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A la suite de
la plainte de militaires français, le ministère de la défense a annoncé
mercredi 19 juillet 2000 qu’il pourrait réexaminer le dossier d’anciens
combattants déclarant être victimes du syndrome de la guerre du Golfe. Mais,
un problème persiste. Ce syndrome existe-t-il vraiment et quelle est sa cause
? Le mystère est loin d’être éclairci. En 1991, éclatait la
guerre du golfe. Trois ans plus tard, en 1994, des militaires américains se
plaignaient de ressentir des symptômes de nature variée : type de
fatigue, détresse psychologique, troubles du sommeil ou de la mémoire,
problèmes sexuels, douleurs au niveau des articulations ou des muscles,
confusion, déséquilibre... Le syndrome de la guerre du golfe était né. Presque une décennie
après, il semble que 20 000 à 50 000 des 183 000 vétérans américains
indemnisés aient reçu une pension pour ce motif. Environ, 7 % des
militaires yankees auraient ainsi présenté le fameux syndrome, contre
seulement 1 % des militaires britanniques et 1 % des militaires canadiens
engagés dans le conflit. Dans le cas de la France, aucun cas n’a été reconnu
formellement par le ministère de la Défense et les 120 pensions militaires
d’invalidité qui ont été accordées à certains des 25 000 militaires français
ayant participé à l’opération Daguet l’ont été pour de tous autres motifs, le
plus souvent pour des blessures de guerre ou des accidents bien identifiés.
Dans une dizaine de cas, semble-t-il, il s’agissait de troubles
psychiatriques. D’après le ministère, le nombre de demandes de pensions
déposées aurait d’ailleurs été faible, de l’ordre de 300. L’affaire
rebondit L’affaire vient
toutefois de connaître un rebondissement depuis quelques mois. Un ancien
militaire qui a participé à l’opération Daguet, Hervé Desplat, et qui
présente depuis lors une tuberculose mais aussi d’autres symptômes, a en
effet créé une association, “Avigolfe”, pour défendre les Français touchés
par le syndrome du golfe. Selon Hervé Desplat, une trentaine de ses anciens
collègues seraient atteints par la maladie. Ce militaire avait déposé une
demande de pension, mais sa requête a été déboutée par le tribunal
responsable de l’attribution de celles-ci en 1995. Cependant, sa demande sera
de nouveau examinée par la Cour d’appel du tribunal de Bordeaux à la
mi-septembre. Il n’est donc pas impossible que les troubles rapportés par
Hervé Desplat soient au bout du compte reconnus comme en relation avec un
syndrome du Golfe par le Service de santé des armées. Ce serait également
déjà le cas d’un autre militaire ayant été victime d’une affection rare, une
arbovirose de type West Nile. Le nombre de cas suspects admis par le
ministère de la défense se limiterait donc à deux au maximum pour l’instant. La députée apparentée
PS de la Drôme, Michèle Rivasi, s’est intéressée au problème et pourrait
demander une mission parlementaire d’information sur le syndrome du Golfe.
Après avoir rencontré cette députée, Alain Richard, ministre de la défense a
ainsi annoncé le mercredi 19 juillet 2000 que son ministère pourrait
“réexaminer les cas d’anciens combattants qui présenteraient des troubles
apparus tardivement”. Le syndrome
du Golfe a-t-il une réalité ? Les faits en sont là.
L’armée française cherche-t-elle à se défausser de ses responsabilités et
minimise-t-elle la réalité ? C’est possible. Mais, on ne peut nier que le
contexte est fort complexe. En effet, l’existence même du syndrome du Golfe
est discutée par de nombreux experts américains et ses causes éventuelles
restent non élucidées. Huit facteurs favorisants ont été suspectés parmi
lesquels l’exposition à des insecticides organochlorés ou organophosphorés ou
l’utilisation de colliers anti-tiques ou anti-puces recouverts de
diéthyltoluamine, des armes chimiques d’origine irakienne comme le gaz sarin,
le recours à de la pyridostigmine pour assurer la protection des militaires
contre ces mêmes armes chimiques, l’utilisation par l’armée américaine d’obus
ayant contenu de l’uranium appauvri, l’exposition à des maladies infectieuses
comme les leishmanioses, l’émission dans l’atmosphère de toxines en particulier
celles provoquées par les incendies des puits de pétrole. Plusieurs
publications, dont l’une parue le 20 mai dernier dans l’hebdomadaire médical,
le “British Medical Journal”* ont également suggéré que les
vaccinations réalisées chez les militaires de la guerre du golfe auraient pu
participer à l’apparition de ce syndrome. Une hypothèse qui en vaut peut-être
d’autres, car 150 000 militaires américains ont été vaccinés contre le
charbon et cette vaccination a exigé plusieurs injections. Une situation
différente pour les Français La forte différence
entre le nombre de cas décrits des deux côtés de l’Atlantique pourrait être
expliquée par une moindre exposition des militaires français à ces possibles
causes du mystérieux syndrome du golfe. En effet, les conditions de combat
n’ont pas été les mêmes pour les deux armées. Par exemple, les militaires
français n’ont pas été vaccinés contre le charbon et n’ont apparemment pas
utilisé d’uranium enrichi. Quant aux dépôts d’armes chimiques irakiens, qui
ont été bombardés et qui ont donc pu relâcher dans l’atmosphère les
substances toxiques qu’ils contenaient, ils auraient été localisés à distance
des lieux où se trouvait l‘armée française. Enfin, les Américains étaient
situés dans des zones où certains insectes nuisibles étaient particulièrement
nombreux (culex, phlébotomes), d’où un emploi intense des insecticides par
l’armée américaine. Des maladies infectieuses comme les leishmanioses,
transmises par les phlébotomes, ont été également assez courantes parmi le contingent
américain. Au final, il n’est
pas impossible que le syndrome de la guerre du Golfe doive se décliner au
pluriel et que les combattants présentent des symptômes en rapport avec
plusieurs substances ou facteurs toxiques. Quant à la part des facteurs
psychologiques, du stress post-traumatique dans la genèse de ce ou
plutôt ces syndromes, elle demeure difficile à évaluer mais pourrait être non
négligeable. |