."
Puis il précise :
*
"Michel Vauzelle, dont je rappelle qu'il
sera notre invité dans quelques minutes."
Il conclut enfin :
* "Alors
justement sur ce point, un témoignage capital, celui du dernier
Occidental à avoir rencontré Saddam Hussein, et ce pendant 4h30,
c'est Michel Vauzelle, le président de la commission des Affaires
étrangères."
11
janvier 1991 : Antenne 2 suit le même
procédé en accueillant Henry Kissinger.
En titre, Henri Sannier annonce :
* "sur
ces deux crises, l'avis très autorisé de l'ancien secrétaire d'Etat
américain Henry Kissinger, invité de notre journal."
Puis il précise :
* "Avec
nous en direct sur ce plateau, je vous le disais tout à l'heure,
Henry Kissinger, prix Nobel de la Paix, l'ancien secrétaire d'Etat
américain, l'un des meilleurs carnets d'adresses de la planète (il
rencontre encore très fréquemment les principaux dirigeants, à l'Est
comme à l'Ouest) et bien sûr avec lui, tout à l'heure, nous parlerons
des perspectives de la crise du Golfe."
Après une question sur la
Lituanie (autre sujet d'actualité essentiel lors
de la crise du Golfe), le présentateur reprend
la parole :
* "Merci
Henry Kissinger, nous vous retrouvons bien sûr dans quelques minutes
pour parler de l'évolution de la situation dans le Golfe."
Et enfin, 10 minutes plus tard :
* "Avec
nous en direct sur ce plateau Henry Kissinger, Kissinger, prix Nobel
de la Paix, ancien secrétaire d'Etat américain."
La fin de l'interview rappelle à
ceux qui ne l'auraient toujours pas compris la
pertinence et l'importance des propos qui
viennent d'être tenus :
* "Merci
beaucoup Henry Kissinger, pour ces commentaires à chaud tout à fait
intéressants, car encore une fois vous êtes quelqu'un qui rencontrez
beaucoup de dirigeants de la planète et qui avez un avis parfaitement
informé sur toutes ces questions."
Source
:
Arnaud Mercier, Le journal télévisé,
Presses de Sciences Po, 1996.
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