Palais
de l'Elysée, le 21 août 1990
Conférence
de presse réalisée à la suite du conseil des
ministres.
Mesdames
et Messieurs,
Je viens de présider un Conseil restreint. Nous avons préparé
un certain nombre de décisions ainsi que la séance
du Conseil des ministres qui aura lieu demain matin. Notre conversation
a tourné autour de divers problèmes, les uns de caractère
diplomatique, les autres de caractère militaire. Ce matin
même et au début de cet après-midi s’est
tenue une réunion de l’UEO, réunie à
la diligence et sous la présidence de M. Roland DUMAS. Cette
réunion s’est achevée à 16 heures en
marquant avec beaucoup de précision, une grande solidarité
de ceux qui étaient présents. Certains avaient été
jusqu’ici hors d’état de prendre part aux décisions
collectives qui ont été assumées au cours de
ces dernières semaines. Ils ont donc montré leur volonté
de s’associer dans un climat tout à fait positif. Il
y a eu également une réunion des douze Européens,
préoccupés en particulier par le problème de
leurs ressortissants retenus comme otages en Irak. Ils ont fait
ressortir un certain nombre d’éléments importants
notamment la responsabilité qui serait assumée à
tous les échelons par les différentes autorités
irakiennes au cas où leur manière de faire aboutirait
à faire peser une menace insupportable sur la vie et le mode
de vie des différents ressortissants de nombreux pays qui
se trouvent aujourd’hui retenus contre leur volonté
en Irak.
Le
problème des ressortissants français a naturellement
retenu notre attention. Il existe ce que l’on appelle une
cellule de crise qui se réunit régulièrement
auprès du Premier ministre, mais aussi une cellule qui suit
ce problème particulier des ressortissants français
au Quai d’Orsay. Le bureau chargé de ce type de problèmes
a reçu des instructions nouvelles, et a été
renforcé. Le personnel supplémentaire sera mis à
sa disposition ainsi que des moyens de communiquer constamment avec
les Français qui le souhaiteraient, en particulier les familles
de nos ressortissants. Cela permettra un échange continuel
de jour et de nuit. Diverses relations ont été développées
au cours de ces derniers temps, notamment au Conseil de sécurité.
Les porte-paroles, les représentants des pays, notamment
des membres du Conseil de sécurité, ont, à
tout moment, échangé leurs vues, parfois opposé
leurs thèses. C’est une sorte de réunion permanente,
elle a lieu en ce moment et l’on attend d’heure en heure
des décisions nouvelles. Dans quel sens ? Les rapports qui
me sont faits m’indiquent que les cinq pays membres permanents
du Conseil de Sécurité, quelque soit leur désaccord
dans l’interprétation de telle ou telle décision,
ont maintenu une certaine unité, ils ne se sont pas séparés
et recherchent des solutions qui permettraient de donner tout son
en commun embargo. Déjà des dispositions ont été
prises par la France, mais là j’aborde le problème
"défense" et "sécurité".
J’ai eu moi-même l’occasion de m’en entretenir
au cours de cette semaine, avec divers pays dans le monde, et cette
nuit encore avec le Président BUSH. Les directives données
à notre flotte sont connues puisqu’elles ont été
relatées dans plusieurs journaux de la presse écrite,
et je pense que cela est très utile. Un embargo sans sanction
serait un simulacre. Voilà pourquoi nous avons retenu une
expression dans laquelle se trouve le mot contrainte employée
il y a quelques jours par le ministère des Affaires étrangères
et aujourd’hui dans le communiqué publié à
l’issue de ce conseil restreint. Ces moyens de contrainte
sont également connus de vous puisqu’ils vont de la
reconnaissance d’un pavillon à la surveillance et à
la possibilité d’aller sur le navire suspect ou objet
de surveillance et, le cas échéant, d’arraisonner.
Pour dépasser ce stade, il faut qu il y ait des ordres du
commandement militaire ou s’il s’agit de tirer sur les
navires, sur tel ou tel navire, cela ressort de la décision
du Président de la République, en tant que chef des
armées. Aucun élément de ce processus n’est
à écarter mais la question jusqu’ici n’a
pas été posée. Simplement, nous prenons nos
dispositions pour être en mesure d’appliquer les instructions
données. Nous sommes allés dans cette région
du monde pour exécuter les décisions des Nations Unies.
Il ne s’agit pas spécifiquement d’une décision
française mais d’une décision des Nations Unies
à laquelle la France est étroitement associée
puisqu’il s’agit de réagir contre une violation
du droit international. Donc, la France assume pleinement sa responsabilité
dans ce domaine. Elle a elle-même saisi la Communauté
européenne et elle intervient dans toutes les instances de
décision puisque notre pays est membre permanent du Conseil
de sécurité. Notre politique est donc simple : Bien
entendu nous souhaitons que la diplomatie finisse par prévaloir,
nous ne nous faisons pas d’illusion au point où nous
en sommes, mais nous n’abandonnons pas cet espoir. Nous avons
souhaité que les pays arabes fussent en mesure de régler
leurs propres différends, or vous savez de quelle manière
ces pays se sont divisés dans l’appréciation
de l’événement. Les plus importants d’entre
eux se trouvent aujourd’hui dans des camps opposés.
Cette situation montre que depuis notre rencontre du 9 août
la situation a suivi son cours malheureusement logique et que les
éléments souhaités qui eussent permis un dialogue
ou une négociation ne se sont pas produits. Alors, il faut
en tirer la conséquence et c’est ce que fait la France.
Elle continue de porter ses espoirs dans les Nations Unies car elle
estime qu’à la violation du droit international doit
répondre la définition du droit international. Nous
souhaitons que cela soit rendu possible par les quinze pays membres
du Conseil de sécurité. Quoi qu’il advienne,
nous estimons avoir des devoirs, devoirs accrus par la situation
créée à l’encontre de quelques centaines
de nos ressortissants, étant entendu que nous sommes solidaires
de tous les autres pays victimes du même fait accompli intolérable.
Je ne sais quelles rumeurs ont couru disant que la France engageait
une négociation séparée. Je démens cette
rumeur de la façon la plus catégorique. Le sort de
tous les ressortissants étrangers en Irak qui se trouvent
victimes de cet intolérable action pose un cas humanitaire
global qui ne permet pas des actions séparées. Par
ailleurs, il a été décidé de répondre
favorablement à des demandes d’envoi de matériel
et d’escadrons de reconnaissance terrestres dans différents
pays de la région en particulier les Emirats Arabes Unis.
Il a été décidé d’envoyer des
instructeurs en Arabie Saoudite. Les forces du Koweït qui disposent
d’avions français, des Mirages Fl en particulier, continueront
d’être entretenus par du matériel français
car ces avions ont pu échapper à la pénétration
et à l’agression irakienne. Ainsi la présence
française continuera d’être assurée en
fonction des demandes qui nous seront faites et de l’examen
auquel nous procéderons nous-mêmes. Nous sommes déjà
entrés dans une phase d’exécution. Nous ne sommes
animés par aucun sentiment d’agression, de l’amertume
peut-être : on serait en droit de penser que la défense
du droit international aurait mérité de la part de
l’Irak des considérations un peu plus sérieuses
à l’égard d’un pays comme la France. Mais
le droit a été bafoué, violé, il l’est
de plus en plus et c’est cet engrenage que nous refusons.
Nous sommes disposés à assumer nos responsabilités
parce que nous pensons que c’est notre devoir. Pour donner
à ces explications l’ampleur nécessaire, j’ai
décidé de convoquer le Parlement en session extraordinaire
pour le lundi 27 août. Le ministre des Affaires étrangères
fera un rapport, le Premier ministre se fera entendre, chaque formation
politique dira ce qu’elle a à dire et cela permettra
déjà d’éclairer les représentants
de la Nation plus à fond et directement, ce qui ne sera pas
exclusif d’autres dispositions à venir.
QUESTION : Je voudrais vous demander si vous avez entendu
les déclarations du Parlement irakien aujourd’hui menaçant
directement les otages français ? Quelle est la réaction
de la France ? Est-ce que cela peut entraîner un accroissement
de nos forces militaires en présence actuellement dans le
Golfe et si oui dans quels délais ?
LE
PRESIDENT.- Il se trouve que je vous ai apporté
la réponse avant que vous ne me posiez la question. Je vous
ai dit à l’instant même quelles étaient
les instructions données à nos forces navales et j’ai
ajouté un peu plus tard que nous avions pris des dispositions
afin de répondre favorablement aux demandes qui nous étaient
adressées par les autorités légitimes du Koweït,
par les responsables des Emirats Arabes Unis et par l’Arabie
Saoudite.
QUESTION
: Est-ce que d’après vous il y a une différence
entre la position des Etats-Unis et la position française
?
LE
PRESIDENT.- Certainement. Nous avons suivi notre chemin
sans doute en raison de la connaissance que nous pensons avoir pensé,
historiquement du monde arabe et d’autre part nous avons pensé,
nous continuons de penser que tous les effets de l’embargo
devraient aller à leur terme. L’embargo c’est
fait pour quoi ? Cela a été décidé par
le Conseil de sécurité. On a rarement vu autant de
pays du monde associés dans une démarche pour la défense
du droit. La position des Etats-Unis d’Amérique telle
qu’elle nous est connue, c’est-à-dire des directives
données à leurs propres forces navale, aérienne,
terrestre est différente de la nôtre. Nous n’avons
pas de force terrestre mêlée actuellement à
ce conflit. D’autre part nous cherchons et c’est l’explication
principale de notre démarche, non pas à précéder
les décisions du Conseil de sécurité mais à
les suivre au plus près. Nous avons pensé que les
précéder risquait d’écarter, d’éloigner,
de séparer du reste des nations les quelques pays en situation
d hésiter ou animés par d’autres considérations
que les Etats-Unis d’Amérique. La dernière délibération
se déroule autour d’une motion américaine et
d’une motion britannique. Il n y a pas identité de
position entre les uns et les autres mais il y a solidarité
dans la protestation contre la violation du droit international.
QUESTION
: Vous avez dit qu’il y avait solidarité entre
les Etats des ressortissants gardés en otages par l’Irak.
A votre avis comment ces Etats doivent-ils réagir à
ces prises d’otages par l’Irak, par quels moyens ?
LE
PRESIDENT.- Si je vous répondais à l’instant,
je préjugerais gravement la suite. Tout doit être fait
pour obtenir cette libération mais il semble bien que les
moyens du dialogue aient échoué. Au demeurant ce dialogue
a été à peine esquissé ici ou là.
Il y a débat dans la presse, otage ou pas otage ? Vous m’aviez
posé la question il y a dix jours, vous n’aviez pas
employé l’expression "otage" mais le mot
"prisonnier" et j’ai dit oui, naturellement ce sont
des prisonniers et je vous dirai oui naturellement ce sont des "otages",
des hommes, des femmes, des enfants qui sont retenus contre leur
gré et dont on promet, on laisse entendre qu’il pourrait
y avoir libération en échange d’un avantage
politique ou militaire. Ce n’est pas la peine de se cacher
derrière la sémantique.
QUESTION
: Le "Clémenceau" arrive demain à
Djibouti. Est-ce que la situation nouvelle fait que le porte-avions
va y séjourner peu de temps et dans ce cas-là pouvez-vous
nous dire combien de temps et est-ce que vous avez l’intention
de recevoir l’ensemble des responsables politiques français
dans un prochain temps ?
LE
PRESIDENT.- L’objectif du porte-avions ce n’est
pas Djibouti, c’est le Golfe et sa zone. Donc, il ne peut
être à Djibouti qu’en escale. Combien de temps
? Ce sont des données techniques que vous suivrez de près
j’en suis sûr. Sa destination c’est le Golfe et
sa zone, c’est clair, ce sont des instructions. Est-ce que
je recevrai les responsables politiques ? Il y aura dans très
peu de jours, lundi prochain, cette session extraordinaire du Parlement
et ce sera déjà une occasion très forte pour
les porte-paroles des grandes politiques et des moins importantes
de s’exprimer. Par la suite, je les recevrai si la demande
m’en est faite ou bien j’en prendrai peut-être
l’initiative.
QUESTION
(Assafir) : Vu la situation explosive dans la
région du golfe, pensez-vous qu’une guerre est imminente
et inévitable ?
LE
PRESIDENT.- Je ne voudrais pas faire d’hypothèse
de ce genre. Ce qui est certain, c’est que nous sommes, pour
l’instant et à la suite de la responsabilité
prise par le Président irakien, dans une logique de guerre
et toute la difficulté consiste à savoir si l’on
peut en sortir sans renoncer aux objectifs fondamentaux que représente
la défense du droit.
QUESTION
(Jerusalem Post) : La Jordanie est le maillon
le plus faible du dispositif d’embargo contre l’Irak,
pensez-vous que l’offre de soutien économique et politique
faite aujourd’hui par les Douze à la Jordanie vont
induire ce pays à appliquer l’embargo contre l’Irak
?
LE
PRESIDENT.- C’est le roi HUSSEIN et son gouvernement
qui pourront vous répondre. D’après les informations
dont on dispose, il semble que l’embargo soit de plus en plus
suivi et même par le Yémen, donc on peut espérer
que la Jordanie agira de même.
QUESTION
(Al Hayat) : M. le Président, vous avez
dit tout à l’heure que vous ne vous faites pas d’illusion
quant à la situation diplomatique du conflit. Est-ce que
vous avez perdu espoir, envisagez-vous d’envoyer un émissaire
à Bagdad ou tous les contacts diplomatiques avec Bagdad sont-ils
rompus ?
LE
PRESIDENT.- Je n’ai pas dit que j’avais perdu
toute illusion. Je viens de dire à l’instant que nous
sommes entrés dans une logique dont il sera difficile de
sortir, mais après tout n’étions-nous pas entrés
dans cette logique dès la première minute de l’agression
contre le Koweït ? Envoyer des émissaires particuliers,
j’y ai bien songé, mais les choses ont évolué
depuis et je ne pense pas engager de négociations particulières.
Le dialogue n’est pas formellement rompu. Les ambassades sont
en place. Il n’y a pas eu jusqu’ici rupture des relations
diplomatiques, nous avons nos représentants actuellement
aussi bien à Koweït, qu’à Bagdad. Et ces
représentants ont été constamment au contact
de nos ressortissants lorsqu’ils ont été assignés
à résidence. Je crois que plusieurs de nos ressortissants
ont pu s’exprimer, ont bien voulu noter qu’ils avaient
reçu chaque jour la visite des représentants de notre
ambassade à Bagdad jusqu’au moment où un certain
nombre d’entre eux ont été transportés
dans des zones qui ne nous ont pas été désignées,
mais que l’on peut supposer choisies d’une façon
qui n’est pas acceptable, disons d’une façon
barbare. C’est vrai que nous avons connu des conflits, et
là se posent toujours des problèmes de droit. Nous
avons connu des conflits, nous en avons vécus nous-mêmes,
c’est vrai que les ressortissants étrangers représentants
des pays ennemis ont déjà été l’objet
de mesures de surveillance ou de concentration, mais ils n’étaient
pas envoyés comme appât ou chair à tuer. Il
existe des règles internationales auxquelles les pays civilisés
se soumettent. J’espère qu’il est encore une
chance de voir l’Irak respecter après réflexion
ces règles internationales, qui sont tout simplement celles
de l’humanité et on les a déjà prévenu
qu’en cas contraire ce pays devra rendre des comptes devant
la justice internationale. Que puis-je vous dire d’autre ?
On ne fait pas une vie politique et une responsabilité politique
aussi grave que celle d’aujourd’hui à coups de
pronostics. Bien entendu il faut chercher à établir
une ligne de conduite, à compter sur son intuition et à
préparer chaque jour ce qui se passera le lendemain ou bien
dans les semaines qui suivront. Mais je me garderai de tout pronostic
exprimé qui enfermerait la position de mon pays dans une
formule approximative.
QUESTION
: Les événements dans le Golfe ont suscité
des réactions sur les places financières notamment
en France. Or, il semble que l’économie française
soit bonne, le franc tient bon, ces réactions semblent plutôt
irrationnelles, est-ce qu’elles vous paraissent justifiées
?
LE
PRESIDENT.- J’ai l’impression que l’irrationnel
est une des données fondamentales de la bourse. On vit sur
l’émotion. J’espère quand même que
certaines de ces émotions excessives se calmeront. Vous avez
raison de le dire, la situation de l’économie française
est saine. Elle ne permet pas tout et n’importe quoi. Mais
s’il s’agit du pétrole, nous avons une réserve
importante pour plusieurs mois, nous avons déjà, et
nous pouvons encore, diversifier nos approvisionnements. Certaines
dispositions sont prises par un certain nombre de pays pour accroître
leur production. La part d’approvisionnement venant du Koweït
et de l’Irak est importante certes, mais pas décisive
dans notre fourniture d’énergie. Je pense que ceux
des Français qui, légitimement, s’inquiètent
et qui le manifestent à la bourse, devraient modérer
leurs angoisses et devraient ne pas être sensibles à
toutes les rumeurs qui passent par là. Si j’étais
aussi sensible qu’eux, je me demande comment je vivrais depuis
quinze jours. Mais tel n’est pas le cas, je tiens tout de
suite à vous en assurer.
QUESTION
: (La Croix) : M. le Président, vous inquiétez-vous
de ce qui semble être disons une hésitation soviétique
à s’engager plus avant dans les mesures destinées
à faire respecter l’embargo ?
LE
PRESIDENT.- Nous avons entretenu constamment, d’ailleurs
depuis longtemps, c’est le fruit d’un travail diplomatique
engagé depuis plusieurs années, des relations confiantes
avec l’Union Soviétique. De ce point de vue, notre
capacité de dialogue est grande. Ce que je sais de ce qui
est dit par les uns et les autres dans les conversations qui ont
lieu dans les enceintes internationales, me permet de penser que
l’Union Soviétique n’est pas très loin
de penser comme je l’exprime ici. Mais elle a ses objectifs
propres, quand on pense à ce qui se passe depuis simplement
un an, on est presque même étonné qu’une
question comme la vôtre puisse être posée. Il
faut laisser aux choses le temps de se faire. D’autre part
il est certain que si l’on a la démarche que j’ai
exposée : des dispositions internationales adoptées
par les Nations Unies doivent précéder toute action
tant que ce sera possible. Si les Nations Unies manquent à
ce qui est leur devoir, ce serait naturellement une situation qu’il
faudrait considérer, mais je crois que jamais les Nations
Unies n’ont montré autant de sens de la responsabilité
qu’aujourd’hui dans un conflit de cette envergure ;
si l’on a cette démarche, on peut dire que l’Union
Soviétique jusqu’ici a été très
coopérative, mais qu’elle n’ait pas les réflexes
américains, c’est, si j’ose dire, la moindre
des choses. Le dialogue, pour l’instant et je pense que cela
durera, en tout cas, entre la France et l’Union Soviétique,
est fécond.
QUESTION
: M. le Président, si à partir de maintenant
des navires irakiens décident de brûler l’embargo
ou de forcer le passage dans le Golfe, vous avez dit tout à
l’heure que l’embargo ne devait pas être un simulacre,
à partir de ce moment-là est-ce que la France se sentirait,
est-ce que vous vous sentiriez autorisé à dépasser
le stade des coups de semonce ?
LE
PRESIDENT.- C’est un sujet que j’examinerai
chaque fois qu’il me sera posé. J’ai simplement
dit que j’en avais l’autorité et que déjà
les directives étaient données pour que le processus
qui précède ce moment-là se déroule
normalement, c’est-à-dire interpellation, visite, et
cas échéant arraisonnement. Si cela dépasse
ce stade. Mais il ne faut pas imaginer... Vous avez dit navire irakien,
il faut bien se rendre compte qu’il y a peu de navires irakiens
et que la plupart des navires qui se trouveraient dans le cas de
forcer l’embargo sont des navires marchands qui proviennent
de beaucoup de pays. Ces navires marchands n’ont pas de vocation
belliqueuse, donc une certaine marge existe que j’apprécierai.
QUESTION
: M. le Président, est-ce que vous pouvez nous expliquer
pourquoi cette nuit, à la réunion du Conseil de sécurité
des Nations Unies aucun accord n’a pu être trouvé,
est-ce que vous pensez que c’est épisodique, que demain
on arrivera à un accord ?
LE
PRESIDENT.- Je ne fais pas de pronostic. Je le souhaite.
QUESTION
: Mais qu’elle était la raison de ce retard
?
LE
PRESIDENT.- J’ai le sentiment que le passage rapide
de la prise de positions juridiques sur l’embargo, et même
le cas échéant sur certaines formes de contraintes,
a été accéléré par les Etats-Unis
d’Amérique, sans doute poussé par la nécessité
: d’une part ils ont de très nombreux ressortissants,
aujourd’hui otages, d’autre part les navires irakiens,
qui, comme vous le savez, sont passés par le Golfe, se dirigent
vers le Yémen, enfin il y a sans doute la poussée
de l’opinion publique. Les Etats-Unis d’Amérique
ont leur logique et il faut la comprendre. Mais je pense que cette
action qui a précédé les délibérations
du Conseil de sécurité, a fait reculer ou a irrité
certains de ses membres et que c’est cela qu’il convient
de résorber maintenant. A l’heure où nous parlons
c’est ce que nous essayons de faire, c’est dans ce sens
que nous travaillons.
QUESTION
: M. le Président, considérez-vous que l’envoi
des émissaires français dans le Golfe et dans les
pays concernés par cette crise, a constitué quelques
avancées, si oui lesquelles ?
LE
PRESIDENT.- Oui, je pense, d’ailleurs je vais vous
quitter pour recevoir successivement quatre de ces délégués.
J’ai déjà eu leurs rapports écrits, mais
je tiens honneur et politesse à les recevoir et à
entendre directement leur avis. Ce n’était pas des
missions à sens unique, ce n’était pas simplement
pour informer les pays en question de la politique de la France,
c’était aussi pour mieux connaître la politique
de ces pays, leurs réactions, leur façon de voir et
de ce point de vue-là je peux vous dire que c’était
très utile. Donc, je crois que cela a été une
bonne chose, elle peut être recommencée mais enfin
il ne faut pas non plus prendre des habitudes... Est-ce qu’il
y a encore une chance que la France emploie, fasse entendre particulièrement
sa voix ? Mais sûrement elle le fera mais faire entendre sa
voix, faire connaître son originalité, mettre en jeu
sa propre expérience historique qui est différente
de celle des autres ce n’est pas manquer de solidarité
lorsque l’heure de la décision est venue.
QUESTION
: M. le Président, quelle est votre réponse
aux commentaires qui voudraient que l’Europe en tant que telle
a été absente de cette crise ?
LE
PRESIDENT.- L’absence en tant que telle, cela fait
déjà longtemps que l’on sait qu’il n’existe
pas de défense européenne proprement dite, puisque
c’est à cela que l’on travaille. C’est
un curieux raisonnement que de tenir pour acquis ce que l’on
recherche et dont on sait bien que cela exigera quelques années
de travail, de négociations et de dialogues. Ne considérons
pas comme obtenu le résultat que l’on recherche, la
démonstration en est faite chaque jour. Ce qui ne veut pas
dire pour autant que l’Europe soit tellement divisée
puisque les membres de l’UEO, y compris les observateurs,
se concertent et que je n’ai pas entendu de voix divergentes
en leur sein. Donc il y a progrès mais c’est vrai que
la défense européenne pour l’instant passe derrière
les alliances existantes. Il faudra que l’Europe prenne davantage
conscience d’elle-même, ce qui sera possible lorsqu’elle
se sera donné une existence politique. Vous savez que c’est
en chantier à partir du mois de décembre prochain.
QUESTION
: RFI est captée au Koweït et en Irak
où nous avons des ressortissants retenus en otages. Vous
avez prononcé le mot. Est-ce que vous auriez un message particulier
à leur intention ?
LE
PRESIDENT.- Ce message, et j’espère qu’il
sera entendu, c’est que je mesure, et la France avec moi,
l’ampleur du drame qu’ils vivent. Ils sont venus en
confiance dans ce pays, ils y ont beaucoup travaillé ou bien
certains d’entre eux sont venus en connaître le peuple,
les m?urs et les beautés. Admettez que c’est une tragique
surprise étant là, ainsi qu’il est dit d’une
façon difficilement soutenable, quand on croit être
l’invité d’un pays civilisé que de se
retrouver otage de ce même pays. Il faut donc qu’ils
sachent que la France entière comprend et vit leur drame.
Bien entendu les familles et les intéressés eux-mêmes
connaissent le poids d’une douleur et d’une angoisse
qui ne peut pas être pénétré autant qu’il
le faudrait parce qu’ils ne sont pas directement victimes
de ce drame-là. Alors on pense à eux mais on s’en
occupe aussi. La situation est particulièrement difficile
puisque c’est une situation extrêmement conflictuelle
mais cette donnée-là est une des données majeures
du débat présent et nous ne négligerons rien
de notre côté pour leur venir en aide, pour être
auprès d’eux et pour aussi leur dire il faut espoir
garder et, bien entendu, sans créer l’illusion car
c’est une situation qui n’est pas aisée de dominer
en raison du bruit des armes que l’on entend un peu partout.
QUESTION
: L’Irak a ordonné aux ambassades étrangères
de cesser toute activité le 24 août, alors je voudrais
savoir ce que ferait l’ambassade de France ?
LE
PRESIDENT.- Collectivement il a été répondu
par la Communauté des Douze, c’est un refus. Donc les
ambassades ne seront pas fermées de gré.
QUESTION
: (Inaudible)
LE
PRESIDENT.- C’est un sujet que nous examinons, Monsieur.
Nous ne désirons pas accroître le nombre des otages
de l’Irak mais nous ne voulons pas non plus que ceux qui sont
déjà otages soient abandonnés à leur
sort sans recours aussi près que possible, c’est-à-dire
dans les capitales d’Irak et du Koweït. C’est cette
aide, ce contact que nous voulons perpétuer autant qu’il
sera possible.
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