Jeudi
17 janvier 1991 à 7 heures du matin, quelques
heures à peine après le largage des premières
bombes américaines sur Bagdad, la France entra
en guerre. Durant les deux jours qui suivirent,
une psychose s'empara de tous les Français. Le ministre de
l'Intérieur, Pierre Joxe, encourage ses troupes
et le plan Vigipirate,
destiné à déployer un dispositif de sécurité
sur tout le territoire national, à amorcer sa
phase 2. Ainsi, dès l'annonce du conflit, les
effectifs de police dans les principales villes
françaises sont doublés.
Les contrôles d'identité se sont
multipliés dans la rue, le métro et les gares.
Les patrouilles se relaient 24h/24 autour des
points sensibles (ambassades, ministères...).
Voitures et personnel des ministères sont
systématiquement fouillés avant d'entrer dans
les locaux. Et les badges font de nouveau leur
apparition sur les revers de veste des
fonctionnaires.
Dans les aéroports d'Orly, de
Roissy, du Bourget, de Marseille-Marignanne et
Lyon-Satolas (aujourd'hui Lyon-Saint-Exupéry),
les gendarmes sont postés sur les pistes et
quadrillent toutes les zones non accessibles au
public. Les terminaux, eux, sont en état
d'alerte maximale. Tous les voyageurs et bagages
passent aux rayons X. Les ressortissants des pays
du Moyen-Orient et du Maghreb font l'objet d'un
sévère contrôle.
Les alertes à la bombe fusent de
toutes parts depuis que le conflit a éclaté.
Rien qu'à Paris, on compte une soixantaine
d'appels anonymes par jour. Principales cibles
des plaisantins : la station de métro Châtelet,
les gares de l'Est, de Lyon et Saint-Lazare, les
grandes surfaces et le quartier du Marais, mais
aussi les sociétés américaines comme Philip
Morris France. "Nous
sensibilisons tout le monde aux problèmes de
sécurité, mais il n'y a pas de menaces
précises d'attentat"
assure-t-on au ministère de l'Intérieur.
Un télégramme tombé dans tous les
services de police judiciaire attire l'attention
sur les achats importants de désherbants et de
bouteilles de gaz, produits pouvant servir à
confectionner des bombes.
La communauté irakienne, les foyers
de travailleurs immigrés, les mosquées, les
salles de prière et les cités style
Vaulx-en-Velin sont surveillés de très près
par les policiers de la DST et des Renseignements
Généraux. Actuellement, la grande inquiétude
des autorités réside dans les problèmes
intercommunautaires qu'engendre la guerre du
Golfe.
Dans certaines écoles de l'Essonne
et des Hauts-de-Seine, des bagarres entre Juifs
et Arabes ont eu lieu. En Corse, des centaines de
Marocains, Tunisiens et Algériens ont d'ores et
déjà quitté l'île par peur de ratonnades.
Plusieurs incidents ont en effet crée un
sentiment d'insécurité : agressions de familles
immigrées, vitrines d'épiciers brisées... A
tel point que la ville d'Ajaccio a dû retardé
l'horaire des services de nettoyage de la voirie
et des passages des bennes à ordures afin
d'éviter que les éboueurs ne travaillent dans
les rues désertes. Conséquence de ce climat
général : les services de renseignements ont
constaté un taux d'absentéisme record des
étudiants maghrébins dans les lycées et
facultés de toute la France.
Quant à la population, elle se rue
sur certains aliments comme le sucre, l'huile et
le beurre, si bien que dans la plupart des
grandes surfaces du pays, ces aliments sont
introuvables en rayon.
Autre phénomène inquiétant : la
vente d'armes à feu notamment à Nice, Grasse,
dans les départements de l'Hérault et du
Vaucluse. Face à un tel raz-de-marée, les
responsables des magasins Auchan
et Euromarché d'Avignon
ont, de leur propre initiative, fermé
momentanément leur rayon d'armurerie. Pour
stopper l'hémorragie, le ministère de
l'Intérieur a envoyé en catastrophe aux
préfets une circulaire interdisant le
renouvellement ou la délivrance de ports d'armes
de première et quatrième catégories (tir
sportif et défense).
Face aux menaces terroristes, les
grandes entreprises de l'énergie, de
l'automobile, chimie, armement... se sont aussi
mobilisées. Certaines d'entre elles ont engagé
des professionnels de gardiennage et transformé
leurs locaux en bunker. D'autres, à l'exemple d'IBM,
invitent leurs employés à utiliser les
télécopies et les téléphones plutôt que
l'avion. Quant aux centrales nucléaires, déjà
bien protégées en temps normal, les mesures de
sécurité qui les entoure ont été accrues. En
cas d'aggravation du conflit dans le Golfe, les
militaires sont prêts à assurer leur
surveillance.
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