Texte
lu le 16 janvier 1991 à 15h30 à l'Assemblée
Nationale et au Sénat
Dans
un message lu au Parlement français par Laurent Fabius à
l'Assemblée Nationale et Alain Poher au Sénat, le
chef de l'Etat annonce l'engagement des troupes françaises
dans le conflit.
La
France a adopté depuis le 2 août 1990 l'ensemble des
résolutions du Conseil de sécurité condamnant
l'invasion et l'annexion du Koweït par l'Irak. Elle s'est associée
aux démarches entreprises pour que ce dernier se retirât
du territoire qu'il occupe en violation de la Charte des Nations
Unies. Elle a pris part à l'embargo et envoyé près
de 12.000 hommes en Arabie Saoudite et dans la région.
Mais au terme du délai fixé, il nous faut constater,
ce matin, 16 janvier, qu'aucune réponse conforme à
l'attente des peuples attachés à la défense
de la paix, dans le respect du droit, n'a été donnée
par les dirigeants irakiens.
L'heure est donc venue pour nous, comme pour tout pays responsable
et garant des règles sur lesquelles reposent l'équilibre
et la sécurité de la communauté internationale,
d'appliquer les principes dont nous nous réclamons. Je le
dis avec regret, mais détermination : le recours à
la force armée pour contraindre l'Irak à évacuer
le Koweït est désormais légitime.
C'est pourquoi j'ordonnerai l'emploi des moyens militaires que commande
la participation de notre pays à la mise en oeuvre des résolutions
des Nations Unies.
Après avoir entendu le gouvernement, vous aurez à
vous prononcer sur ce point, selon la procédure de l'article
49, alinéa 1, de la Constitution.
Au
cours de ces derniers mois, je me suis adressé plusieurs
fois aux Français pour les tenir au courant de l'évolution
de la situation au Moyen Orient et des décisions arrêtées
en conséquence, au fur et à mesure de leur nécessité.
Monsieur le Premier ministre, de son côté, par des
rencontres organisées avec les représentants des deux
Assemblées, vous en a régulièrement informés.
J'affirme hautement que la France n'a rien négligé,
et ceci jusqu'au bout, pour parvenir au réglement pacifique
de la crise. Elle a multiplié les initiatives en ce sens.
Elle ne poursuit pas d'autres objectifs que ceux définis,
avec précision, par le Conseil de sécurité
et, d'abord, la libération du Koweït. Ce faisant, elle
assume le rang, le rôle et les devoirs qui sont les siens
et se déclare solidaire du camp du droit contre la politique
de l'agression et du fait accompli.
Au moment où, pour la première fois dans l'histoire
des nations, s'offre la possibilité de construire un ordre
mondial fondé sur la loi commune du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes, il paraîtrait inconcevable qu'elle
s'abstint d'apporter son aide et son concours.
Le peuple français, qui en connaît le prix, hait la
guerre. Mais il n'y a en lui aucune faiblesse pour ceux que Jean
Jaurès appelait les "fauteurs de conflit".
La France n'est pas l'ennemie de l'Irak. Malheureusement, pas un
signe, pas un mot de Bagdad n'ont permis d'espèrer que l'on
s'y soumettrait aux exigences du droit.
Certes la communauté internationale n'a pas toujours su ou
voulu respecter ses propres principes, en particulier dans cette
région du monde. Je suis de ceux qui le déplorent
tout en refusant d'y trouver un alibi à l'inaction. Quoi
qu'il en soit, la France continuera de lutter pour que les mêmes
principes prévalent partout et non au gré des circonstances.
Je
ne doute pas que le Parlement de la république saura exprimer
l'unité profonde de la nation dans cette épreuve.
A nos soldats, ainsi qu'à leurs familles qui vont en supporter
l'essentiel de la charge, j'adresse, au nom de la France, le témoignage
de notre confiance et de notre affection.
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