Conférence de presse
de François Mitterrand,
président de la République

Les otages français

Palais de l'Elysée, le 21 août 1990

Conférence de presse réalisée à la suite du conseil des ministres.

Mesdames et Messieurs,


Je viens de présider un Conseil restreint. Nous avons préparé un certain nombre de décisions ainsi que la séance du Conseil des ministres qui aura lieu demain matin. Notre conversation a tourné autour de divers problèmes, les uns de caractère diplomatique, les autres de caractère militaire. Ce matin même et au début de cet après-midi s’est tenue une réunion de l’UEO, réunie à la diligence et sous la présidence de M. Roland DUMAS. Cette réunion s’est achevée à 16 heures en marquant avec beaucoup de précision, une grande solidarité de ceux qui étaient présents. Certains avaient été jusqu’ici hors d’état de prendre part aux décisions collectives qui ont été assumées au cours de ces dernières semaines. Ils ont donc montré leur volonté de s’associer dans un climat tout à fait positif. Il y a eu également une réunion des douze Européens, préoccupés en particulier par le problème de leurs ressortissants retenus comme otages en Irak. Ils ont fait ressortir un certain nombre d’éléments importants notamment la responsabilité qui serait assumée à tous les échelons par les différentes autorités irakiennes au cas où leur manière de faire aboutirait à faire peser une menace insupportable sur la vie et le mode de vie des différents ressortissants de nombreux pays qui se trouvent aujourd’hui retenus contre leur volonté en Irak.

Le problème des ressortissants français a naturellement retenu notre attention. Il existe ce que l’on appelle une cellule de crise qui se réunit régulièrement auprès du Premier ministre, mais aussi une cellule qui suit ce problème particulier des ressortissants français au Quai d’Orsay. Le bureau chargé de ce type de problèmes a reçu des instructions nouvelles, et a été renforcé. Le personnel supplémentaire sera mis à sa disposition ainsi que des moyens de communiquer constamment avec les Français qui le souhaiteraient, en particulier les familles de nos ressortissants. Cela permettra un échange continuel de jour et de nuit. Diverses relations ont été développées au cours de ces derniers temps, notamment au Conseil de sécurité. Les porte-paroles, les représentants des pays, notamment des membres du Conseil de sécurité, ont, à tout moment, échangé leurs vues, parfois opposé leurs thèses. C’est une sorte de réunion permanente, elle a lieu en ce moment et l’on attend d’heure en heure des décisions nouvelles. Dans quel sens ? Les rapports qui me sont faits m’indiquent que les cinq pays membres permanents du Conseil de Sécurité, quelque soit leur désaccord dans l’interprétation de telle ou telle décision, ont maintenu une certaine unité, ils ne se sont pas séparés et recherchent des solutions qui permettraient de donner tout son en commun embargo. Déjà des dispositions ont été prises par la France, mais là j’aborde le problème "défense" et "sécurité". J’ai eu moi-même l’occasion de m’en entretenir au cours de cette semaine, avec divers pays dans le monde, et cette nuit encore avec le Président BUSH. Les directives données à notre flotte sont connues puisqu’elles ont été relatées dans plusieurs journaux de la presse écrite, et je pense que cela est très utile. Un embargo sans sanction serait un simulacre. Voilà pourquoi nous avons retenu une expression dans laquelle se trouve le mot contrainte employée il y a quelques jours par le ministère des Affaires étrangères et aujourd’hui dans le communiqué publié à l’issue de ce conseil restreint. Ces moyens de contrainte sont également connus de vous puisqu’ils vont de la reconnaissance d’un pavillon à la surveillance et à la possibilité d’aller sur le navire suspect ou objet de surveillance et, le cas échéant, d’arraisonner. Pour dépasser ce stade, il faut qu il y ait des ordres du commandement militaire ou s’il s’agit de tirer sur les navires, sur tel ou tel navire, cela ressort de la décision du Président de la République, en tant que chef des armées. Aucun élément de ce processus n’est à écarter mais la question jusqu’ici n’a pas été posée. Simplement, nous prenons nos dispositions pour être en mesure d’appliquer les instructions données. Nous sommes allés dans cette région du monde pour exécuter les décisions des Nations Unies. Il ne s’agit pas spécifiquement d’une décision française mais d’une décision des Nations Unies à laquelle la France est étroitement associée puisqu’il s’agit de réagir contre une violation du droit international. Donc, la France assume pleinement sa responsabilité dans ce domaine. Elle a elle-même saisi la Communauté européenne et elle intervient dans toutes les instances de décision puisque notre pays est membre permanent du Conseil de sécurité. Notre politique est donc simple : Bien entendu nous souhaitons que la diplomatie finisse par prévaloir, nous ne nous faisons pas d’illusion au point où nous en sommes, mais nous n’abandonnons pas cet espoir. Nous avons souhaité que les pays arabes fussent en mesure de régler leurs propres différends, or vous savez de quelle manière ces pays se sont divisés dans l’appréciation de l’événement. Les plus importants d’entre eux se trouvent aujourd’hui dans des camps opposés. Cette situation montre que depuis notre rencontre du 9 août la situation a suivi son cours malheureusement logique et que les éléments souhaités qui eussent permis un dialogue ou une négociation ne se sont pas produits. Alors, il faut en tirer la conséquence et c’est ce que fait la France. Elle continue de porter ses espoirs dans les Nations Unies car elle estime qu’à la violation du droit international doit répondre la définition du droit international. Nous souhaitons que cela soit rendu possible par les quinze pays membres du Conseil de sécurité. Quoi qu’il advienne, nous estimons avoir des devoirs, devoirs accrus par la situation créée à l’encontre de quelques centaines de nos ressortissants, étant entendu que nous sommes solidaires de tous les autres pays victimes du même fait accompli intolérable. Je ne sais quelles rumeurs ont couru disant que la France engageait une négociation séparée. Je démens cette rumeur de la façon la plus catégorique. Le sort de tous les ressortissants étrangers en Irak qui se trouvent victimes de cet intolérable action pose un cas humanitaire global qui ne permet pas des actions séparées. Par ailleurs, il a été décidé de répondre favorablement à des demandes d’envoi de matériel et d’escadrons de reconnaissance terrestres dans différents pays de la région en particulier les Emirats Arabes Unis. Il a été décidé d’envoyer des instructeurs en Arabie Saoudite. Les forces du Koweït qui disposent d’avions français, des Mirages Fl en particulier, continueront d’être entretenus par du matériel français car ces avions ont pu échapper à la pénétration et à l’agression irakienne. Ainsi la présence française continuera d’être assurée en fonction des demandes qui nous seront faites et de l’examen auquel nous procéderons nous-mêmes. Nous sommes déjà entrés dans une phase d’exécution. Nous ne sommes animés par aucun sentiment d’agression, de l’amertume peut-être : on serait en droit de penser que la défense du droit international aurait mérité de la part de l’Irak des considérations un peu plus sérieuses à l’égard d’un pays comme la France. Mais le droit a été bafoué, violé, il l’est de plus en plus et c’est cet engrenage que nous refusons. Nous sommes disposés à assumer nos responsabilités parce que nous pensons que c’est notre devoir. Pour donner à ces explications l’ampleur nécessaire, j’ai décidé de convoquer le Parlement en session extraordinaire pour le lundi 27 août. Le ministre des Affaires étrangères fera un rapport, le Premier ministre se fera entendre, chaque formation politique dira ce qu’elle a à dire et cela permettra déjà d’éclairer les représentants de la Nation plus à fond et directement, ce qui ne sera pas exclusif d’autres dispositions à venir.


QUESTION :
Je voudrais vous demander si vous avez entendu les déclarations du Parlement irakien aujourd’hui menaçant directement les otages français ? Quelle est la réaction de la France ? Est-ce que cela peut entraîner un accroissement de nos forces militaires en présence actuellement dans le Golfe et si oui dans quels délais ?

LE PRESIDENT.- Il se trouve que je vous ai apporté la réponse avant que vous ne me posiez la question. Je vous ai dit à l’instant même quelles étaient les instructions données à nos forces navales et j’ai ajouté un peu plus tard que nous avions pris des dispositions afin de répondre favorablement aux demandes qui nous étaient adressées par les autorités légitimes du Koweït, par les responsables des Emirats Arabes Unis et par l’Arabie Saoudite.

QUESTION : Est-ce que d’après vous il y a une différence entre la position des Etats-Unis et la position française ?

LE PRESIDENT.- Certainement. Nous avons suivi notre chemin sans doute en raison de la connaissance que nous pensons avoir pensé, historiquement du monde arabe et d’autre part nous avons pensé, nous continuons de penser que tous les effets de l’embargo devraient aller à leur terme. L’embargo c’est fait pour quoi ? Cela a été décidé par le Conseil de sécurité. On a rarement vu autant de pays du monde associés dans une démarche pour la défense du droit. La position des Etats-Unis d’Amérique telle qu’elle nous est connue, c’est-à-dire des directives données à leurs propres forces navale, aérienne, terrestre est différente de la nôtre. Nous n’avons pas de force terrestre mêlée actuellement à ce conflit. D’autre part nous cherchons et c’est l’explication principale de notre démarche, non pas à précéder les décisions du Conseil de sécurité mais à les suivre au plus près. Nous avons pensé que les précéder risquait d’écarter, d’éloigner, de séparer du reste des nations les quelques pays en situation d hésiter ou animés par d’autres considérations que les Etats-Unis d’Amérique. La dernière délibération se déroule autour d’une motion américaine et d’une motion britannique. Il n y a pas identité de position entre les uns et les autres mais il y a solidarité dans la protestation contre la violation du droit international.

QUESTION : Vous avez dit qu’il y avait solidarité entre les Etats des ressortissants gardés en otages par l’Irak. A votre avis comment ces Etats doivent-ils réagir à ces prises d’otages par l’Irak, par quels moyens ?

LE PRESIDENT.- Si je vous répondais à l’instant, je préjugerais gravement la suite. Tout doit être fait pour obtenir cette libération mais il semble bien que les moyens du dialogue aient échoué. Au demeurant ce dialogue a été à peine esquissé ici ou là. Il y a débat dans la presse, otage ou pas otage ? Vous m’aviez posé la question il y a dix jours, vous n’aviez pas employé l’expression "otage" mais le mot "prisonnier" et j’ai dit oui, naturellement ce sont des prisonniers et je vous dirai oui naturellement ce sont des "otages", des hommes, des femmes, des enfants qui sont retenus contre leur gré et dont on promet, on laisse entendre qu’il pourrait y avoir libération en échange d’un avantage politique ou militaire. Ce n’est pas la peine de se cacher derrière la sémantique.

QUESTION : Le "Clémenceau" arrive demain à Djibouti. Est-ce que la situation nouvelle fait que le porte-avions va y séjourner peu de temps et dans ce cas-là pouvez-vous nous dire combien de temps et est-ce que vous avez l’intention de recevoir l’ensemble des responsables politiques français dans un prochain temps ?

LE PRESIDENT.- L’objectif du porte-avions ce n’est pas Djibouti, c’est le Golfe et sa zone. Donc, il ne peut être à Djibouti qu’en escale. Combien de temps ? Ce sont des données techniques que vous suivrez de près j’en suis sûr. Sa destination c’est le Golfe et sa zone, c’est clair, ce sont des instructions. Est-ce que je recevrai les responsables politiques ? Il y aura dans très peu de jours, lundi prochain, cette session extraordinaire du Parlement et ce sera déjà une occasion très forte pour les porte-paroles des grandes politiques et des moins importantes de s’exprimer. Par la suite, je les recevrai si la demande m’en est faite ou bien j’en prendrai peut-être l’initiative.

QUESTION (Assafir) : Vu la situation explosive dans la région du golfe, pensez-vous qu’une guerre est imminente et inévitable ?

LE PRESIDENT.- Je ne voudrais pas faire d’hypothèse de ce genre. Ce qui est certain, c’est que nous sommes, pour l’instant et à la suite de la responsabilité prise par le Président irakien, dans une logique de guerre et toute la difficulté consiste à savoir si l’on peut en sortir sans renoncer aux objectifs fondamentaux que représente la défense du droit.

QUESTION (Jerusalem Post) : La Jordanie est le maillon le plus faible du dispositif d’embargo contre l’Irak, pensez-vous que l’offre de soutien économique et politique faite aujourd’hui par les Douze à la Jordanie vont induire ce pays à appliquer l’embargo contre l’Irak ?

LE PRESIDENT.- C’est le roi HUSSEIN et son gouvernement qui pourront vous répondre. D’après les informations dont on dispose, il semble que l’embargo soit de plus en plus suivi et même par le Yémen, donc on peut espérer que la Jordanie agira de même.

QUESTION (Al Hayat) : M. le Président, vous avez dit tout à l’heure que vous ne vous faites pas d’illusion quant à la situation diplomatique du conflit. Est-ce que vous avez perdu espoir, envisagez-vous d’envoyer un émissaire à Bagdad ou tous les contacts diplomatiques avec Bagdad sont-ils rompus ?

LE PRESIDENT.- Je n’ai pas dit que j’avais perdu toute illusion. Je viens de dire à l’instant que nous sommes entrés dans une logique dont il sera difficile de sortir, mais après tout n’étions-nous pas entrés dans cette logique dès la première minute de l’agression contre le Koweït ? Envoyer des émissaires particuliers, j’y ai bien songé, mais les choses ont évolué depuis et je ne pense pas engager de négociations particulières. Le dialogue n’est pas formellement rompu. Les ambassades sont en place. Il n’y a pas eu jusqu’ici rupture des relations diplomatiques, nous avons nos représentants actuellement aussi bien à Koweït, qu’à Bagdad. Et ces représentants ont été constamment au contact de nos ressortissants lorsqu’ils ont été assignés à résidence. Je crois que plusieurs de nos ressortissants ont pu s’exprimer, ont bien voulu noter qu’ils avaient reçu chaque jour la visite des représentants de notre ambassade à Bagdad jusqu’au moment où un certain nombre d’entre eux ont été transportés dans des zones qui ne nous ont pas été désignées, mais que l’on peut supposer choisies d’une façon qui n’est pas acceptable, disons d’une façon barbare. C’est vrai que nous avons connu des conflits, et là se posent toujours des problèmes de droit. Nous avons connu des conflits, nous en avons vécus nous-mêmes, c’est vrai que les ressortissants étrangers représentants des pays ennemis ont déjà été l’objet de mesures de surveillance ou de concentration, mais ils n’étaient pas envoyés comme appât ou chair à tuer. Il existe des règles internationales auxquelles les pays civilisés se soumettent. J’espère qu’il est encore une chance de voir l’Irak respecter après réflexion ces règles internationales, qui sont tout simplement celles de l’humanité et on les a déjà prévenu qu’en cas contraire ce pays devra rendre des comptes devant la justice internationale. Que puis-je vous dire d’autre ? On ne fait pas une vie politique et une responsabilité politique aussi grave que celle d’aujourd’hui à coups de pronostics. Bien entendu il faut chercher à établir une ligne de conduite, à compter sur son intuition et à préparer chaque jour ce qui se passera le lendemain ou bien dans les semaines qui suivront. Mais je me garderai de tout pronostic exprimé qui enfermerait la position de mon pays dans une formule approximative.

QUESTION : Les événements dans le Golfe ont suscité des réactions sur les places financières notamment en France. Or, il semble que l’économie française soit bonne, le franc tient bon, ces réactions semblent plutôt irrationnelles, est-ce qu’elles vous paraissent justifiées ?

LE PRESIDENT.- J’ai l’impression que l’irrationnel est une des données fondamentales de la bourse. On vit sur l’émotion. J’espère quand même que certaines de ces émotions excessives se calmeront. Vous avez raison de le dire, la situation de l’économie française est saine. Elle ne permet pas tout et n’importe quoi. Mais s’il s’agit du pétrole, nous avons une réserve importante pour plusieurs mois, nous avons déjà, et nous pouvons encore, diversifier nos approvisionnements. Certaines dispositions sont prises par un certain nombre de pays pour accroître leur production. La part d’approvisionnement venant du Koweït et de l’Irak est importante certes, mais pas décisive dans notre fourniture d’énergie. Je pense que ceux des Français qui, légitimement, s’inquiètent et qui le manifestent à la bourse, devraient modérer leurs angoisses et devraient ne pas être sensibles à toutes les rumeurs qui passent par là. Si j’étais aussi sensible qu’eux, je me demande comment je vivrais depuis quinze jours. Mais tel n’est pas le cas, je tiens tout de suite à vous en assurer.

QUESTION : (La Croix) : M. le Président, vous inquiétez-vous de ce qui semble être disons une hésitation soviétique à s’engager plus avant dans les mesures destinées à faire respecter l’embargo ?

LE PRESIDENT.- Nous avons entretenu constamment, d’ailleurs depuis longtemps, c’est le fruit d’un travail diplomatique engagé depuis plusieurs années, des relations confiantes avec l’Union Soviétique. De ce point de vue, notre capacité de dialogue est grande. Ce que je sais de ce qui est dit par les uns et les autres dans les conversations qui ont lieu dans les enceintes internationales, me permet de penser que l’Union Soviétique n’est pas très loin de penser comme je l’exprime ici. Mais elle a ses objectifs propres, quand on pense à ce qui se passe depuis simplement un an, on est presque même étonné qu’une question comme la vôtre puisse être posée. Il faut laisser aux choses le temps de se faire. D’autre part il est certain que si l’on a la démarche que j’ai exposée : des dispositions internationales adoptées par les Nations Unies doivent précéder toute action tant que ce sera possible. Si les Nations Unies manquent à ce qui est leur devoir, ce serait naturellement une situation qu’il faudrait considérer, mais je crois que jamais les Nations Unies n’ont montré autant de sens de la responsabilité qu’aujourd’hui dans un conflit de cette envergure ; si l’on a cette démarche, on peut dire que l’Union Soviétique jusqu’ici a été très coopérative, mais qu’elle n’ait pas les réflexes américains, c’est, si j’ose dire, la moindre des choses. Le dialogue, pour l’instant et je pense que cela durera, en tout cas, entre la France et l’Union Soviétique, est fécond.

QUESTION : M. le Président, si à partir de maintenant des navires irakiens décident de brûler l’embargo ou de forcer le passage dans le Golfe, vous avez dit tout à l’heure que l’embargo ne devait pas être un simulacre, à partir de ce moment-là est-ce que la France se sentirait, est-ce que vous vous sentiriez autorisé à dépasser le stade des coups de semonce ?

LE PRESIDENT.- C’est un sujet que j’examinerai chaque fois qu’il me sera posé. J’ai simplement dit que j’en avais l’autorité et que déjà les directives étaient données pour que le processus qui précède ce moment-là se déroule normalement, c’est-à-dire interpellation, visite, et cas échéant arraisonnement. Si cela dépasse ce stade. Mais il ne faut pas imaginer... Vous avez dit navire irakien, il faut bien se rendre compte qu’il y a peu de navires irakiens et que la plupart des navires qui se trouveraient dans le cas de forcer l’embargo sont des navires marchands qui proviennent de beaucoup de pays. Ces navires marchands n’ont pas de vocation belliqueuse, donc une certaine marge existe que j’apprécierai.

QUESTION : M. le Président, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi cette nuit, à la réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies aucun accord n’a pu être trouvé, est-ce que vous pensez que c’est épisodique, que demain on arrivera à un accord ?

LE PRESIDENT.- Je ne fais pas de pronostic. Je le souhaite.

QUESTION : Mais qu’elle était la raison de ce retard ?

LE PRESIDENT.- J’ai le sentiment que le passage rapide de la prise de positions juridiques sur l’embargo, et même le cas échéant sur certaines formes de contraintes, a été accéléré par les Etats-Unis d’Amérique, sans doute poussé par la nécessité : d’une part ils ont de très nombreux ressortissants, aujourd’hui otages, d’autre part les navires irakiens, qui, comme vous le savez, sont passés par le Golfe, se dirigent vers le Yémen, enfin il y a sans doute la poussée de l’opinion publique. Les Etats-Unis d’Amérique ont leur logique et il faut la comprendre. Mais je pense que cette action qui a précédé les délibérations du Conseil de sécurité, a fait reculer ou a irrité certains de ses membres et que c’est cela qu’il convient de résorber maintenant. A l’heure où nous parlons c’est ce que nous essayons de faire, c’est dans ce sens que nous travaillons.

QUESTION : M. le Président, considérez-vous que l’envoi des émissaires français dans le Golfe et dans les pays concernés par cette crise, a constitué quelques avancées, si oui lesquelles ?

LE PRESIDENT.- Oui, je pense, d’ailleurs je vais vous quitter pour recevoir successivement quatre de ces délégués. J’ai déjà eu leurs rapports écrits, mais je tiens honneur et politesse à les recevoir et à entendre directement leur avis. Ce n’était pas des missions à sens unique, ce n’était pas simplement pour informer les pays en question de la politique de la France, c’était aussi pour mieux connaître la politique de ces pays, leurs réactions, leur façon de voir et de ce point de vue-là je peux vous dire que c’était très utile. Donc, je crois que cela a été une bonne chose, elle peut être recommencée mais enfin il ne faut pas non plus prendre des habitudes... Est-ce qu’il y a encore une chance que la France emploie, fasse entendre particulièrement sa voix ? Mais sûrement elle le fera mais faire entendre sa voix, faire connaître son originalité, mettre en jeu sa propre expérience historique qui est différente de celle des autres ce n’est pas manquer de solidarité lorsque l’heure de la décision est venue.

QUESTION : M. le Président, quelle est votre réponse aux commentaires qui voudraient que l’Europe en tant que telle a été absente de cette crise ?

LE PRESIDENT.- L’absence en tant que telle, cela fait déjà longtemps que l’on sait qu’il n’existe pas de défense européenne proprement dite, puisque c’est à cela que l’on travaille. C’est un curieux raisonnement que de tenir pour acquis ce que l’on recherche et dont on sait bien que cela exigera quelques années de travail, de négociations et de dialogues. Ne considérons pas comme obtenu le résultat que l’on recherche, la démonstration en est faite chaque jour. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’Europe soit tellement divisée puisque les membres de l’UEO, y compris les observateurs, se concertent et que je n’ai pas entendu de voix divergentes en leur sein. Donc il y a progrès mais c’est vrai que la défense européenne pour l’instant passe derrière les alliances existantes. Il faudra que l’Europe prenne davantage conscience d’elle-même, ce qui sera possible lorsqu’elle se sera donné une existence politique. Vous savez que c’est en chantier à partir du mois de décembre prochain.

QUESTION : RFI est captée au Koweït et en Irak où nous avons des ressortissants retenus en otages. Vous avez prononcé le mot. Est-ce que vous auriez un message particulier à leur intention ?

LE PRESIDENT.- Ce message, et j’espère qu’il sera entendu, c’est que je mesure, et la France avec moi, l’ampleur du drame qu’ils vivent. Ils sont venus en confiance dans ce pays, ils y ont beaucoup travaillé ou bien certains d’entre eux sont venus en connaître le peuple, les m?urs et les beautés. Admettez que c’est une tragique surprise étant là, ainsi qu’il est dit d’une façon difficilement soutenable, quand on croit être l’invité d’un pays civilisé que de se retrouver otage de ce même pays. Il faut donc qu’ils sachent que la France entière comprend et vit leur drame. Bien entendu les familles et les intéressés eux-mêmes connaissent le poids d’une douleur et d’une angoisse qui ne peut pas être pénétré autant qu’il le faudrait parce qu’ils ne sont pas directement victimes de ce drame-là. Alors on pense à eux mais on s’en occupe aussi. La situation est particulièrement difficile puisque c’est une situation extrêmement conflictuelle mais cette donnée-là est une des données majeures du débat présent et nous ne négligerons rien de notre côté pour leur venir en aide, pour être auprès d’eux et pour aussi leur dire il faut espoir garder et, bien entendu, sans créer l’illusion car c’est une situation qui n’est pas aisée de dominer en raison du bruit des armes que l’on entend un peu partout.

QUESTION : L’Irak a ordonné aux ambassades étrangères de cesser toute activité le 24 août, alors je voudrais savoir ce que ferait l’ambassade de France ?

LE PRESIDENT.- Collectivement il a été répondu par la Communauté des Douze, c’est un refus. Donc les ambassades ne seront pas fermées de gré.

QUESTION : (Inaudible)

LE PRESIDENT.- C’est un sujet que nous examinons, Monsieur. Nous ne désirons pas accroître le nombre des otages de l’Irak mais nous ne voulons pas non plus que ceux qui sont déjà otages soient abandonnés à leur sort sans recours aussi près que possible, c’est-à-dire dans les capitales d’Irak et du Koweït. C’est cette aide, ce contact que nous voulons perpétuer autant qu’il sera possible.

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