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Opinion publique
américaine:
Hantise d'un nouveau Viêt-Nam
La
réaction de l'opinion américaine à l'annonce de l'envoi de troupes en
Arabie Saoudite n'a pas fait mentir la règle selon laquelle la nation
fait corps avec son Président dans une situation hostile.
Sondages
USA
Today et CBS
Un sondage mené mercredi 08
août 1990 par le quotidien USA Today auprès d'un échantillon représentatif
de 610 personnes, révèle que 81% des Américains approuvent la décision
de George Bush, contre l'avis de 13% des personnes interrogées et 6% n'ayant
pas d'opinion. Les résultats d'un autre sondage, effectué par la chaîne
de télévision CBS auprès de 376 personnes en âge de voter, sont
un peu moins nets, mais l'approbation d'un engagement militaire reste
forte : 61% pour, 28% contre et 11% d'indécis.
Très
sollicité depuis l'allocution télévisée de George Bush, le 08 au matin,
l'Américain de la rue exprime aux médias du monde entier un avis où la
confiance dans la conduite présidentielle se teinte d'une double crainte
: celle du sang versé de ses enfants et celle d'une hémorragie de son
porte-feuille.
"Ils revivent déjà le Viêt-Nam" affirme
Dave Barker, un conseiller des anciens du Viêt-Nam à Columbus (Ohio).
Et de préciser à USA Today : "Ils n'iront pas, mais leurs
fils pourraient y être et ils pensent que des gens vont de nouveau mourir
sans raison".
Sans raison ? Ce n'est pas l'avis d'une majorité de la
population, que résume la phrase d'un agriculteur du Missouri rapportée
dans le New York Times : "Le Président doit tirer un trait
quelque part, et ce trait doit être sur la frontière saoudienne".
En gros : George Bush n'avait pas le choix. Mais les réflexes patriotiques,
voire chauvins, jouent leur rôle. Au-delà de l'affaire irakienne, il y
va de l'honneur américain : "Nous avons enduré assez d'humiliations
comme ça" affirme un ouvrier de Ford pourtant conscient
de l'impact de la crise sur le secteur automobile.
L'honneur étroitement associé au ras-le-bol, c'est l'ingrédient
qui avait déjà alimenté le soutien populaire aux opérations précédentes
de Grenade et de Panama. Mais tout le monde est conscient que le Moyen-Orient
représente de beaucoup plus grands risques. Aussi, le soutien est-il apparu
cette fois moins net à John Zeglarski, qui travaille pour l'Institut de
sondage Gallup. Cette organisation avait d'ailleurs relevé, dimanche
05 août, que jusqu'alors, la moitié seulement du pays s'intéressait aux
événements du Koweït.
La situation a certes bien changé depuis, sous le double
effet de l'engagement américain et de l'escalade des prix de l'essence
à la pompe. Il apparaît, dès le début du mois d'août, que tout est possible.
Y compris, craignent certains, un rétablissement du tirage au sort - le
draft - qui désignait ceux qui devaient partir pour le Viêt-Nam.
Le "draft" a pris fin en 1972, mais les inscriptions
à la préparation militaire, qui permettent d'éviter un envoi systématique
sur les champs d'action, sont rétablies depuis 1980. Traditionnellement,
elles sont en hausse dans le sillage de chaque opération armée. Les responsables
du recrutement militaire s'attendent donc à une nouvelle poussée.
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