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La guerre du Golfe vue par TF1
45% de parts de marché en moyenne pour son journal de 20h ; 55% à 13h
(à titre indicatif : parts de marché globale de la chaîne : 42,6%) |

Edition spéciale TF1 |

PPDA à Bagdad avec Saddam Hussein |
La première chaîne française a bâti son image sur le modèle des télévisions américaines, et plus particulièrement de CBS. Le même présentateur vedette (PPDA) depuis plus de 15 ans, des reporters aux quatre coins du monde et des accords avec les grandes chaînes internationales ont fait de TF1 privatisée la première chaîne d'Europe en termes d'audience et de parts de marché. |
Records d'audience :
Le 16 janvier 1991, plus de 13,3 millions de Français attendaient avec angoisse le début de la guerre devant le 20h de TF1. Dans la nuit du 16 au 17 janvier, plus de 46% des Français apprenaient à 0h39 le déclenchement des hostilités en regardant TF1 et son flash spécial, présenté ( et improvisé ! ) par Jean-Claude Narcy, qui était en train de fêter son anniversaire avec ses collègues au moment où l'information arrivait sur son bureau. Ce qui lui a valu le plus beau sprint de sa carrière pour descendre les quelques étages qui séparent son bureau du plateau de télévision. Gérard Carreyrou, chef de la rédaction de TF1, s'appuie sur l'Audimat "qui confirme la confiance du public envers la Une" et souligne que sa chaîne ne cesse de battre des records d'audience, en particulier le 22 février 1991 où 12,8 millions de Français ont suivi les préparatifs de l'offensive terrestre lors du journal de PPDA, ou encore le 28 janvier 1991 où 13,6 millions de Français ont assisté aux chutes de SCUD irakiens sur Israël lors du 20h du même PPDA (meilleure audience de l'année pour un J.T.). Et le matin de l'expiration de l'ultimatum de l'ONU, TF1 a atteint 10% d’Audimat (plus de 4 millions de téléspectateurs) entre 6 et 8 heures du matin en pleine semaine. Du jamais vu en France !
"On est fiers de notre souplesse d'antenne, de la cohésion de nos équipes, de la maîtrise de la diffusion par satellite", affirme Jean-Pierre Pernaut, qui présente le journal de 13h (47 heures d'antenne entre le 17 janvier et le 28 février, soit plus d'1h30 par jour au lieu des 30 minutes habituelles...). |

Jean-Pierre Pernaut |
Ce qu'on retiendra de TF1 :
Le chef de l'information de TF1 précise :
"Nos envoyés spéciaux ont été les meilleurs de toute la presse audiovisuelle. Avec son équipe, Jean-Luc Mano a été le premier à pénétrer sur le territoire koweïtien. Patrick Bourrat a, lui, couvert la bataille de Khafji sur le front, et Maurice Olivari est entré dans Koweït-City avant les troupes américaines et koweïtis. Quant à Catherine Jentile, elle est l'une des rares femmes sur le terrain". (NDLR : Faux ! Chaque chaîne française a envoyé plusieurs femmes-journalistes dans le Golfe). Gérard Carreyrou passe pourtant sous silence le fait que TF1 était la seule chaîne à ne pas être présente en Irak. Le bureau de TF1 à Bagdad ouvert en octobre 1990 a dû fermé le 10 janvier 1991, les journalistes de TF1 ayant été expulsés d'Irak après la diffusion d'un reportage en France sur la Garde républicaine irakienne. Cela n'a pas empêché la chaîne de battre un autre record, celui du nombre de journalistes envoyés sur un même théâtre d'opérations : 115 ! Le correspondant de Hong-Kong a ainsi rappliqué en Arabie Saoudite. De même que Jean-Luc Mano, pourtant chef du service politique intérieur. Le spécialiste scientifique François de Clausets a, lui, proposé ses services "pour ne pas être en dehors de la rédaction dans un moment pareil".

L'amiral Lacaze interviewé par Anne Sinclair, dans 7 sur 7 |
Parmi les temps forts de la chaîne, on retiendra l'édition spéciale débutée le 24 février au matin pour le déclenchement de l'offensive terrestre, et achevée le 25 février au soir, soit plus de 36 heures de direct. C'était le 'Bagdadthon' (dixit Les Nuls sur Canal+) de Gérard Carreyrou et Michèle Cotta. Durant le conflit, ceux-ci présentaient, avec des poches sous les yeux, les innombrables éditions spéciales. Ils étaient là quand on se levait, ils étaient là quand on mangeait, ils étaient encore là quand on se couchait... Et le rédacteur en chef du 20-heures raconte : "Quand en régie finale, 25 correspondants sont en attente de passer à l'antenne, sans quiconque pour leur tenir la main, quand Cotta demande à Bromberger de meubler quelques minutes de plus parce qu'elle ne parvient pas à joindre le bon correspondant, quand Marie-Claude Slick panique en direct parce qu'elle a oublié de prendre son masque à gaz, quand sur la carte géographique ne figure pas le Koweït... à l'intérieur de la chaîne, on s'étonne encore qu'il y ait eu aussi peu de bavures..." |
Les débordements médiatiques :
On se souvient aussi de l'émission Le droit de savoir, où Patrick Poivre d'Arvor recevait un homme se faisant passer pour le garde du corps de Saddam Hussein, ou encore le goéland englué dans la marée noire du Golfe dont les images dateraient de... 1978. Sans oublier également l'émerveillement des présentateurs devant les images de CNN aux premières heures de la guerre : "Les photos aériennes de bombardements au laser diffusées par l'armée américaine sont extraordinaires" (Michèle Cotta) ; "Voilà des documents tout à fait extraordinaires. Des documents qui sont tout à fait im-pres-sion-nants" (Jean-Pierre Pernaut) ; "Ce sont effectivement des images tout à fait étonnantes, dans quelques instants, d'autres images tout à fait étonnantes" (Gérard Carreyrou)...

Journal de la Nuit : Ruth Elkrieff |
Il paraîtrait inconcevable de clore le chapitre TF1 sans citer Ruth Elkrieff, que son propre effort de guerre a menée au journal de 23h, alors qu'elle avait disparu de l'antenne, et PPDA qui, d'après certaines mauvaises langues, a été l'incarnation même du conflit (personne n'a oublié le bébé de Bagdad, l'interview historique de Saddam Hussein, son direct depuis Riyad et le journal interminable de 36 heures...). Les Guignols de l'Info sur Canal+ s'étonnèrent même de ne pas le voir présenter son journal en uniforme kaki et avec un masque à gaz... |
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La guerre du Golfe vue par le service public
Antenne 2
Antenne 2 : 26,2% de parts de marché en moyenne pour son journal de 20h
(à titre indicatif : parts de marché globale de la chaîne : 21,8%)
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Edition spéciale Antenne 2 |

Images de pool signifie qu'une seule équipe a été autorisée à filmer pour l'ensemble des télévisions |
Sur Antenne 2, Bruno Masure raconte :
"Le 11 février, quand j'étais à Riyad pour le 20-heures, j'ai vu l'équipe en baver. Le public croit qu'ils cherchaient le scoop quand ils cherchaient seulement à vérifier l'info." |
Des propos qui valent pour tous les envoyés spéciaux. A commencer par ceux d'un service public qui a bien mérité son nom. Claude Carré, le directeur de l'information sur Antenne 2, (que l'on dit sur la sellette à la fin de la guerre, pour avoir trop couvert les événements du Golfe ! ) peut se vanter de reportages faits maison à 90%.
Les débordements médiatiques :
"TF1 et La Cinq ont annoncé la guerre avant nous à cause de notre rigueur. Nous avons voulu vérifier que le survol de Riyad par les avions, que nous signalait Gilles Rabine, ne correspondait pas à un exercice d'alerte" explique Claude Carré. Alors que le flash de TF1 annonçant le déclenchement des hostilités raflait 46% de parts de marché, Antenne 2 n'en obtenait que 18%. La rédaction de la chaîne publique ayant préféré attendre la fin de la retransmission d'un match de basket pour vérifier et confirmer les informations leur venant du Golfe. Pourtant, on se souvient du Journal de la nuit du 16 janvier, dans lequel Gilles Rabine déclarait en direct de Riyad que des avions venaient de décoller et arriveraient dans le ciel de Bagdad dans 1h30 et que "la guerre va commencer". Simple déduction... qui s'est vérifiée, et condamnée par le CSA pour "atteinte à la sécurité militaire". Et si Saddam Hussein avait regardé Antenne 2 ce soir là...? On se souvient également d'Auberi Edler parlant depuis Jérusalem, sur le toit de son hôtel, avec un masque à gaz sur le visage. Et non, les journalistes de CNN n'étaient pas les seuls à exploiter les événements pour faire de l'audience. Sans oublier le flash de Daniel Bilalian du 15 février annonçant la fin de la guerre... avec 13 jours d'avance !

Journal de la Nuit d'Antenne 2 :
Claire Chazal |
Ce qu'on retiendra d'Antenne 2
Le meilleur coup de la chaîne et de ses 97 journalistes envoyés dans le Golfe : être la première à Bagdad avec les journalistes internationaux. Et, grâce notamment aux correspondantes de guerre Martine Laroche-Joubert et Isabelle Baechler, Antenne 2 était la seule chaîne présente à Bagdad du début à la fin du conflit. Le mot d'ordre de Claude Carré était aussi précis que son nom le suggère: "éviter le côté série policière et citer les sources". Et pour Henri Sannier, présentateur vedette de la chaîne, un seul regret : avoir ouvert une fois son journal sur un autre sujet que la guerre du Golfe, faisant chuter l'audience de sa chaîne... |
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La guerre du Golfe vue par le service public
FR3
FR3 : 19,2% de parts de marché en moyenne pour son journal de 19h30
(à titre indicatif : parts de marché globale de la chaîne : 11,7%) |

Edition spéciale FR3 |
Même satisfaction justifiée du côté de la petite FR3

19/20 de FR3 : Paul Amar et Elise Lucet
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Paul Amar raconte :
"Malgré la justesse de ses moyens, FR3 devait d'autant moins être absente du conflit [NDLR: une équipe de FR3 avec à sa tête Mémona Hintermann fut expulsée du Golfe après avoir franchi la frontière koweïtienne sans autorisation] que les militaires sont dans 80% des cas originaires des régions." |
Les correspondants de guerre racontent :
Christophe Airaud, caméraman de FR3 en Arabie Saoudite et intégré aux troupes françaises, explique :
"Franchement, j'étais plus un touriste japonais qui tournait sous les ordres d'un G.O. qu'un journaliste qui filmait la guerre..."
Le journaliste Marc Autheman précise :
"Parmi les moments forts de FR3, on peut citer les 4 heures d'antenne réalisées quand le premier SCUD est tombé sur Israël."
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La guerre du Golfe vue par l'autre chaîne privée : La Cinq
7,8% de parts de marché en moyenne pour son journal de 20h
(à titre indicatif : parts de marché globale de la chaîne : 11%) |

Edition spéciale La Cinq |
Dans une période de guerre des chaînes, que la guerre du Golfe n'a fait qu'attiser, c'est La Cinqqui peut se vanter d'avoir la première (à 2h15) annoncé le début de l'offensive terrestre. Sans que Guillaume Durand donne pour autant de la trompette.

Olivier Warin en direct de Bagdad,
La Cinq |
"Nous ne confondons pas la guerre et le spectacle" affirme le directeur général de La Cinq, Pascal Josèphe, qui trouve que certains présentateurs (bien entendu des chaînes concurrentes...), et plus particulièrement PPDA, ont manqué de sobriété en parlant de "magasins dévalisés" et de début de pénuries. |
Les débordements médiatiques
Guillaume Durand, le présentateur vedette de la chaîne, raconte : "Pas de triomphalisme. On est d'autant plus prudents que l'on est reçu par satellite en Algérie. Ce qui restera de cette guerre? Le formidable boulot de tous nos envoyés spéciaux." Ces derniers étaient plus d'une quarantaine dans le Golfe. Les innombrables et interminables "Spécial Golfe" de Guillaume Durand atteignaient les 20% de parts de marché (record de la chaîne).
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Guillaume Durand |
Pourtant, on se souvient du "standard SVP" par l'intermédiaire duquel les téléspectateurs posaient leurs questions en direct aux spécialistes militaires sur le plateau entre deux reportages de guerre. La télé-réalité avant l'heure...
Sans oublier les sempiternelles interviews de soldats français, comme celle d'un légionnaire du 2ème REI :
"- On est peut-être à la veille d'une grande épreuve ?
- Peut-être.
- Comment vous vous sentez ?
- Bien.
- Vous avez confiance ?
- Très confiance en mes supérieurs.
- Qu'est-ce qui est le plus difficile dans votre condition ?
- Rien."
Une interview riche en information... |

Guillaume Durand |
Ce qu'on retiendra de La Cinq
La petite histoire retiendra l'interview du cuistot de la Maison Blanche, à défaut d'une personnalité plus importante, et la faute à personne si, en plus, il n'avait rien à dire… La grande histoire, elle, gardera en mémoire la prodigieuse image d'Isaac Stern jouant du violon en plein chaos à Jérusalem. Gilles Schneider, qui, réveillé au moment même où le flash de la chaîne annonçait aux Français le déclenchement de l'offensive terrestre, assura l'antenne pendant plus de 7 heures d'affilées, précise : "Grâce à Patrice Dutertre et Nathalie Saint Cricq, on a pu voir le célèbre violoniste au beau milieu d'une alerte qui s'était déclenchée lors de son concert. La salle se vidait et il refusait de lâcher son archet."
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La guerre du Golfe vue par la petite M6
1,8% de parts de marché en moyenne pour son journal de 19h54
(à titre indicatif : parts de marché globale de la chaîne : 7,9%) |

Journal M6 |
Ce qu'on retiendra de M6
Avec une seule équipe présente dans le Golfe, la petite dernière a assuré une couverture plus qu'honorable des événements (plus de 20 flashes par jour !), parvenant par exemple à pénétrer la première dans un appartement de Riyad secoué par les débris d'un missile SCUD.
Patrick Charles, présentateur de la chaîne, explique :
"Après [NDLR: le scoop de l'appartement bombardé], les militaires saoudiens ont encadré l'équipe pour contrôler les reportages."
Le Golfe en direct, un exploit pour une chaîne plus spécialisée dans les clips et les feuilletons américains constamment rediffusés, que dans les débats sur l'avenir du pétrodollar ou des médias en Europe.
La guerre du Golfe vue par les chaînes étrangères
Concernant l'Europe des médias, Alex Taylor, journaliste anglais, a suivi, chaque matin dans l'émission "Continentales" sur FR3, la guerre à travers les images de Sky News, de la BBC (première chaîne européenne dans Koweït-City, la chaîne britannique a toujours cité en premier les sources irakiennes) ; de RTL ( la chaîne ouest-allemande a surtout montré la guerre à travers les civils, courant pacifiste oblige) ; de TVE ( la chaîne espagnole a présenté une guerre style "prêt-à-penser" dans des récits longs et sans grand intérêt, d'où la faible audience des journaux espagnols durant le conflit, en comparaison avec leurs homologues européens) ; et de la RAI (la chaîne italienne a fait systématiquement le tour des correspondants de tous les pays).

journal du soir de CBS :
Dan Rather |
Et CNN dans tout cela?
Inutile d'en revenir encore à elle qui, après avoir révolutionner le journalisme durant cette guerre, a failli être responsable du licenciement du plus célèbre présentateur de J.T. : Dan Rather de CBS. |
Ce même Dan Rather qui, à 60 ans, obtint en France, le 17 décembre 1990, un 7 d'Or d'honneur pour l'ensemble de sa carrière audiovisuelle (il est, pour ainsi dire, le copain de PPDA…). L' "effet CNN" ayant fait chuter l'audience de CBS, les responsables de la première chaîne de télévision américaine envisageaient, après le conflit, de remplacer le journaliste le mieux payé de la planète par la présentatrice avec laquelle il refusa de partager son fauteuil durant le conflit. Le monde de la télévision est impitoyable…
N.B. Les parts de marché des chaînes sont celles de 1991
Sources : Télé 7 jours ; L'Evénement du jeudi ; VSD |